Turquie. L’opposition perce, le bloc d’Erdogan «résiste»

Ekrem Imamoglu (Mark Lowen , CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons)

Par Uraz Aydin

Présenté comme une «question de survie» par Recep Tayyip Erdogan, le scrutin municipal du 31 mars 2019 s’est soldé par un échec incontestable pour l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) avec la perte des plus importantes villes, dont Istanbul et Ankara détenus depuis 25 ans par les islamistes, au profit de l’opposition. Toutefois en contestant les résultats et convoquant un recomptage des bulletins nuls, l’AKP «résiste».

Campagne, enjeux et candidature

La Turquie, soumise à une inflation de 20% et une hausse extrême des prix des produits alimentaires (un «terrorisme alimentaire» selon le chef d’État), a encore une fois assisté à une campagne brutale, agressive et basée sur une diabolisation de l’opposition. Cette dernière serait responsable de tous les maux du pays. Président de Turquie et de l’AKP, Recep Tayyip Erdogan a parcouru le territoire tout au long de ces derniers mois afin de démontrer par sa présence et son engagement le véritable enjeu de ces élections dont la portée dépassait largement, selon lui, celle d’un simple scrutin municipal. Il était en effet question de la «survie de l’État» face à une «alliance du vice et de l’infamie». Le président ne ménageait pas ses mots, ni d’ailleurs son ministre de l’intérieur Süleyman Soylu qui intervenait tel un acteur dans ces élections. Il prétendait que des centaines de militants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) étaient candidats sur les listes de l’opposition et au cas où ils seraient élus «on aura des nouveaux martyrs dans les villes» identifiant ainsi une probable victoire de l’opposition avec un regain d’attentats terroristes. Il ajoutait, arbitrairement, qu’«ils ont peut-être le droit de présenter leur candidature, mais pas de remplir leur fonction. S’ils sont élus, nous les en empêcherons».

De même pour les villes du sud-est à majorité kurde dont la quasi-totalité des maires avaient été destitués et remplacés par des administrateurs («kayyum») nommés par l’État. «Si l’on voit que les candidats sortants sont liés à l’organisation terroriste (le PKK), nous continueront avec les kayyum. Ni l’histoire ni la nation n’oublieront l’alliance faite avec ceux qui veulent diviser le pays», lançait le président Erdogan.

Les élections du 31 mars 2019 transformées en plébiscite

C’est dans le cadre d’une large alliance que les diverses forces d’opposition se sont mobilisées pour ce scrutin. Au niveau officiel l’alliance électorale dite de «la nation» rassemblait le CHP (Parti républicain du peuple) républicain et le IYI («Bon parti») parti-scission séculaire du parti d’extrême droite MHP (Parti d’action nationaliste) qui déjà avaient uni leurs forces lors des élections du 24 juin 2018. Les partis participaient ainsi au scrutin avec leur propre liste dans diverses villes et districts mais concernant les métropoles et autres villes critiques seul l’un des partis de l’Alliance de la nation présentait un candidat à la municipalité pour pouvoir l’emporter sur le candidat de l’Alliance populaire formée par l’AKP et le MHP.

Cependant le HDP (Parti démocratique des peuples) – formation de gauche issue du mouvement kurde – qui n’avait pas pu faire partie l’alliance oppositionnelle lors du scrutin de juin 2018[1] a, cette fois, soutenu dans la plupart des grandes villes de l’ouest le candidat de l’opposition avec le mot d’ordre de «faire perdre l’AKP-MHP», tout en présentant ses propres candidats dans la région kurde afin de récupérer ses mairies confisquées par le régime. Toutefois face à la criminalisation du HDP par Erdogan et son régime, afin de permettre que les diverses sensibilités politiques puissent voter pour un même candidat et principalement pour ne pas effrayer les secteurs nationalistes laïques – ce que Erdogan a justement tenté de provoquer – cette alliance n’a pas été rendue officielle.

Toutefois, un vote en masse des Kurdes pour le bloc constitué par un CHP (qui avait grandement contribué à l’arrestation des élus du HDP) et un IYI parti provenant de l’extrême droite n’était pas gagné d’avance. Et notamment pour le candidat du CHP d’Ankara, Mansur Yavas – qui avait été membre du MHP – et dont le nom circulait aussi comme candidat possible du côté du bloc électoral du régime, ce qui est aussi un signe révélateur du manque de contenu politique des candidatures.

Finalement Selahattin Demirtas, ancien coprésident du HDP, toujours incarcéré, est intervenu. A la suite d’un long silence assez significatif[2], il appela à suivre la stratégie du HDP: «Le passé n’est pas sans importance, n’oublions jamais tout ce que nous avons vécu. Mais l’avenir est encore plus important. C’est vous qui allez être déterminant dans les résultats de ce scrutin. Notre vote stratégique dans les villes où nous ne présentons pas de candidat sera le signe de notre force», observa-t-il sur Twitter, par l’intermédiaire de ses avocats, deux jours avant la date des élections.

Les résultats

Avec 84,6% de taux de participation, les résultats des élections signalent un net recul pour l’AKP dans les municipalités. Ce dernier perd 15 villes dont 8 au profit du CHP et 7 face au MHP. En effet dans certaines villes le bloc AKP-MHP ne fit pas d’alliance et les deux partis présentèrent des candidats différents. Le MHP est donc l’un des gagnants de ce scrutin.

Déjà lors des législatives de juin 2018 les résultats du MHP avaient surpris. Ce dernier semblait être voué à un effondrement en raison de la soumission de son leader Devlet Bahceli à Erdogan à la suite du tournant nationaliste que ce dernier opéra à partir de 2015 et du départ de son secteur séculaire qui forma ensuite le IYI Parti. Si effectivement le MHP perdit deux tiers de ces électeurs au profit de IYI Parti, cette perte fut compensée par un transfert de voix provenant des déçus de l’AKP. Ce dernier scrutin renforce ainsi sa position d’allié incontournable pour la «survie» du régime d’Erdogan, tout en élargissant sa marge de manœuvre autonome.

Par contre le parti d’Erdogan récupère 3 villes au HDP, 2 au CHP et 1 au MHP. Toutefois la perte de trois grandes villes comme Ankara, Antalya et Istanbul – centre économique concentrant le 70% du PIB – n’est pas comparable avec ses gains. Signalons cependant qu’au total le pourcentage de votes obtenus par les candidats du bloc AKP-MHP (51,6%) ne souffre que d’une légère baisse par rapport aux résultats obtenus par Erdogan lors des présidentiels (52,59%) et par l’Alliance populaire aux législatives (53,66%) en 2018. Il est donc difficile de parler d’un réel changement dans les rapports de forces sociaux et politiques (avec leur expression électorale) et de pronostiquer que l’affaiblissement du bloc conservateur-nationaliste continuera. Précisons aussi qu’après huit scrutins depuis 2014, les prochaines élections n’auront lieu qu’en 2023.

Si le IYI Parti n’obtient aucune municipalité, ce parti provenant de l’extrême droite et visant à devenir une formation de droite séculaire détient une position clé dans la victoire du CHP. Mis à part les villes prises à l’AKP, le CHP l’emporte aussi dans des villes méditerranéennes comme Adana et Mersin que détenait le MHP auparavant. Ainsi le premier parti de l’opposition parlementaire contrôle désormais quasiment toutes les villes de la côte méditerranéenne au sud et égéenne à l’ouest. «Selon la carte politique du pays, la côte égéenne et la Thrace au nord sont traditionnellement nationalistes et séculaires et votent généralement CHP», précise Gorkem Dogan, politologue à l’Université d’Istanbul. «Mais les villes du sud comme Antalya, Adana et Mersin sont ce que l’on appelle des swing states et c’est l’opposition qui l’emporte ici. Il en est de même pour Kars à l’est du pays où c’est le HDP qui sort vainqueur. Le bloc au pouvoir n’a pas perdu dans ses bastions qui s’étendent de l’Anatolie du centre et du nord, sur la côte de la mer noire. Mais là c’est le MHP qui l’emporte à l’intérieur du bloc. L’AKP est aussi influent chez les couches pauvres et laborieuses des villes industrielles. Et là aussi c’est le CHP qui l’emporte à Bilecik et Eskisehir – qu’il détenait déjà – et bien entendu à Istanbul. Dans d’autres zones industrielles comme Bursa et Kocaeli, l’opposition se renforce significativement et parfois obtient des municipalités d’arrondissements centraux. Ce sont les résultats d’une longue période de récession dans laquelle la Turquie est entrée. On constate une baisse de 5% dans la participation à ces élections, c’est dû, je pense à une perte de motivation des couches les plus pauvres parmi les électeurs de l’AKP face au fait d’aller voter, mais bien entendu c’est à vérifier. Et sans oublier le soutien massif des Kurdes aux candidats de l’opposition qui fut décisif dans certains cas, on peut constater que le perdant de ces élections et bel et bien l’AKP», commente-t-il.

Quant au HDP, parmi les 11 villes qu’il obtenait aux municipales de 2014, 10 avaient été mis sous tutelle de l’État et leurs maires destitués sous l’accusation «d’être liés à l’organisation terroriste PKK». L’enjeu était donc de récupérer ces administrations, ainsi que près d’une centaine de sous-préfectures et villages confisqués aussi par le régime. Malgré une répression et criminalisation inouïe et une censure extraordinaire, le HDP réussit à reprendre 6 de ces villes, dont Diyarbakir considérée comme la capitale du «Kurdistan du Nord» (de Turquie). Le parti l’emporta aussi à Kars que le MHP d’extrême droite détenait depuis 2014. L’une de ces villes, Dersim (officiellement Tunceli) fut perdu au profit du candidat du Parti Communiste de Turquie, Fatih Macoglu. Ce dernier, grâce à l’application de mesures progressistes et égalitaires aux commandes d’une commune de Dersim (Ovacik) au cours de la période précédente, avait acquis une renommée dans l’opinion publique[3]. Mais ce fut l’AKP qui l’emporta à Bitlis, Agri et Sirnak qui est sans doute l’une des plus politisées parmi les villes kurdes. Toutefois, elle est aussi celle où le peuple fut le plus rudement «réprimé». Elle fut la plus soumise à une véritable destruction lors des combats qui opposèrent les unités spéciales militaires et policières et les jeunes milices urbaines liées à la guérilla kurde. Les voix de HDP ont chuté ici de 70,6 à 35% et celles de l’AKP sont passées de 20,3 à 61,8%. Si la répression, le déplacement forcé de population, une présence massive de personnel militaire expliquent en partie ces résultats, la possibilité d’une volonté d’apaiser les tensions avec l’État de la part de certaines couches de la population urbaine – ce qui est le résultat de la politique répressive du régime à l’égard des Kurdes – n’est pas à négliger.

Ankara et Istanbul

Mais bien entendu ce sont les victoires remportées dans les deux principales métropoles d’Ankara et d’Istanbul – la mairie d’Izmir étant déjà sous son contrôle – qui importent le plus du point de vue de l’Alliance de la nation. Mansur Yavas déjà candidat du CHP aux municipales précédentes de 2014 avait perdu de peu – à la suite d’une longue coupure d’électricité qui suscita des soupçons de fraude – devant le candidat de l’AKP avec 43,8% contre 44,9%. C’est aujourd’hui avec 50,9% des voix que le candidat du bloc de l’opposition l’emporte contre 47,1% pour l’AKP-MHP.

Ekrem Imamoglu, candidat du CHP à la mairie d’Istanbul, le 29 mars 2019

A Istanbul, l’ancien maire de l’arrondissement de Beylikduzu Ekrem Imamoglu, candidat de l’alliance oppositionnel, affrontait l’ancien premier ministre et président du parlement turc Binali Yildirim. «Imamoglu est le genre de figure politique que l’on peut comparer à Macron ou Obama» commente Gorkem Dogan, professeur de sciences politiques à l’Université d’Istanbul. Il précise: «C’est un nouveau visage que l’on ne connaissait pas vraiment auparavant. Le maire d’un arrondissement qui apparemment a fait du bon boulot. Il ne parle pas de politique mais reflète une personnalité, ou tout au plus parle d’affaires concrètes et de travail pour tout le monde. Et ça rassure l’opinion publique. C’est efficace durant les périodes de crise politique ou économique où quelle que soit la politique que vous menez il est difficile de résoudre les problèmes. Le phénomène Imamoglu, cette figure de gendre idéal pour toutes les familles, peut être durable s’il arrive à être nommé officiellement maire d’Istanbul. Mais dans des conditions de récession prolongée, il peut aussi jouer un rôle clé pour surmonter les problèmes de légitimité du capital. Mais nous n’en sommes pas là, l’enjeu actuel est d’affaiblir le régime d’Erdogan.»

Les résultats au lendemain des élections étaient de 48,8% pour Imamoglu et 48,5% pour Yildirim, soit 25 mille voix de différence. Cependant pour les Stanbouliotes tout autant que pour le reste de la population concentré sur cet enjeu critique du scrutin, ce fut difficile de s’informer à propos des résultats. En effet, alors que l’écart – au profit de Yildirim –, selon les chiffres transmis par l’Agence étatique anatolienne (AA) aux médias commençait à se resserrer au fil des heures, ce dernier paru sur les écrans pour revendiquer sa victoire. En même temps, contrairement au candidat du CHP aux présidentielles de 2018, Muharrem Ince qui fut introuvable lors du comptage des voix et l’annonce de sa défaite, Imamoglu prit soin d’informer le public tout au long de la soirée sur les résultats provisoires qui lui étaient transmis par la coordination électorale de l’opposition, sur la base des procès-verbaux. Il signalait que ces derniers indiquaient des suffrages plus importants que ceux de son adversaire, en appelant le Haut Conseil Électoral, à travers lequel AA relayait les résultats, à la responsabilité. Vers 11h du soir l’AA interrompit d’informer sur les résultats tout au long de la nuit pour finalement annoncer en fin de matinée les résultats selon lesquels Imamoglu arrivait en tête. Entre-temps, durant la soirée du scrutin, le Président Erdogan s’adressait à son public depuis le centre de l’AKP à Ankara pour admettre vaguement les résultats des élections tout en soulignant que son alliance l’emportait à l’échelle nationale.

Mais le lendemain, dès l’annonce des résultats, l’AKP refusa de concéder la défaite et déposa des recours dans la totalité des arrondissements d’Istanbul, de même que pour plusieurs districts d’Ankara et d’autres villes perdues pour réexaminer la validité des bulletins considérés comme nuls. Une «anecdote» à ce propos: tandis que les 58 recours déposés par l’AKP ont été acceptés, tous ceux déposés par le HDP ont été refusés. Cependant au-delà des votes comptabilisés comme nuls, il est question dans plusieurs districts d’un recomptage de tous les votes, sans aucune preuve de fraude. A la fin de la semaine suivant le scrutin, alors que le comptage continuait l’écart entre les deux candidats d’Istanbul était tombé aux alentours de 18’000 votes.

«Ils ne peuvent pas se permettre de perdre Istanbul», précise Gorkem Dogan: «Il faut voir que c’est l’administration municipale qui a été l’accoucheuse de l’AKP. En devenant maire d’Istanbul, en 1994, Erdogan a transformé le fonctionnement de l’administration municipal. En centralisant et rentabilisant des services comme les cartes de transport en commun ou les aires de parking, il produisit d’importances ressources financières qu’il mit au service de la cause politique islamiste. Tout comme les Jeunes turcs [allusion à la formation politique du tout début du XXe siècle] tendaient à créer une bourgeoisie nationale au début du siècle, Erdogan, notamment grâce aux appels d’offres de la mairie, a suscité la croissance des petites et moyennes entreprises et favorisé ainsi le développement d’un capital islamiste. Il faisait encore partie du Parti de la Prospérité, mais c’est de là qu’est sorti l’AKP et les ressources financières créées par les mairies d’Istanbul mais aussi d’Ankara furent l’un des fondements matériels les plus importants de l’ascension d’Erdogan et de son mouvement. Les mairies permettent de même de fournir des emplois à leurs partisans, de soutenir les petites entreprises, de faire d’importantes donations aux fondations islamistes, de soutenir la presse Erdoganiste avec l’achat en masse de journaux qui ne sont aucunement lus. Au-delà du niveau politique ou symbolique, perdre la mairie va engendrer des difficultés économiques pour l’AKP. Avec un si petit écart de voix, personne n’abandonnerait ça, même dans les démocraties libérales, dont je ne suis pas un adorateur non plus. Regardez le cas d’Al Gore face à Bush en Floride, lors des élections de 2000.»

Selon les chiffres fournis par Deutsche Welle Turquie, le budget annuel de la mairie d’Istanbul pour 2019, incluant celui de la Compagnie des transports publics et de l’Administration des eaux, s’élève à près de 6 milliards d’euros. Et le chiffre d’affaires total des 28 entreprises se trouvant au sein de la mairie se situe aux alentours de 4 milliards d’euros. S’il était question d’une entreprise privée, la municipalité d’Istanbul se trouverait en seconde place – derrière la compagnie de raffinerie turque TUPRAS – dans la liste des 500 plus grandes entreprises du pays, selon le relevé publié en 2017 par la Chambre d’Industrie d’Istanbul [4].

Le réseau «Pélican» aux commandes

Cependant la décision de ne pas accepter la défaite et de déposer des recours de la part de l’AKP a été précédée et accompagnée par une campagne, initiée bien entendu sur les réseaux sociaux, et ce dès la nuit du scrutin. Elle avait pour but d’engendrer une atmosphère de «résistance» face à un nouveau volet de ladite tentative putschiste visant à renverser, cette fois par la fraude électorale, le chef Erdogan. Les acteurs de cette campagne? Les divers comptes twitter liés au réseau connu sous le nom de «Pélican», formé initialement en 2015 pour contrer les offensives des gülenistes sur le web.

Cette équipe officieuse dirigée au plus haut par Berat Albayrak, le gendre d’Erdogan (et actuel Ministre du Trésor et des Finances) a été connu par l’opinion publique en mai 2016 avec la publication d’un article sur un blog sous le nom de «dossier Pélican» accusant le Premier ministre Ahmet Davutoglu de ne pas être assez fidèle à Erdogan et «démontrant» point par point ses infidélités.

Davutoglu, comprenant ainsi ce que le Chef pensait de lui, démissionna dans les jours qui suivirent. Dirigé depuis une villa louée par l’ONG Bosphorus Global, le réseau composé de journalistes, de jeunes activistes et d’hommes d’affaires – et grossissant ses rangs au fil du temps – va servir de machine de propagande à travers les médias et internet en vue de décrédibiliser et appelant à sanctionner toute critique envers Erdogan[5]. «C’est pratiquement devenu un bureau de renseignement et de sécurité intérieure de l’AKP», explique Hakki Ozdal, journaliste qui suit de près les rapports internes du parti. H. Ozdal continue: «Le groupe ne s’est bien sûr pas formé indépendamment d’Erdogan qui, conscient de l’existence de diverses tendances dans le parti, a voulu avoir son propre groupe de fidèles pour assurer une consolidation autour de lui-même. C’est ainsi que ce réseau est devenu une sorte de détecteur de traître, ayant par exemple le pouvoir de faire licencier tout journaliste exprimant une quelconque critique vis-à-vis du Chef. La campagne qu’ils ont commencé à mener dès la première nuit avait comme objectif de faire pression sur Erdogan pour qu’il ne se résigne pas à reconnaître la défaite et probablement aussi d’éviter d’en endosser la responsabilité. Je pense qu’Erdogan était récalcitrant à l’idée de ne pas reconnaître les résultats. Le porte-parole de l’AKP Omer Celik a même appelé à la vigilance face à la manipulation et la provocation, insinuant les fake news relayés par les comptes liés au réseau “Pélican”. Quant à Erdogan, il ne s’est pas exprimé pendant plusieurs jours. Je pense qu’il n’était pas convaincu mais a attendu pour voir si la campagne marchait, si la base du parti approuvait cet argument de fraude et de coup d’état par les urnes. Et malheureusement ça a l’air de marcher et ça a au moins permis pour cette première semaine de ne pas engager de débat sur la défaite.»

S’exprimant publiquement le vendredi 5 avril, le Chef d’État a annoncé que la décision finale revenait au Haut Conseil Électoral, en donnant son propre exemple: «J’avais aussi été élu député, mais il y a eu recours contre cette élection et ça a été annulé. Mais nous n’avions rien à faire dans ce cas-là. C’était la décision finale…» Rien de bien rassurant donc. (Le 7 avril 2019, Istanbul)

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[1] Voir Uraz Aydin, “Élections, crise et répression” http://www.inprecor.fr/article-Turquie-Élections,%20crise%20et%20répression?id=2205

[2] Pour les tensions entre Demirtas et la nouvelle direction du HDP voir Uraz Aydin, « Que devient le HDP ? » http://alencontre.org/asie/turquie/turquie-que-devient-le-parti-democratique-des-peuples-le-hdp.html

[3] Voir Nicolas Cheviron « Fatih Mehmet Maçoglu, le petit maire communiste d’Ovacik qui voulait conquérir la Turquie », https://www.mediapart.fr/journal/international/270319/fatih-mehmet-macoglu-le-petit-maire-communiste-d-ovacik-qui-voulait-conquerir-la-turquie

[4] https://www.dw.com/cda/tr/büyük?ehirleri-kaybetmenin-bedeli-ne/a-48231455

[5] Efe Kerem Sözeri, “Pelikan Dernegi: Berat Albayrak, Ahmet Davutoglu’nu neden devirdi?” https://medium.com/@efekerem/pelikan-derne?i-berat-albayrak-ahmet-davuto?lunu-neden-devirdi-5fabad6dc7de

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