A
L’extrait précédent est tiré de l’ouvrage de Platon, Le Protagoras. Il s’agit d’un dialogue entre deux grands maitres de la Grèce antique, le sophiste Protagoras, dont l’ouvrage porte le nom, et Socrate – considéré comme le père de la philosophie occidentale. La science en question ici n’est autre que l’art politique.
B
La discussion est engagée entre Socrate et Protagoras autour d’une question centrale: savoir ce qu’est la vertu (entendez par vertu ici, principalement l’art politique) et si elle peut être enseignée et transmise. A cette question, nos deux philosophes se retrouvent dos-à-dos durant tout leur face-à-face. Pour Protagoras, la réponse est nette et positive. D’ailleurs c’est là justement la science dont il fait profession: enseigner aux hommes l’art politique.
C
Socrate diverge totalement de son interlocuteur. Personne ne peut enseigner ni transmettre l’art politique à personne. Pour étayer sa thèse, Socrate présente son argumentation en trois mouvements. 1°- Les Athéniens, sages entre les sages, pensent que sur les questions techniques, seules les personnes possédant les compétences techniques nécessaires doivent se prononcer. 2°-Par contre, n’importe lequel, indépendemment de sa profession ou classe sociale, possède la vertu politique qui habilite à délibérer sur le gouvernement de la cité. Donc, 3°- l’art politique ne s’enseigne ni ne se transmet. C’est pourquoi on n’en limite pas l’usage à des érudits qui l’auraient appris au prix de longues années sur les bancs de l’école.
D
Mon but n’étant pas de dicter un cours de philosophie politique (non seulement ce n’est pas le lieu mais, je ne pense pas non plus posséder les compétences nécessaires), je me contente d’introduire et seulement d’introduire mes réflexions avec l’extrait sus-cité laissant aux lectrices et lecteurs interéssé·e·s le soin de (re)lire elles-mêmes/eux-mêmes ce chef-d’oeuvre de Platon.
E
Mon intérêt ici se limite essentiellement à comprendre la levée de bouclier contre la personne du chanteur de hip hop Wyclef Jean [1], à l’occasion de sa candidature à la «magistrature suprême de l’état haïtien [2]». Dans cette analyse, je m’intéresserai principalement aux thèses expliquant son «incompétence» à briguer la présidence d’Haïti par son faible degré de scolarité. Pour cela, j’émettrai une hypothèse en deux mouvements:
1) Le syndrome du colonisé qui légitimise et universalise le modèle du colonisateur moderne/colonial et l’intériorise comme étant naturel, supérieur donc, comme l’unique possible; et
2)
Le syndrome du prince auto-dominé [3]. J’entends ici par prince auto-dominé le scolarisé qui se revendique supérieur au reste de la société de par sa seule scolarisation. Cette illusion de supériorité est rendue possible par le fait que dans la société en question, l’accès à la scolarisation est restreint à une petite minorité. Du fait de cette exclusivité, cette minorité «est essentiellement autoritaire [4]».
Construction historico-culturelle du modèle universel occidental
F
On ne peut pas diagnostiquer le syndrome du colonisé chez le scolarisé (auto-proclamé intellectuel) haïtien sans étudier l’histoire. Pour cela, nous devrons remonter jusqu’aux origines de la présentation de l’histoire de l’Europe comme Histoire Universelle afin de découvrir et démasquer – si possible – son efficacité naturalisatrice. Nous ne pourrons pas faire l’économie de revisiter l’origine historique de ce qui est enseigné aujourd’hui comme les sciences sociales.
G
Le sociologue Edgardo Lander [5], professeur à l’Université centrale de Venezuela, identifie deux dimensions constitutives des savoirs modernes/coloniaux qui contribuent à expliquer leur efficacité naturalisatrice. La première dimension se réfère aux séparations introduites en Occident entre le monde du «réel» et les formes de construction de la connaissance de ce monde basées sur ces séparations. La seconde dimension concerne la manière dont s’articule les savoirs modernes/coloniaux avec l’organisation du pouvoir, spécialement les relations coloniales/impériales de pouvoir constituées du monde moderne/colonial.
H
En effet, tôt en Occident, on a commencé à véhiculer l’idée d’une séparation entre le corps et l’âme, entre la raison et le monde, entre l’homme et la nature... bien avant que celle-ci ne soit systématisée dans l’oeuvre de Descartes [6]. Cette rupture ontologique, qui n’était présente dans aucune autre culture, a permis de concevoir un type particulier de connaissances coupées de leur contexte, les faisant passer pour de-subjectivisées et universelles. Cela a permis à l’Occident de faire un pas significatif dans la construction de sa conception du monde, une conception qui divise le monde entre l’occidental ou l’européen et les «Autres», c’est-à-dire le reste des peuples et cultures de la planète. C’est en fonction de cette conception que l’Europe se croit investie de la mission de conquérir tout le reste de la planète en se prétendant le centre géographique et temporel du monde [7]. Georg W.F. Hegel l’écrit clairement: «L’histoire universelle va de l’Est à l’Ouest, car l’Europe est véritablement le terme et l’Asie, le commencement de cette histoire» [8].
I
Une question intéressante serait de nous demander où se trouve l’Afrique dans cette histoire universelle dont l’Europe est le centre ? Hegel a déjà répondu. L’Afrique proprement dite, écrit-il, «ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation» (2006, p. 247). La raison dans l’Histoire est probablement le livre le moins connu et le moins diffusé des oeuvres de Hegel. Pourtant, les éditions 10/18, qui l’ont publié en français, présentent en quatrième de couverture cet ouvrage comme suit: «Cet ouvrage est le centre de la philosophie hégélienne, sur lequel se fonde toute la pensée moderne. (...), le plus direct des écrits de Hegel (...)». Dans ce livre très direct justement, on remarque comment Hegel voit les peuples non-européens, particulièrement les peuples noirs. L’équation est nette: Afrique (Noir) = Barbarie = Sauvagerie. Hegel, dont la pensée fonde la modernité, nous dit ceci, parlant de l’Afrique: «(...) il ne peut y avoir d’histoire proprement dite. Ce qui s’[y] produit, c’est une suite d’accidents, de faits surprenants.» (p. 249). Ou encore: «Le nègre représente l’homme dans toute sa barbarie et son absence de discipline. (...) on ne peut rien trouver dans son caractère qui s’accorde à l’humain.» (p. 251). On pourrait être tenté de croire que cette vision du Nègre ne concerne que le XIX siècle. Il suffira alors de relire le discours de Nicolas Sarkozy, lors de son voyage au Sénégal, le 26 juillet 2007, pour se rendre compte de l’actualité de la pensée de Hegel [9]. Ou encore, se promener dans les forums de discussion foot-ballistique de YahooFrance pour lire comment le Noir est perçu par les modernes/coloniaux occidentaux.
J
Il y a donc dans le monde moderne/colonial une classification, une catégorisation générale du monde. Comme nous le rappelle Walter D. Mignolo, professeur à l’Université de Duke, aux Etats-Unis, «la hiérarchie dépend de celui qui est en position de pouvoir décider le modèle et d’où l’on se situe par rapport à elle.» [10] (2007, p. 41).
K
A partir de cette hiérarchisation du monde, les Européens se sont sentis investis de la mission de conquérir le monde [11] et d’y introduire le colonialisme. Ceci a pour point de départ la conquête ibérique (en 1492) du continent appelé «Amérique», laquelle conquête fonde à son tour les deux processus à partir desquels sera désormais articulée toute l’histoire du monde: la modernité et l’organisation coloniale du monde. Lander remarque à propos qu’: «avec le début du colonialisme en Amérique commence non seulement l’organisation coloniale du monde mais – en même temps – la constitution coloniale des savoirs, des langues, de la mémoire et de l’imaginaire». (p. 16). Tout ceci se fait en considérant l’expérience européenne comme étant universelle, c’est-à-dire en universalisant (et objectivisant) une expérience particulière. Depuis lors, la connaissance ne peut se produire et se diffuser qu’en six langues (italien, espagnol, portugais, français, allemand et anglais) de racines grecque et latine.
L
Les sciences sociales se sont ainsi constituées à partir du moment où le procès d’accumulation du capital qui a inauguré l’ère de la modernité en 1492 s’est solidifié en établissant le colonialisme dans le reste du monde puis le libéralisme et les relations de production capitalistes en Europe. C’est-à-dire, après la victoire du modèle civilisateur occidental dont le mode libéral d’organisation de la propriété, du travail et du temps représente le principe sacré. Rappellons avec Christopher A. Bayly, professeur d’histoire et spécialiste de la colonisation à l’Université de Cambridge, que «les Européens devinrent rapidement les meilleurs dès lorsqu’il s’agissait de tuer» [12]. Les sciences sociales se sont donc constituées pour naturaliser les conditions historiques du modèle civilisateur libéral. Edgardo Lander voit juste quand il écrit: «C’est ce contexte historico-culturel de l’imaginaire qui imprègne l’ambiance intellectuelle dans laquelle se réalise la constitution des disciplines des sciencies sociales. C’est cette cosmovision qui apporte les présupposés sur lesquels se fonde tout l’édifice des savoirs sociaux modernes». (p. 22). Il vaut la peine de rappeler que «cette cosmovision a comme axe central l’idée de modernité qui englobe ces quatre dimensions: 1° la vision universelle de l’histoire associée à l’idée du progrès (à partir de laquelle se construit la classification et la hiérarchisation de tous les peuples et continents, et expériences historiques); 2° la ‘naturalisation’ tant des relations sociales que de la ‘nature humaine’ de la société libérale-capitaliste; 3° la naturalisation des multiples séparations propres de cette société; et 4° la nécessaire supériorité des savoirs que produit cette société ( la science) sur tout autre savoir». (Ibid.) C’est donc ainsi que s’est construit le caractère universel de l’expérience historique et que les formes de connaissance développées pour la compréhension de cette société se sont imposées comme les uniques formes valables, objectives et universelles de connaissance sur la planète.
M
Ce chemin (probablement rocailleux pour certain·e·s) que nous venons de parcourir visait à pointer du doigt la matrice des anathèmes qui se sont abattus sur le chanteur hip hop à cause des ses prétentions d’être président d’Haïti. Car, il semble que pour l’immense majorité des scolarisé·e·s – c’est-à-dire occidentalisé·e·s – haïtien·ne·s,· il est impératif d’avoir fréquenté pendant une bonne partie de sa vie l’institution qui s’appelle l’école (et l’université) pour nourrir la prétention de diriger le pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles une bonne majorité de nos scolarisés pensent que leurs diplômes universitaires les habilitent, ipso facto, à être président d’Haïti. Surtout quand ce scolarisé est issu de milieu ou de famille où très peu d’enfants ont accédé à l’école.
N
Le français n’étant pas un moyen de communication, mais un signe de distinction en Haïti, il est évident que quelqu’un qui vient «d’en-bas» et qui a laissé le pays vers neuf ans en direction d’un pays non-francophone, pour retourner en Haïti adulte, ne parle pas français. Or, chez nous, on doit nécessairement parler français – de préférence comme une grammaire, car le français est l’une des seules langues dans laquelle commettre une incorrection est un sacrilège. Mais ce n’est pas seulement ce qu’on reproche à M. Jean. On s’est également donner la peine de décrypter son anglais jusqu’à remarquer qu’il n’en maitrise pas les règles de la négation à l’exemple de phrases comme celle-ci: «We don’t want no war no more». Monsieur parle un anglais différent de ce qui est parlé dans l’académie, donc est un vagabond, un incompétent. Depuis quand est-ce que l’on mesure la compétence de quelqu’un sur la langue qu’il parle et la manière dont il la parle ? Et si l’on définissait un instant la compétence comme le fait de réussir dans ce que l’on choisit de faire ! Y a-t-il actuellement un seul Haïtien plus compétent que M. Wyclef Jean quand on voit l’énorme réussite de ce Monsieur sur la scène internatonale ? On peut toutefois admettre notre critère de compétence, pour, plus loin, nous objecter que M. Jean a réussi en musique, mais pas dans l’art de gouverner la cité. Dans ce cas, il faudra qu’on nous dise lequel ou laquelle de nos 19 candidats agréés a déjà réussi dans l’art de guverner la cité.
O
Il parait que l’on a aussi soulevé l’objection que M. Jean ne parle pas créole. En clair, si l’on somme ces trois objections langagières ou linguistiques (c’est selon), elles donnent un résultat égal à celui de Hegel évoqué plus haut: «Le nègre Wyclef Jean n’est pas un humain». Voyons le raisonnement: Wyclef Jean ne parle ni français, ni anglais, ni créole, donc ne parle aucune langue – puisque ce sont principalement les seules langues avec lesquelles il se serait frotté dans sa vie jusqu’ici. (Et dans les reproches qu’on lui fait, il n’est question que de ces trois langues). Or, quand on se rappelle que l’une des caractéristiques d’un être humain est le fait qu’il véhicule sa pensée à travers une langue, la conclusion se tire d’elle-même. En ce qui me concerne, Wyclef Jean est l’un des rares Haïtiens vivant dont je mentionne fièrement le nom avec mes interlocuteurs étrangers. L’autre Haïtien actuellement vivant qui fait ma fierté, à part lui, est Michel-Rolph Trouillot [anthropologue].
P
On ne peut pas laisser passer ce dernier point sur le créole. Ce n’est pas que Monsieur ne parle pas créole: c’est que son créole subit plus l’influence de l’anglais. C’est-à-dire, il ne parle pas le créole dyòl pwenti mal nommé créole francisé qui, en réalité, est du français créolisé. Par exemple, le premier porte-parole de la PNH [Police Nationale d’Haïti] sortait à l’époque des chefs-d’oeuvres de phrases comme celle-ci: «Nègre sa yo genyen zam ki detenu ilegalman». Personne ne s’arrogeait le droit de dire que ce Monsieur ne parle pas créole. Au contraire, c’était la preuve qu’il parle tellement bien le français – donc qu’il est tellement compétent... D’ailleurs c’est sûrement l’une raisons pour lesquelles il avait été choisi comme porte-parole d’une institution qui, à l’époque, se préoccupait de projeter une bonne image. Ceci m’amène au deuxième mouvement de mon hypoyhèse.
Mécanismes d’auto-domination du scolarisé haïtien
Q
Nous avions émis plus haut l’hypothèse que le syndrome du prince auto-dominé est l’un des mobiles des réactions primaires de haine et d’aversion déclenchées contre la personne de Wyclef Jean. Par syndrome du prince auto-dominé, nous entendons le complexe développé par le scolarisé haïtien qui se prend pour supérieur à tout non scolarisé ou moins scolarisé que lui. Cette illusion de supériorité nourrie dans un carcan exclusif qui frène les rêves de la majorité des jeunes, a déjà été analysée par deux respectables penseurs haïtiens: Jean Casimir et Jn Anil Louis-Juste. Nous tenterons de reprendre ici les grandes lignes de leurs pensées. Dans La culture opprimée, le sociologue Jean Casimir souligne combien, contrairement aux milieux occidentalisés dans lesquels l’instruction (transmise à l’école) est un prolongement de l’éducation (assurée notamment par la famille), en Haïti les deux «constituent deux pôles qui se nient mutuellement. Elles reflètent, au niveau de la connaissance et de la perception du monde, les contradictions et le divorce entre les classes dominantes et les classes dominées. L’école et la famille sont des ennemis jurés, des institutions prises dans des structures culturelles distinctes.» (2001, p. vi).
R
Tandis que toutes les études anthropologiques ont établi la matrice africaine de l’organisation familliale haïtienne, avec un certain vernis européen variant selon le degré de contact avec l’occidental, les enfants haïtiens sont, eux, plongés dans un système scolaire non seulement déclaqué sur l’Europe mais dont le contenu aussi est un décalque européen. Les arguments évoqués par des auto-proclamés intellectuels pour discréditer Wyclef Jean ne font que confirmer l’observation de Jean Casimir selon laquelle «L’école, c’est-à-dire, le système d’instruction publique, évolue suivant les soubresauts des courants de pensées, mondiaux peut-être, mais étrangers à notre réalité. Ce système ne veut qu’informer le jeune Haïtien ou, en d’autres termes, le dégrossir et le couvrir d’un vernis. Comme il ne peut remplir ce rôle sans transmettre les formes de vie occidentales qui sous-tendent l’information, il devient, du même coup, dans les secteurs où il faut lui reconnaitre un certain succès, un mécanisme puissant de déformation et de déculturation.». (p. vii). En clair, plus l’Haïtien est scolarisé, moins il est Haïtien. En d’autres termes, il devient un intellectuel-perroquet.
S
Un exemple pour réflexion, avant d’aller plus loin. Jürgen Habermas, philosophe allemand, défenseur de l’idée de modernité (comme projet inachevé) s’est un jour retrouvé confronté à cette question, lors d’une entrevue à Perry Anderson et Peter Dews: «La tradition de l’École de Frankfurt concentre son analyse dans les sociétés capitalistes les plus avancées, au prix de n’importe quelle considération du capitalisme en tant que système global. Selon votre opinion, les conceptions du socialisme développées au long des luttes anti-impérialistes et anti-capitalistes dans le Tiers-Monde ont-elles quelque signification pour les tâches du socialisme démocratique dans le monde capitaliste avancé ? Réciproquement, votre analyse du capitalisme avancé comporte-t-elle quelque leçon pour les forces socialistes du Tiers-Monde ?» Les deux questions ont été longues, mais nettes et claires. Pourtant, si la réponse de Habermas sera aussi claire et nette, elle n’aura pas été aussi longue: «Je suis tenté à répondre ‘non’ aux deux cas. J’ai conscience qu’il s’agit d’une vision eurocentrique, limitée. Je préférerais ne pas répondre à cette question» [13]. Voilà ! Trois phrases. Dans lesquelles ce grand penseur de la modernité/colonialité affirme que ses théories sont eurocentriques, donc limitées. Le problème n’est ni dans l’eurocentrisme, ni dans les limites des théories de Habermas, car toute pensée est historiquement et géographiquement située, donc limitée. Le problème est que la prétention de Habermas n’est rien de moins que celle de formuler «la science reconstructive du pragmatisme universel», c’est-à-dire universaliser sur toute la planète une connaissance produite uniquement pour l’Europe, 10% de la population de la Terre, sans prêter la moindre attention aux réalités de 90% de la population mondiale. L’autre problème est que dans les milieux colonisés comme notre pays, plus l’on est capable de répéter acritiquement ces grands penseurs occidentaux, plus l’on est considéré compétent.
T
Il est ainsi difficile de ne pas reconnaitre avec Casimir, que: «En Haïti, l’’instruction qui nous est imposée n’est pas nécessaire» (p. ix). Ceci est tellement vrai que «la majorité de la population s’en passe» (ibid). Comment quelqu’un ose-t-il évoquer le niveau d’études comme critère pour briguer une fonction politique (non pas administrative – mais politique) dans une société où la majorité est systématiquement exclue de toute possibilité d’entreprendre des études ? Car le Plan National d’Éducation et de Formation (PNEF) élaboré au cours de la dernière décennie du siècle passé a reconnu que chaque année, 20’000 nouveaux enfants en âge de scolarisation se retrouvent derrière les barrières de l’École. Pourquoi un peuple analphabète voterait-il pour des intellectuels-perroquets qui se croient supérieurs à lui par le simple fait qu’eux ont eu la possibilité d’obtenir des diplômes que ce même peuple n’a jamais eu la possibilité de décrocher?
U
Depuis quand est-ce que l’obtention de diplômes universitaires était un pré-requis pour l’exercice du pouvoir exécutif ? Veut-on insinuer que plus le président a collecté de diplômes, plus il/elle ouvrira de nouvelles universités publiques, de nouveaux hôpitaux et centres de santé publics de qualité... ? Luis Iniacio Lula da Silva, l’actuel président du Brésil, dont l’armée contrôle le territoire haïtien, est à sa huitième année à la tête du pays. Au dernier sondage, 85% des Brésiliens lui auraient accordé un 3e mandat, si la constitution du pays avait offert cette possibilité. Or, à chaque fois qu’il est nécessaire, Lula ne rate jamais l’occasion de rappeler que dans l’histoire du