Israël L’ampleur de la colonisation Emilie Sueur * La colonisation s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens, de quelque bord qu'ils soient. Elle devrait aussi se poursuivre pour «gérer la croissance naturelle », selon la formule consacrée, avec le prochain cabinet [israélien]. Il y a quatre ans, le ministère israélien de la Défense, alors dirigé par Shaoul Mofaz, donnait pour mission au général de réserve Baroukh Spiegel d'établir une base de données exhaustive sur les colonies israéliennes. Une mission à laquelle s'employèrent, pendant plus de deux ans, Spiegel et son équipe. En raison de leur caractère explosif, les résultats de cette enquête n'ont jamais été rendus publics. Ehoud Barak a notamment estimé que les conclusions de cette étude pouvaient «nuire à la sécurité de l'État ou à sa politique étrangère». Seulement voilà, le quotidien israélien Haaretz a réussi à se procurer le rapport et l'a publié le 1er février, alors que George Mitchell, émissaire de Barack Obama pour le Moyen-Orient, mais également rédacteur de la feuille de route de 2001 qui mettait en parallèle l'arrêt du terrorisme et l'arrêt de la construction dans les colonies, venait d'achever une tournée dans la région [voir sur la politique d’Obama et de George Mitchell, sur ce site, l’article de Mouin Rabbiani et Chris Toensing, en date du 12 février 2009] La base de données passe en revue et dans le détail chaque colonie, précisant notamment sa forme, le nombre de ses habitants, le statut juridique de la terre sur laquelle elle a été construite ou encore les avant-postes sauvages situés à proximité. «Sous chaque entrée, soulignée en rouge, on trouve une information sur l'étendue de la construction effectuée sans autorisation et sa localisation exacte dans la colonie», précise Haaretz. Les conclusions sont édifiantes. Pour environ 75 % des 120 colonies de Cisjordanie, «la construction a été effectuée, parfois sur une grande échelle, sans les permis requis ou en contravention avec les permis obtenus. La base de données révèle également que dans plus de 30 colonies, d'importantes constructions d'immeubles publics et infrastructures (routes, écoles, synagogues, écoles rabbiniques et même commissariats de police) ont été effectuées en Cisjordanie sur des terres qui appartenaient à des propriétaires palestiniens privés», révèle Haaretz, qui souligne que le rapport concerne toutes les colonies, et pas seulement celles dites «sauvages». Le quotidien israélien souligne que les informations de cette base de données ne correspondent pas à celles mises en ligne sur le site Web du ministère des Affaires étrangères, «selon lequel "les actions d'Israël relatives à l'usage ou à l'attribution de terres qu'il administre sont toutes prises en respectant totalement les règles et les normes du droit international - Israël ne réquisitionne pas de terres privées pour construire des colonies"». Haaretz enfonce le clou: «Cette impression de dissonance ne fait que grandir quand on découvre que des bureaux municipaux, des commissariats de police et des casernes de pompiers sont également bâtis, et fonctionnent actuellement, sur des terres qui appartiennent à des Palestiniens». Étant donné le niveau de détail de cette base de données, l'on comprend qu'elle puisse engendrer de nouvelles batailles juridiques. Voici un exemple parmi tant d'autres, celui de la colonie d'Ofra, cité par Haaretz: «D'après un récent rapport de B'Tselem [centre d’information israélien sur les droits humains], la plupart des zones développées des colonies sont situées sur des terres palestiniennes privées et font ainsi partie de la catégorie des avant-postes illégaux destinés à être évacués. Le Conseil général des colons, Yesha, a réagi au rapport de B'Tselem en affirmant que les «faits » contenus dans le rapport étaient «totalement infondés et destinés à présenter une image biaisée. Les habitants de la colonie d'Ofra font attention aux droits des propriétaires arabes, avec lesquels ils sont parvenus à un accord concernant la construction des quartiers ainsi qu'à un autre qui permet aux propriétaires privés de continuer à cultiver leurs terres ». Mais les informations sur Ofra contenues dans la base de données ne laissent planer aucun doute: «La colonie n'est pas conforme aux plans de construction validés. La plupart des bâtiments de la communauté se trouvent sur des terres privées enregistrées comme telles, sans aucune base juridique et sans possibilité de les convertir en terres à usage non privé.» Les cas similaires se comptent par dizaines. L'organisation La Paix maintenant a, par ailleurs, récemment indiqué que les constructions, dans les colonies, ont augmenté de 57 % en 2008 et le nombre total de colons est passé de 270’000 en 2007 à 285’000 en 2008 [plus de 500'000, si les colons de Jérusalem Est sont comptabilisés] . À noter que le taux de croissance démographique dans les colonies est en moyenne de 5 % par an, soit deux fois plus que le taux en Israël. Reste à savoir si George Mitchell saura rappeler le point de sa «feuille de route » concernant les colonies au «mauvais» souvenir des Israéliens. * Cet article a été publié dans le quotidien libanais L’Orient le Jour. (15 février 2009) A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5 |
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