Espagne: une réforme qui accroît le pouvoir patronal

La Commission internationale de l’Union syndicale Solidaires (France), dans son bulletin N° 37, écrivait: «Le gouvernement et le Parlement espagnols enchaînent les lois antisociales. Attaques contre le Code du travail, régression du droit à la retraite, privatisations multiples, extension du droit patronal de licencier sans contrepartie… et maintenant réforme de la négociation collective.» Ces reculs sociaux sont acceptés par les deux principaux syndicats du pays, Commissions Ouvrières (CCOO) et UGT (Union générale des travailleurs), qui n’hésitent pas à valider par leurs signatures ces textes! Pour comprendre le contenu de la dernière attaque, Solidaires, dans son bulletin N° 39, propose la traduction d’un récent article de Rojo y négro, publication mensuelle de la CGT d’Espagne. (Rédaction)

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En Espagne, les mesures antisociales se succèdent. Le 22 juin 2011, le Congrès des députés a proposé le premier débat sur la «Réforme de la négociation collective». Cette dernière et la nouvelle «législation des plans sociaux» (Expediente de Regulación de Empleo – ERE`s) – approuvée la semaine dernière par le gouvernement – sont un pas de plus dans les attaques incessantes contre les droits de l’ensemble de la classe travailleuse, menées par le gouvernement et le patronat, avec la complicité du syndicalisme institutionnel. Les nouvelles dispositions sur les «plans sociaux» sont encore une entaille dans les droits acquis, une possibilité nouvelle pour les patrons de recourir massivement à des licenciements libres et gratuits. C’est contre cela que la CGT avait appelé à une grève générale dans l’Etat espagnol le 29 septembre 2010, et que des mobilisations et grèves ont eu lieu le 27 janvier 2011, en Catalogne, Euskadi et Galice.

La «Réforme de la négociation collective» met en place de nouvelles règles de régulation dans les rapports travailleurs/euses-patronat et élimine quasiment l’aspect «négociation collective» en imposant un arbitrage obligatoire, en vidant les conventions collectives de leur contenu, en niant les négociations salariales, en consacrant le bisyndicalisme (CCOO et UGT) unique [formule qui renvoie a celle utilisée à propos du bipartisme politique PSOE et PP] comme le représentant légitime des travailleurs/ses afin que les pontes syndicaux et patronaux puissent discuter en marge des intérêts de la classe ouvrière.

Cette «réforme» est un pas supplémentaire dans la disparition de la liberté syndicale. Elle change les règles du jeu. Les travailleurs/ses sont considéré·e·s comme des marchandises disponibles en fonction de la demande, de la compétitivité des entreprises et des bénéfices patronaux. Elle affaiblit le pouvoir syndical de négocier les conditions de travail, les contrats collectifs. Marque d’une politique autoritaire, le droit de grève est kidnappé (même si c’est probablement inconstitutionnel) car il est la traduction du conflit d’intérêts entre le Capital et le Travail.

Parmi les mesures les plus préjudiciables de cette «réforme», on note:

Disparation de la capacité de négocier des Comités d’entreprise: la nouvelle loi donnera aux organisations majoritaires le pouvoir de négocier seules, en marge du Comité. Il s’agit de faire disparaître le syndicalisme alternatif, combatif.

• Instauration de l’arbitrage et de la médiation, «pour résoudre les divergences»: dans le texte des conventions collectives, les parties négociatrices devront définir le nom de l’arbitre chargé de résoudre les conflits pendant la durée de la convention et après.

• Application et interprétation des conventions: jusqu’à présent les divergences entre les parties sur l’interprétation des conventions et leur application étaient résolues devant les tribunaux. Dorénavant ce sera obligatoire par le recours à «l’arbitrage».

• Renoncement des relations de travail: en cas de modifications substantielles des conditions de travail (emploi, horaires, etc.), de non-respect des normes salariales, le patronat pourra dorénavant invoquer les raisons de la commission paritaire de la convention, en s’appuyant sur des éléments repris dans cette «réforme» (prétextes techniques, organisationnels, de production, économiques…). S’il n’y a pas d’accord, cela sera renvoyé vers «l’arbitrage».

• Inversion de la hiérarchie des normes: priorité sera donnée aux négociations d’entreprise par rapport à celles de niveaux sectoriel, provincial, autonome et étatique. Si deux conventions existent, c’est le contenu de la négociation imposée entreprise par entreprise qui s’appliquera.

• Fin de la garantie d’application des conventions: le délai maximal de prorogation d’une convention passe de 8 à 14 mois; mais au-delà de ce délai, s’il n’y a pas d’accord, c’est «l’arbitrage» qui sera mis en œuvre.

• Nouvelle déréglementation de la journée de travail: il est introduit une «norme» nouvelle: la possibilité laissée à l’employeur de déroger avec un minimum de 5% et un maximum qui sera fixé par chaque convention collective.

• Des conventions catégorielles: dorénavant, il sera possible d’avoir des conventions différentes, par catégories de travailleurs/ses d’une entreprise. Ceci se fera avec les syndicats «représentatifs» dans le collège électoral concerné et en contournant le Comité d’entreprise.

… le seul chemin possible pour sortir de la crise est la répartition du travail, en travaillant moins pour travailler tous, en réduisant le temps de travail sans perte de salaire, et en établissant la retraite à 60 ans avec remplacement obligatoire sur le poste de travail, en réalisant une distribution de la richesse fondée sur l’universalité de services publics suffisants, en imposant une plus forte taxation sur les bénéfices des entreprises, en établissant une fiscalité réellement progressive, en maintenant les prestations sociales pour tous les collectifs sociaux précarisés et exclus. Contre les réformes antisociales, la CGT lance un appel à la mobilisation et à l’occupation de la rue, pour une issue sociale à la crise.

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