Mynamar-Birmanie. Le HCR «exige de mettre fin à une opération militaire très cruelle»

Par Maurin Picard

«Un cas d’école d’épuration ethnique» le Haut-Commissaire aux réfugiés des Nations unies [Zeid Al-Hussein, prince jordanien, musulman hachémite, ayant fait ses études à la Johns-Hopkins University (Blatimore) et à Cambrisge (Christ’s College); il est à ce poste depuis le 1er septembre 2014] ne mâche pas ses mots à l’encontre de la Birmanie (Myanmar). La sanglante répression d’une révolte rohingya dans la province de Rakhine aurait déjà jeté plus de 313’000 personnes, hommes, femmes et enfants sur les routes du Bangladesh voisin. Le 25 août, des militants rohingyas, d’obédience musulmane, ont attaqué des postes de police dans le nord de cette contrée bouddhiste, sont accusés d’avoir tués 12 membres des «forces de l’ordre» [des paysans se défendaient aussi face aux militaires bien armés avec des armes blanches] et déclenchant la répression gouvernementale. Des témoins rapportent que les soldats auraient brûlé des villages entiers et tué des civils, réfutant la version officielle des faits selon laquelle il s’agirait exclusivement de mesures de contre-guérilla [Les images satellites diffusées par Human Rights Watch et analysées par des experts confirment qu’il s’agit d’opérations militaires planifiées d’expulsion de la population paysanne pauvre rohingya]. D’autres rumeurs [et surtout des témoignages de blessés diffusés par la BBC World Service et Al Jazeera en langue anglaise] faisaient état du minage en cours de toute la frontière, afin d’empêcher les Rohingyas de revenir en territoire birman.

«Cruelle opération militaire»

Appelant depuis Genève, le siège de la commission des droits de l’homme, Myanmar à mettre un terme à la «cruelle opération militaire» lancée le mois dernier contre cette ethnie taxée d’apatride et «illégale» par les autorités, Zeid Raad Al Hussein juge cette dernière «clairement disproportionnée» par rapport aux incidents du mois d’août à Rakhine.

Le régime birman – l’armée, de facto – a refusé d’autoriser l’accès de la région aux inspecteurs des droits de l’homme, empêchant l’ONU d’évaluer précisément la situation. Al Hussein insiste en faveur d’un accès immédiat, son agence ayant reçu «de multiples rapports et images satellites (s’agissant) des forces de sécurité et des milices locales brûlant des villages rohingyas, ainsi que des récits crédibles de meurtres extrajudiciaires, y compris de civils en fuite abattus».

Les Rohingyas ne sont guère populaires [l’enseignement et la propagande gouvernementale en ont fait les responsables de divers maux] parmi la population birmane très majoritairement bouddhiste, qui les considère comme des citoyens de seconde zone, originaires du Bangladesh, une contre-vérité historique. Des campagnes islamophobes occasionnelles, attisées par des moines bouddhistes exaltés, appellent à la déportation définitive de tous les musulmans du pays [avec ce qui est sous-jacent, l’expropriation des terres qu’ils occupent].

Dimanche, les militants de l’armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (ASRA) ont annoncé un cessez-le-feu unilatéral d’un mois, afin de permettre aux organisations humanitaires d’accéder aux zones critiques. Mais le gouvernement a refusé de valider une telle mesure, affirmant qu’il ne «négociait pas avec des terroristes» .

Au Bangladesh, la situation est jugée critique par les ONG, qui manquent de vivres, de médicaments et d’abris pour venir en aide au flot de réfugiés en provenance du Myanmar. Avant la vague actuelle, 300’000 à 500’000 Rohingyas vivaient déjà dans le sud-est de ce pays parmi les plus pauvres au monde, eux-mêmes victimes de cycles de violence et de déportation antérieurs. Parmi eux, seuls 32’000 disposent à ce jour d’un statut de réfugié. Les camps débordent, tandis que Dacca [capitale du Bangladesh] s’efforce de recenser tous les nouveaux arrivants, après s’être longtemps abstenue de peur de «légitimer» leur présence encombrante.

Le gouvernement du Bangladesh a durci le ton envers son voisin birman, le ministre des Affaires étrangères Mahmoud Ali dénonçant sans ambages un génocide, exactement comme le dit la communauté internationale» . D’après ce dernier, 3000 personnes auraient été tuées côté birman, et au moins 10’000 maisons incendiées. Laissant transpirer sa frustration, Mahmoud Ali a ajouté que les 700’000 Rohingyas présents sur le sol bangladeshi constituaient désormais «un problème national» .

Conséquence inattendue de cette crise asiatique, l’opposante birmane Aung San Suu Kyi s’est vue reprocher son manque d’engagement en faveur des Rohingyas. Depuis son exil indien, le Dalaï-Lama, leader spirituel bouddhiste du Tibet et Prix Nobel de la Paix tout comme elle, a appelé vendredi sa consœur à prendre langue avec tous les pans de la société (birmane) pour tenter de restaurer des relations amicales» . Il a également prié les forces de sécurité birmanes de «se souvenir de Bouddha, (car) lui serait venu en aide à ces pauvres musulmans». (Le Soir, 12 septembre 2017)

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