Environnement. «La puissance et la rapidité de ces ouragans sont inédites»

Entretien avec Jérôme Lecou, météorologue, conduit par Marie-Noëlle Bertrand

Vents de tous les diables, toits et arbres arrachés, rues inondées… Maria, second ouragan de catégorie 5 à balayer les Caraïbes en quelques jours, s’éloignait de la Guadeloupe, hier, en laissant derrière lui de nouvelles images de territoires dévastés. On s’attendait à des dégâts importants à Basse-Terre et aux Saintes, mais surtout en Dominique, traversée par l’œil du cyclone, puis en République dominicaine Retour avec Jérôme Lecou, météorologue à Météo France, sur le caractère exceptionnel de la situation.

Quelle est la singularité de Maria?

Jérôme Lecou Sa puissance: pour la seconde fois en si peu de temps, nous sommes confrontés à un ouragan de catégorie 5 dans cette zone. C’est une situation inédite. Concernant la Dominique, c’est la première fois depuis 1979 que l’île est frappée par un événement d’une telle intensité. Les cyclones de cette force sont rares à l’est de l’arc des Caraïbes. On les rencontre plutôt à l’ouest: les ouragans naissent au large du Cap-Vert et se renforcent à mesure qu’ils traversent l’Atlantique. C’est en bout de course, en arrivant sur le golfe du Mexique, qu’ils sont les plus puissants. Katrina, Wilma, Rita… la série d’ouragans de catégories 4 et 5 survenue en 2005 a frappé dans cette zone.

Irma, José, Maria… Cette saison cyclonique est donc exceptionnelle?

Jérôme Lecou Absolument. Non pas du fait du nombre d’ouragans observés, mais encore une fois de leur puissance. La rapidité de leur intensification est elle aussi inédite. Irma était passée de catégorie 3 à catégorie 5 en deux jours. Maria, quant à elle, est passée de catégorie 1 à 5 en à peine vingt-quatre heures…

Sait-on expliquer cette série?

Jérôme Lecou Pas totalement. Nous constatons une anomalie de la température de l’eau, plus élevée tout au long de la route de formation des ouragans. Par ailleurs, les vents, sur cette même route, sont très homogènes: on n’observe pas de cisaillements, si bien que les ouragans restent bien formés, compacts, donc plus puissants. Mais le reste demeure énigmatique.

Un lien avec le réchauffement global?

Jérôme Lecou Il est toujours difficile de répondre à cette question. Constater ponctuellement une anomalie des températures de l’eau n’est pas une preuve en soi du réchauffement climatique. Mais on peut inverser la question et se demander ce qui se passerait dans un climat plus chaud. Le fait est que ce que l’on constate aujourd’hui confirme ce qu’envisagent les climatologues: quand les océans se réchauffent, les ouragans sont plus intenses.

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