Les pêcheurs étrangers, dans les eaux guyanaises, non autorisés peuvent être éloignés d’office en moins de 48 heures et aux frais de leur État d’origine s’il s’agit du Brésil, du Surinam et de Guyana. Le projet de loi ajoute les pêcheurs du Venezuela à la liste.
Enfin, une interdiction de territoire et un arrêté de reconduite à la frontière ou d’expulsion prononcés Outre-mer s’appliquent sur tout le territoire de la République ; il s’agit d’une extension de l’article L 561-2 du CESEDA qui était limité aux décisions prises en Nouvelle-Calédonie.
3° - Extension des pouvoirs de contrôle
Fondement textuel: articles L 611-10 et 11 et L 622-10 du CESEDA ; articles 10-2 et 29-3 de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ; articles 78-2 et 3 du code de procédure pénale.
Le Code de procédure pénale prévoit depuis 1993, la possibilité de procéder à des contrôles dits frontaliers dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention de Schengen et une ligne tracée en deçà de vingt kilomètres (ainsi que dans tous les ports, gares et aéroports ouverts au trafic international). Dans ces zones, les contrôles n’ont pas besoin d’être motivés. Les agents peuvent également procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique et les immobiliser pendant une durée de quatre heures au plus. Ces possibilités ont été d’abord étendues au territoire de la Guyane (le projet de loi envisage d’y élargir les «zones frontalières»). Il s’agit, avec le projet de loi, de permettre leur application également en Guadeloupe («dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4»). Il est aussi prévu d’étendre les contrôles d’identité frontaliers et l’immobilisation des véhicules, selon des dispositifs analogues, sur le territoire de Mayotte. Notons qu’à Mayotte le projet envisage de porter à huit heures (au lieu de quatre, comme le prévoit le code de procédure pénale) le temps maximal pendant lequel une personne peut être retenue pour vérifier son identité. Rien ne justifie cette dérogation au Code de procédure pénale.
Par ailleurs, le projet insère une nouvelle disposition dans le CESEDA permettant, sur le territoire de la Guyane, au procureur de la République d’ordonner la destruction des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre les infractions d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers. Ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal. La destruction de ces embarcations est soumise à une autre condition: «il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions». On ne voit pas très bien comment cette condition pourra être appréciée. On peut dès lors imaginer que ces embarcations seront quasi-systématiquement détruites.
De la même façon, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, le procureur de la République, là encore en dehors de tout jugement, pourra, concernant les véhicules terrestres, les immobiliser «par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule». On retrouve la même condition que celle exigée pour la destruction des embarcations. Il faut entendre «neutralisation» du véhicule comme destruction, si on s’en tient au commentaire de la disposition figurant dans le projet du 9 février.
4° - Modifications du code du travail de Mayotte
Fondement textuel: articles 610-4 supprimé, 610-6 et 11 du code du travail de Mayotte.
Mayotte dispose d’un code du travail spécifique. Le projet de loi apporte deux modifications qui renforcent les moyens de contrôle de l’emploi illégal à Mayotte.
On pourrait applaudir si l’on ignorait la pression qui s’exerce sur les inspecteurs du travail pour qu’ils détournent leur fonction vers un contrôle des étrangers travaillant sans autorisation – pression que vient d’accentuer une circulaire en date du 27 février 2006 à laquelle un communiqué intersyndical des inspecteurs répondait:
«Rien dans les missions de l’inspection du travail ne nous oblige à participer à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière (…). Le code du travail a été historiquement construit pour protéger le salarié en situation de subordination. L’inspection du travail ne participera pas à une remise en cause de ce principe de protection.»
- Employés de maison
Selon l’actuel code du travail applicable à Mayotte, le droit du travail ne s’applique tout simplement pas aux employés de maison et les métropolitains ne se privent pas d’employer à bas prix des employés de maison comoriens.
Le projet de loi rétablit la validité du droit du travail pour les employés de maison. Il autorise en outre les équipes d’inspection à entrer dans les locaux où les employés de maison effectuent les travaux qui leur sont confiés. Lorsque les travaux sont exécutés dans des locaux habités, les inspecteurs et contrôleurs ne peuvent y pénétrer qu’entre 7 heures et 19 heures et avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention si l’occupant des lieux s’y oppose.
Il restera à tester l’application de ces dispositions que l’élite mahoraise ne faciliterait pas si elles concernaient l’employeur illégal.
- Précisions sur le contrôle du travail dissimulé ou de l’emploi de travailleurs étrangers dépourvus d’autorisation de travail
Le projet de loi précise les conditions relatives aux enquêtes préliminaires en vue de la recherche d’infractions pour travail dissimulé ou pour emploi de travailleurs étrangers dépourvus d’autorisation de travail. Les officiers de police judiciaire peuvent, sur ordonnance du président du tribunal de première instance, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail, même lorsqu’il s’agit de locaux habités. Le juge doit vérifier que la demande d’autorisation que la demande qui lui est soumise est fondée sur des éléments de fait laissant présumer l’existence des infractions.
Paris, le 11 avril 2006
1. L’avant-projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration présenté par le ministre de l’intérieur au comité interministériel de contrôle de l’immigration le 9 février 2006 a fait déjà l’objet d’une analyse commune. C’est donc ici le «Projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration» tel qu’il a été déposé à l’assemblée nationale qui fait l’objet des présents commentaires (document téléchargeable à http://contreimmigrationjetable.org/article.php3?id_article=220 ).
2. Sur la double peine, v. «le livre noir de la double peine – le constat d’un mensonge», mars 2006, CIMADE, GISTI, LDH, MRAP.
3. V. aussi le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages adopté le 22 mars 2006 par l’assemblée nationale. Considérant que le nombre de mariages mixtes a augmenté depuis quelques années (on donne le chiffre de 50 000 mariages entre Français et étrangers en 2005), et qu’en conséquence ces chiffres cachent nécessairement des fraudes, le projet met notamment sous surveillance les mariages célébrés à l’étranger.
4. Pendant plusieurs années, le nombre de personnes venues dans le cadre du regroupement familial a augmenté de façon régulière (21 404 en 2000, 27 267 en 2002), ce qui pouvait augurer – à législation constante – environ 30 000 personnes visées en 2004. Or le nombre n’est plus que de 25 420 en 2004 (la moitié sont des conjoints, l’autre moitié des enfants). Le nombre de regroupement familial proprement dit est de l’ordre de 12 000 par an, pour un pays comptant 60 millions d’habitants.
5. Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et e séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, JOUE n° L 158 du 30 avril 2004).
6. Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 «relative au statut des ressortissants de pays tiers de longue durée», JOUE n° L 16 du 23 janvier 2004.
7. Directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, JOUE n° L 251 du 3 octobre 2003.
8. La forte mobilisation anti-CPE devrait conduire à sa disparition du paysage juridique
9. En 2005, seules 10 000 personnes sont entrées en CADA, ce qui représente 20 % des demandeurs d’asile (1/6 si on compte des personnes en réexamen).
10. Le projet de loi prévoit le versement de l’allocation temporaire d’attente à des demandeurs d’asile ressortissants des pays d’origine sûrs dans des situations humanitaires signalées par l’OFPRA.
11. Décision n°2003-467 du 13 mars 2003.
12. Auditions de Nicolas Sarkozy et de François Baroin par la commission sénatoriale d’enquête sur l’immigration clandestine (29 et 30 novembre 2005).
A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5