Débat. Le Front de Gauche: un attelage pour Mélenchon? Cherchez le problème

Pierre Laurent (PCF) et
Jean Luc Mélenchon (Parti de Gauche)

Par Frédéric Métézeau

Lundi soir, 24 juin 2013, Jean-Luc Mélenchon a reçu le prix d’humour politique du meilleur twitt : «je suis de plus en plus nombreux» répondait-il aux journalistes qui évoquaient un affaiblissement du Front de gauche.

Le prix est mérité, la formule fait rire et en même temps elle illustre la situation beaucoup moins drôle que connaît le mouvement. Pendant la présidentielle, scrutin hautement personnalisé et incarné, Mélenchon avait porté avec panache la parole de son mouvement. Le souci, c’est que cette hyperpersonnalisation a fini par desservir le Front de gauche (FDG). Si l’on considère comme Gainsbourg que l’humour est la décontraction de l’intelligence et comme Mélenchon est quelqu’un de très intelligent, ce tweet n’est pas qu’une plaisanterie.

Il démontre que le Front de Gauche a bien du mal à être autre chose que l’écurie d’un homme, un attelage de circonstance, en l’occurrence l’élection présidentielle. La preuve, après les législatives, le Front de Gauche n’a pu constituer de groupe tout seul, il a dû rallier des élus utra-marins non-inscrits [ cinq députés d’outre-mer, soit Huguette Bello de la Réunion, Alfred Marie-Jeanne de la Martinique, Jean-Philippe Nior de la Martinique, Gabriel Serville de la Guyanne et Brunot Nestor Azerot de la Martinique; ce groupe, au nom estampillé de Gauche Démocrate et Républicaine est présidé par le membre du PCF: André Chassaigne] pour atteindre les 15 membres, dont l’essentiel sont des communistes sauvés par le bon vieil accord Parti socialiste et Parti communiste français.

Depuis, aux huit législatives partielles, le FDG n’a eu aucun élu avec des scores autour de 5-6%, malgré la crise, malgré le chômage et la politique social-démocrate de Hollande. Pire que cela, comme au premier tour de la présidentielle et comme à Hénin-Beaumont, le FDG n’est pas parvenu à décoller l’électorat populaire du Front national qui l’a toujours devancé et n’a jamais cessé de creuser l’écart aussi bien dans l’Oise [mars] que dans le Lot-et-Garonne [juin].

Pour Mélenchon, le «front républicain» aujourd’hui «n’a aucun sens, c’est une escroquerie, un traquenard». Au sein du Front de Gauche, les relations sont tendues avec les communistes. Un député PCF nous confie qu’il ne croit pas à la stratégie à la grecque de Mélenchon (un effondrement des socialistes pour rafler la mise): «En Grèce la droite a repris le pouvoir» explique-t-il; «Mélenchon fait le pari de l’échec de Hollande, nous nous souhaitons qu’il réussisse».

Tout à sa vendetta contre le PS, Mélenchon pousse à des listes autonomes aux municipales, alors que seule l’union de la gauche peut sauver les mairies communistes.

Aujourd’hui le Front de Gauche de Mélenchon risque de devenir le MODEM de Bayrou: un assemblage pour un seul homme. Entre Bayrou et Mélenchon, il y a d’ailleurs bien des similitudes: culture historique et littéraire, intégrité, intrépidité jusqu’à la rupture avec sa famille politique d’origine et même l’admiration de Mitterrand, mais aussi un risque d’impasse stratégique, une incapacité à l’autocritique et donc à l’autodérision malgré un humour caustique… Derrière l’humour, la politique toujours… (26 juin 2016- Billet politique sur France culture)

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