Irak
La malnutrition infantile aiguë ne cesse de croître!
Au cours de l'interminable embargo imposé à l'Irak de Saddam Hussein – un embargo dont profitaient le dictateur et ses proches ainsi qu'un secteur des élites «démocratiques» gérant le programme humanitaire «pétrole contre nourriture» – plusieurs études démontrèrent ses terribles effets sur la population, en particulier les enfants.
Depuis la «libération» de l'Irak par les forces d'occupation, l'accroissement du nombre de morts (entre autres sous les effets des bombardements comme l'illustre la destruction de Fallouja) a été minutieusement étudié. Nous l'avons explicité en donnant un résumé de l'étude de la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet [1].
Aujourd'hui, tant des agences de l'ONU, des ONG que le gouvernement irakien intérimaire soulignent l'explosion de la malnutrition parmi les enfants d'Irak.
Le Washington Post du 21 novembre 2004 indique que, selon ces sources, «la malnutrition aiguë a plus que doublé depuis l'invasion du pays conduite par les Etats-Unis il y a 20 mois».
Il y a deux ans, la malnutrition aiguë parmi la population d'enfants de moins de 5 ans était retombée à 4%. Elle est remontée à 7,7%, selon une étude conduite par le gouvernement irakien en collaboration avec un institut du gouvernement norvégien (Institute for Applied International Studies) et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement).
Ce pourcentage traduit en chiffres sonne ainsi: quelque 400'000 enfants souffrent d'un manque grave de protéines, de diarrhées chroniques, etc. Un responsable de l'UNICEF en Irak affirme: «Ces chiffres indiquent clairement l'aggravation de la tendance.»
Autrement dit, selon l'UNICEF, la malnutrition infantile en Irak équivaut à celle du Burundi, dévasté par une décennie de guerre. Elle est plus haute qu'en Ouganda!
Les services du gouvernement intérimaire conjoitement à l'institut norvégien indiquent que la qualité de l'eau, le manque d'électricité – qui empêche de cuire l'eau – constituent des facteurs aggravants. La pauvreté, accentuée par le taux de chômage très élevé et permanent, ne permet pas d'acheter des bonbonnes de gaz ou kérosène. Cuire l'eau est donc impossible.
Un père visitant un de ses enfants à l'hôpital indique à Karl Vick, correspondant du Washington Post: «Sous le régime précédent, je travaillais d'habitude pour de projets gouvernementaux. Maintenant, il n'y a plus de projet». Puis, il note que le type d'aliment recommandé par les médecins (Isomil: un aliment à base de soja) coûte 7 dollars; or, lorsqu'il a du travail, au mieux il peut gagner 10 à 14$. La femme assise à côté, dans la chambre de l'hôpital, affirme qu'elle vient de payer l'Isomil 10 dollars.
Même le Center for Strategic and International Studies, un institut de recherche sis à Washington, reconnaît que les indicateurs de santé publique sont parmi ceux qui se sont dégradés le plus vite depuis l'invasion de mars 2003.
Le directeur d'un hôpital universitaire spécialisé en pédiatrie confesse à Karl Vick: «Coyez-moi, nous pensions que quelque chose de magique» allait survenir avec la chute de Saddam Hussein et l'occupation américaine. «Donc nous sommes surpris que rien n'ait été entrepris. Et les gens, maintenant, disent combien la situation sous Saddam Hussein était bonne.»
L'anémie est répandue. La quasi totalité des femmes arrivant dans des hôpitaux en souffre. Une infirmière Zina Yahad dit au journaliste américain:«Même moi je souffre de la qualité de l'eau... Il n'y a rien de surprenant à cela, car depuis la guerre il y a un très fort chômage. Et sans emploi, les gens ne disposent pas de l'argent nécessaire pour obtenir des aliments adéquats.»
Le journaliste souligne que les actions menées contre les organisations humanitaires ont contribué à leur départ. Mais, il doit reconnaître que la majorité des gens insiste sur le fait qu'à la suite des destructions subies en 1991, lors de la première guerre du Golfe, l'eau et l'électricité avaient été rétablies en deux mois.
C'est à cette aune que devraient, certainement, être mesurée la pertinence et le sens effectifs des annonces publicitaires sur la tenue «d'élections démocratiques» en Irak, en janvier 2005.
Si les diverses actions contre l'occupation américaine et britannique ne peuvent être toutes qualifiées comme s'inscrivant dans le cadre d'une résistance nationale visant à émanciper la population de l'emprise impérialiste et cherchant à rétablir des droits politiques et sociaux, il ne fait aucun doute que 20 mois d'occupation n'ont fait que révéler les traits les plus classiques des guerres d'occupation. Pour ceux qui les conduisent chaque résistant est un «terroriste», donc une «cible à abattre». Et, avec «l'insurgé», doit être écrasée la population qui «lui apporte un appui».
Ce discours a été tenu par toutes les puissances coloniales au XIXe siècle, au XXe siècle et aujourd'hui par l'administration Bush et ses alliés en Irak. Réd.
1. Voir à ce propos l'article publié sur ce site, sous la rubrique Nouveau, intitulé: Un «surnombre» de 100'000 morts. Et Falloujah est bombardée et occupée (9 novembre 2004).