«Les grands méchants»

Par Cécile de Kervasdoué

Cécile de Kervasdoué, tous les matins, tient une «revue de presse internationale» sur France Culture, à 7h35. Les auditeurs des radios helvétiques ne pourraient que se réjouir que cette émission soit retransmise, pour information, en Suisse romande. Une collaboration étroite entre la TSR-RSR et France Culture susciterait certainement des vocations journalistiques, qui ne seraient pas de la soupe. (Réd.)

Aujourd’hui vous pensez sans doute pis que pendre de Goldman and Sachs et ses affidés de Wall Street, qui touchent le fond, tant l’opinion publique les couvre de sa répugnance. Ainsi commence un édito du quotidien de Grande-Bretagne, l’Independent.

Et il est vrai que ce matin encore la presse internationale ne tarit pas de critiques sur le monde de la finance. «Ces gros chats trop gras que l’Europe a enfin décidé de mettre au régime en limitant les bonus bancaires», titre le Spiegel en Allemagne. Ces 158 chefs d’entreprise publiques et privées qui gagnent plus que notre premier ministre [David Cameron] ! s’insurge le Guardian en Grande-Bretagne qui publie nom, photo et revenus de ces trop riches.

Mais ce qu’il y a de plus absurde encore, continue Al Jazeera, c’est qu’alors que les pauvres de ce monde s’appauvrissent encore, ces escrocs en cols blancs sortent déjà de leur prison. Même les proches complices de Bernie Madoff, condamné à 150 ans de prison, ne sont pas inquiétés alors qu’ils ont participé à cette fraude mondiale, écrit le New York Times. Et l’on nous parle de régulation ! s’insurge Al Jazeera. Mais tout cela c’est de la charade qui tente de sauver les apparences

Apparences indispensables, explique El Pais en Espagne, parce qu’il faut éviter la panique qui serait une catastrophe pour nos économies surendettées. Alors le monde laisse l’histoire se répéter dangereusement, s’inquiète NPR (National Public Radio) aux Etats-Unis.

Cela vous révolte, semble commenter l’article de The Independent ? Mais attendez il y a pire. Il semble que ce que vous connaissez des fraudes des magnats de la finance n’est que la partie émergée de l’iceberg. Et le journal propose cette histoire vraie :

Comment les hommes et les femmes les plus riches du monde, à la tête de Goldman Sachs, Deutsche Bank, Merryll Lynch et bien plus encore, ont sciemment affamé les plus pauvres de ce monde. Alors, ça commence avec un mystère apparent. A la fin de 2006, le prix des denrées alimentaires a augmenté soudainement à travers le monde et de manière stratosphérique. En un an, le blé augmentait de 80 %, le maïs de 90 %, le riz de 320 %… 200 millions de personnes, des enfants pour la plupart, n’avaient plus les moyens de se nourrir et s’enfonçaient dans la famine. il y a eu des révoltes dans une trentaine de pays, violemment réprimées ou ignorées. Et puis au printemps 2008, comme par magie, les prix de ces denrées ont baissé mystérieusement. Voilà comment a eu lieu ce que Jean Ziegler, rapporteur à l’ONU, a appelé un «meurtre de masse silencieux», entièrement dû à la main de l’homme.

Et le journaliste britannique de The Independent raconte son récent voyage en Ethiopie et au Niger, lourdement touchés par la famine encore aujourd’hui. Ces enfants qui meurent ou qui ne grandissent plus, ces drames et les mensonges que l’on a racontés à ces gens, c’est parce qu’il n’y avait plus assez de matières premières ou parce qu’il y avait trop de gens sur terre pour qu’ils soient nourris.

Scandaleusement faux, accuse le journal. C’est parce que des firmes comme Goldman Sachs ont eu l’autorisation absurde de spéculer sur les denrées alimentaires, créant une bulle et s’enrichissant sur ce qui fait survivre des millions de personnes. Alors que faire ? Eh bien, c’est la responsabilité des citoyens des pays riches d’exiger que la spéculation ne concerne plus jamais les denrées alimentaires. C’est ma responsabilité en tant qu’être humain. Votre responsabilité.

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