France

Retraites: réponse aux 14 «engagements» de Sarkozy

Jean-Jacques Chavigné *

Après la mobilisation du 24 juin 2010 – qui a dépassé en ampleur ce qui était pronostiqué par une majorité des observateurs – une nouvelle échéance se profile: le 29 septembre.

La lutte sociale et politique pour s’opposer à la contre-réforme du régime des retraites du gouvernement français Fillon-Sarkozy possède une dimension européenne. Face à la cascade de mesures d’austérité en Europe, une résistance victorieuse en France modifierait, un peu, le paysage social et politique européen.

Tout est fait, certes, pour désinformer (entre autres en Suisse et dans divers pays européens) sur les enjeux réels de cette «réforme». De plus, la stratégie du gouvernement français consiste à diviser les salarié·e·s. Elle cherche aussi à les entraîner dans une négociation portant, avant tout, sur la «pénibilité du travail», en créant «l’espoir» – pour certaines directions syndicales – que sur ce terrain il y a du «grain à moudre». (Red.)

*****

1. Sauvegarder le système de retraite par répartition

C’est exactement le contraire de la politique de la droite depuis près de 20 ans. Entre la contre-réforme Balladur des retraites du secteur privé de 1993 (passage de 37,5 annuités de cotisation à 40 annuités, calcul de la retraite sur les 25 et non plus sur les 10 meilleures années…), la contre-réforme des retraites complémentaires de 1994-1996, la contre-réforme des retraites du secteur public en 2003 et celle des «régimes spéciaux» de 2008, c’est la confiance en notre régime de retraite par répartition qui est méthodiquement sapée.

La droite et le Medef ne supportent pas que la gestion de 250 millions d’euros échappe, chaque année, aux banques et aux compagnies d’assurance. Leur but est de se rapprocher d’un système à l’anglaise: une retraite par répartition de faible niveau pour la grande majorité des retraités, des fonds de pension (gérés par les banques et les compagnies d’assurance) pour ceux qui peuvent se le permettre.

Contrairement, d’ailleurs, à ce qu’avance le gouvernement, la retraite par capitalisation – plans de retraites d’entreprises, Perco (plan d’épargne pour la retraite collective) – n’est pas un complément à la retraite par répartition mais vient siphonner (grâce aux exonérations fiscales et sociales dont elle bénéficie) des ressources (de l’ordre de 1,5 à 2 milliards d’euros chaque année) qui devraient revenir aux retraites par répartition.

2. Assurer le retour à l’équilibre de nos régimes de retraite à moyen terme

Il faudrait, d’abord, distinguer le déficit «conjoncturel» du déficit «structurel». Le premier est la conséquence directe de la crise bancaire et de la récession qu’elle a provoquée diminuant ainsi la masse salariale et donc le montant des cotisations retraites. Un impôt exceptionnel devrait être levé sur les responsables de ce déficit, les banques et les spéculateurs, afin de le combler.

Le «déficit structurel» a une explication différente mais simple: alors que le nombre de retraités augmente régulièrement et doublera entre 2000 et 2040, le taux des cotisations-retraites patronales stagne depuis 30 ans.

Les moyens proposés par le gouvernement (l’allongement de la durée de cotisation et / ou le recul de l’âge légal de départ en retraite) sont socialement inacceptables. Le gouvernement n’a, d’ailleurs, encore dévoilé qu’une partie de ses propositions, il ne s’agit là que d’une esquisse de la contre-réforme qu’il prépare et, sans doute des mesures plus précises et plus douloureuses pour les salariés sont-elles encore à venir.

Et qui plus est, le gouvernement manie délibérément le mensonge lorsqu’il affirme rétablir ainsi l’équilibre de nos régimes de retraites. En effet, selon les dernières perspectives établies par le Conseil d’orientation des Retraites (à la demande d’ailleurs du Medef, l’organisation patronale), allonger à la fois la durée de cotisation de 2 ans et demi, reporter l’âge légal de départ en retraite de 60 à 65 ans et l’âge du taux plein à 68 ans ne permettrait de couvrir que 53 % des besoins de financement en 2050 !

3. Ne pas réduire les déficits en baissant les pensions des retraités d’aujourd’hui

Augmenter la CSG [Contribution sociale généralisée, impôt qui participe au financement de la sécurité sociale, institué en 1990] ou la CRDS [Contribution pour le remboursement de la dette sociale, impôt créé en 1996 pour «résorber l’endettement de la sécurité sociale»] des retraités d’aujourd’hui serait parfaitement injuste.

Les retraités actuels auraient cependant bien tort de croire aux promesses de celui [Sarkozy] qui affirmait que «pour gagner plus, il fallait travailleur plus» !

Ils auraient également tout à fait tort de croire qu’il serait possible de casser sans scrupule l’espoir des plus jeunes de bénéficier un jour d’une vraie retraite sans qu’un jour ces derniers finissent par choisir de financer des fonds de pension plutôt que de cotiser pour des retraites par répartition dont ils n’attendront plus rien. C’est d’ailleurs ce que préparent opiniâtrement la droite et le Medef depuis 1993. Ce jour-là, les retraités pourraient bien se retrouver sans personne pour payer leurs retraites.

Loin de considérer que les retraites, «ce n’est plus leur problème», les retraités actuels et ceux qui sont tout prêts de le devenir, même s’ils ne le font pas par solidarité pour les plus jeunes, devraient comprendre qu’il en va de leur propre intérêt de participer aux mobilisations en défense des retraites par répartition.

4. Ne pas réduire les déficits en baissant les pensions des retraités de demain »

C’est pourtant ce que la droite et le Medef font depuis près de 20 ans. La baisse des pensions est déjà largement entamée et programmée par les contre-réformes de 1993, 1994-1996, 2003 et 2008. Le COR [Conseil d’orientation des retraites, organisme public créé en 2000 pour «accompagner les réformes du système de retraite»] estime que le taux de remplacement du salaire par la retraite devrait baisser de 18 à 20 points entre 1995 et 2030. Soit pour un salaire net de 1200 euros par mois, une baisse de 216 à 240 euros du montant de la retraite correspondante.

Le gouvernement se refuse à chiffrer le montant de la baisse des pensions liée à l’allongement à 41 ans de la durée de cotisation. Il considère que tout salarié peut choisir et choisira de travailler pour conserver le même niveau de retraite.

Cela n’a aucun rapport avec la réalité sociale actuelle. Aujourd’hui, 60 % des salarié·e·s du secteur privé ne sont plus au travail lorsqu’ils partent en retraite: ils sont au chômage (indemnisés ou non), en maladie ou en invalidité. Comment pourraient-ils choisir de rester au travail ? Augmenter la durée de cotisation, comme le propose le gouvernement ne peut avoir qu’une seule conséquence: diminuer encore le montant des retraites. Diminution qui viendra se cumuler à celles programmées par les contre-réformes de 1993, 1994-1996 et 2003 et qui aboutira à ce que, dès 2030, la majorité des retraités se retrouve dans la pauvreté.

Pour des centaines de milliers de jeunes, aujourd’hui, il faut trois à quatre ans de plus qu’aux générations précédentes pour décrocher un emploi. Faire passer la durée de cotisation à 43 ans les amènerait, dans le meilleur des cas, à ne pouvoir prendre leur retraite à taux plein que vers 65-67 ans. Mais, même s’ils le souhaitaient et s’ils en avaient la force physique et nerveuse, les pratiques patronales ne leur permettraient pas. Les employeurs licencient, en effet, à tour de bras les salarié·e·s dès qu’ils atteignent 55 ans, voire 50 ans et ils n’ont encore manifesté aucun signe sérieux d’un changement de leurs pratiques. Le gouvernement, avec le plus grand sérieux, nous affirme cependant que cela n’aura aucune incidence sur le montant des retraites que les plus jeunes peuvent espérer percevoir demain.

Affirmer qu’augmenter la durée de cotisation permet de ne pas toucher au niveau des retraites est sans doute le plus énorme des mensonges du gouvernement et du Medef, dans un domaine où, pourtant, leurs contre-vérités se ramassent à la pelle.

5. Améliorer la compréhension et l’information des français sur leurs futures retraites

Les progrès faits part les régimes de retraite dans l’information des futurs retraités sont réels. Mais ces informations ne peuvent être données qu’en fonction de la législation existante au moment où elles sont fournies.

Ce qui trouble la compréhension et l’information des Français (et plus largement des salarié·e·s qui travaillent en France) sur leurs futures retraites, ce sont justement les changements continuels de législation. Les régressions à répétition subies par les régimes de retraite ne permettent plus de savoir, quelques années à l’avance, quel sera le montant de sa retraite et à quel âge elle pourra être prise.

Que le gouvernement renonce à allonger la durée de cotisation et à différer l’âge légal de départ en retraite, l’amélioration de la compréhension et de l’information sera immédiate. Mais visiblement, c’est le dernier de ses soucis. Il compte, au contraire, sur l’angoisse générée par ces changements perpétuels pour alimenter les retraites par capitalisation.

6. Ecarter toute solution qui baisserait le niveau de vie des Français ou augmenterait le chômage

En termes clairs, le gouvernement refuse toute augmentation des cotisations retraites, en particulier des cotisations patronales pour financer nos retraites, sous prétexte que cela renchérirait le coût des produits ou des services, nuirait à la compétitivité et ne pourrait qu’augmenter le chômage.

Le COR, dans son dernier rapport, précisait qu’avec une augmentation de 9,8 points du montant des cotisations retraites, il était possible de combler les besoins de financements de notre système de retraite. Une augmentation de 9,8 points en 40 ans, cela fait une augmentation annuelle de 0,23 point du taux de cotisation. A raison de 0,17 point pour les cotisations patronales et 0,06 point pour la part salariale. Une solution mille fois préférable (sauf pour le Medef) aux deux autres options avancées par le COR: soit une baisse de la retraite moyenne de 405 euros par mois ou un allongement de la durée de cotisation de 10 ans par rapport à 2008.

Cette augmentation de 0,06 point du taux des cotisations retraites à la charge des salariés ne baisserait pas vraiment le niveau de vies des salariés.

Quant à la hausse de 0,23 point des cotisations patronales elle n’aurait aucune incidence sur la compétitivité des entreprises sous réserve que cette hausse soit imputée aux dividendes. Ce que les entreprises peuvent parfaitement choisir de faire si la «compétitivité» était vraiment leur souci premier. Le prix des produits de l’entreprise resterait ainsi inchangé: la part des salaires indirects (les cotisations sociales) augmenterait, mais la part des dividendes diminuerait du même montant. Le chômage n’aurait alors, même du point de vue des néolibéraux qui nous gouvernent, aucune raison d’augmenter puisque le coût des produits et des services resterait le mêmes.

Cela ne changerait rien à l’investissement productif puisque les dividendes sont justement la part des profits qui n’est pas destinée à ces investissements, mais celle qui est uniquement consacrée à l’enrichissement des actionnaires.

Cela ne serait que justice. En effet, alors que la part des salair