Swissair accusé d’avoir coulé la Sabena pour rester à flot

Des services surfacturés à sa filiale. L’état actionnaire complaisant.

Le 7 novembre 2001, la compagnie aérienne belge Sabena était officiellement déclarée en faillite, avec une dette de 2 milliards d’euros. Créée en 1923, elle employait 12 000 personnes. Plus de trois ans après, Christian Van Buggenhout, le liquidateur judiciaire qui gère le dossier de la faillite de la Sabena, dépose une plainte pénale auprès de la justice Suisse contre d’anciens dirigeants et administrateurs de la compagnie Swissair. Celle-ci, détentrice de 49,5 % du capital de la Sabena au côté de l’Etat belge, assumait la responsabilité de la gestion de l’entreprise depuis 1996.

M. Buggenhout accuse la compagnie Suisse d’avoir provoqué la faillite de sa filiale belge par une gestion volontairement déloyale. Il l’accuse également d’avoir mis en place «une politique comptable visant à embellir significativement les comptes du groupe» SAirGroup, lui permettant ainsi de cacher aux yeux du public et des investisseurs son état financier réel. Swissair a déposé son bilan fin mars 2002.

Cette action pénale fait suite à une plainte civile déposée en 2001 par d’anciens sa lariés de la Sabena auprès d’un juge d’instruction belge pour escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux. Le juge a saisi des documents que la direction essayait de faire disparaître à la veille de la mise en faillite.

Une gestion déloyale

Pour M. Buggenhout, Swissair aurait du être en faillite avant la Sabena. Mais en confisquant les bénéfices de cette dernière à son profit, grâce à un système de surfacturation, la compagnie helvétique a réussi à équilibrer ses comptes. Sabena, en revanche, devenait déficitaire. Ainsi, Swissair a organisé le transfert vers ses filiales de la gestion des activités commerciales (AMP basé à Londres), des activités informatiques, de la restauration (Gate Gourmet), des pièces détachées et de l’entretien. Des services facturés en retour à un prix supérieur à celui du marché, selon M. Buggenhout. Par exemple, les frais du service de restauration de Gate Gourmet ont augmenté de 465 % entre 1999 et 2000, tandis que le trafic passager n’augmentait que de 11 %. La Sabena aurait été dépouillée de son activité de fret au profit de Swisscargo, sa filiale de maintenance Sabena Technics aurait été étouffée, selon M. Buggenhout.

La suppression de vols intercontinentaux, repris par Swissair, compte également parmi les pratiques douteuses. Ainsi, début 2001, la Sabena ferme sa ligne vers Johannesburg. Peu après, South African Airway ouvre un vol sur l’Afrique du sud en partenariat avec Swissair. En août 2001, le Financial Times rapportait, qu’entre l’Europe de l’Ouest et l’Afrique du Sud, 4500 sièges manquaient par semaine et que le prix du billet avait doublé. Preuve que le marché n’était pas saturé. Autre pratique: aux aéroports desservis par les deux compagnies, les avions de Swissair étaient systématiques programmés un quart d’heure avant ceux de la Sabena.

Des Airbus chers payés

En 1997, un an après la prise de contrôle par Swissair, Sabena s’est engagée à louer trente-quatre Airbus A320, alors qu’elle s’était jusque là toujours adressée à Boeing. Des Airbus que Swissair possédait déjà, dont elle voulait se débarrasser, et qu’elle louait via une filiale (Flightlease) à la Sabena pour 300'000 dollars par mois pourchaque avion. La location d’un Boeing ne lui revenait qu’à 35 000 dollars par mois. De plus, le secrétaire général de la compagnie aérienne belge avait alors prévenu son Conseil d’administration que son entreprise ne pouvait en payer que treize.

Les anciens employés de la Sabena s’interrogent également sur la passivité du gouvernement fédéral. En mai 2000, la compagnie Suisse s’était engagée à porter sa . participation de 49,5 % à 85 %. En juillet 2001, le gouvernement négocie un nouvel accord:Swissair est exonéré de son obligation d’augmenter sa part de capital, l’Etat belge met un terme à ses actions en justice contre Swissair. En échange, la compagnie accepte d’investir 285 millions d’euros dans la Sabena et de reprendre neuf Airbus A319. Et lorsque la compagnie Suisse manque à nouveau à ses engagements, il ne prend aucune mesure coercitive comme la saisie sur les biens de Swissair ou le lancement d’une action en justice.

En France, Swissair était actionnaire d’AOM/Air Liberté et d’Air littoral. La première a déposé son bilan en juin 2001. La seconde, rachetée au même moment en état de quasi-faillite, a déposé son bilan en mars dernier. En avril 2001, la société de conseil Deminor, agissant au nom des actionnaires minoritaires de Swissair, avait estimé que «le déficit de ces trois compagnies AOM/Air Liberté, Air Littoral et Sabena» pourrait en partie provenir d’opération intragroupe avec Swissair», évoquant également une «gestion déficitaire»

S.K.

Paru dams Les Barons Marqués - N° 3 - 26 novembre 2004 (http://forums.transnationale.org/previewmag.php?t=6088)