France

Demain, ensemble, la grève

Nouveau parti anticapitaliste (www.npa2009.org)

Dès ce soir, 18 mars 2009, la mobilisation et  la grève du 19 mars en France commencent dans le secteur des transports. Selon un dernier sondage: 4 personnes sur 5 affirment «comprendre les raisons de cette mobilisation». La politique réactionnaire de Sarkozy, celle du MEDEF avec à sa tête de Laurence Parisot – qui ose affirmer que les syndicats «détruisent les emplois» – ainsi que les fermetures à répétition d’entreprises, donnant lieu à des occupations par les travailleurs, s’ajoutent aux luttes des enseignants, des chercheurs et des étudiants. Voici la liste, en fin décembre, des «plan sociaux» – lisez: licenciements pour «réduire les coûts» – qui se multipliaient en France, à un rythme jamais connu. Cette liste ne concerne que les «restructurations» annoncées entre septembre et décembre 2008: Camif SA, La Redoute, Adecco, Clalyon, ArcelorMittal, Matussière et Forest, Hewlett-Packard, Sony, Nexity, NXP France, Deshoulières, Renault, PSA, Faurecia, Tyco Electronics,Trèves, Key Plastics, Cooper Standard, Sanofi Aventis, MBO,Pfizer, Schering Plough, Henkel et Kaufmann&Broad. Les salarié·e·s de France expriment une volonté de riposte, les «appareils» syndicaux tentent de la canaliser. Nous publions ci-dessous la plus grande partie du tract édité par le Nouveau Parti Anti-capitaliste (NPA) pour ce jour de mobilisation. (Red)

Pour donner une suite au 19 mars, la colère et une certitude nous motivent. Colère face aux licenciements annoncés par Total, malgré ses 14 milliards de profits, ou par Continental, qui avait imposé de travailler plus «pour sauver l’emploi»; colère face à la vie chère; colère face à la santé ou à l’éducation bradées; colère face aux expulsions de sans-papiers, à la répression, aux libertés menacées… La certitude nous est offerte par le peuple guadeloupéen, qui nous montre que ce gouvernement de «profiteurs» n’est pas invincible. Il est possible de gagner en s’en donnant les moyens, mais il faudra pour cela plus qu’une journée de grève tous les deux mois. Nous y mettons, à chaque fois, toutes nos forces, nous sommes déterminés et nombreux, mais si elles restent sans lendemain, les journées d’action, aussi réussies soient-elles, finissent par épuiser et démoraliser. Alors, pour ne pas nous retrouver demain avec un goût amer de «Tout ça pour quoi ?», nous pouvons apprendre de ce qui a permis à tout un peuple de rester uni et mobilisé dans la grève générale pendant six semaines.

Pour mobiliser massivement, il faut des revendications précises, chiffrées, sans ambiguïté, et ne pas se contenter de vagues promesses. Il faut des revendications pour répondre aux besoins des salariés du public et du privé, des précaires et des chômeurs, des jeunes et des retraités, pour combattre les divisions entre hommes et femmes, Français et étrangers, pour imposer le droit à la santé et à l’éducation, la protection de l’environnement… Alors que les actionnaires et les patrons, prétextant la crise, cherchent à aggraver nos conditions de vie, nousdevonsconstruire une plateforme pour refuser de payer la crise et pour empêcher ceux qui en sont responsables de nuire.

Un programme

Des dizaines de milliers d’emplois sont supprimés, chaque mois, et le nombre de chômeurs explose. L’interdiction des licenciements, sous peine d’expropriation des licencieurs, et la réduction du temps de travail avec embauches correspondantes jusqu’à résorption du chômage sont des mesures d’autodéfense. L’augmentation immédiate de 300 euros net et un minimum de 1500 euros net pour tous les salariés, retraités ou privés d’emploi, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, le paiement à 100% des travailleurs touchés par le chômage partiel, ce n’est que la récupération de ce que les actionnaires nous ont volé pour spéculer.

Face à leur crise, il ne faut pas moins, mais beaucoup plus de protection sociale, la retraite pleine à 60 ans et à 55 ans pour les métiers pénibles (37,5 annuités maximum dans le public comme dans le privé), les soins et les médicaments remboursés à 100%. Les milliards offerts aux plus riches et aux patrons –paquet fiscal, suppression de la taxe professionnelle, cadeaux aux banques et aux entreprises– doivent être récupérés pour financer 1 million d’emplois, tout de suite, dans les services publics. La crise du capitalisme montre que nous devons prendre en main l’économie. Il faut nationaliser d’urgence les banques, sans indemnités ni rachat, pour construire un service public bancaire unique. Il faut sauver de la privatisation et de la destruction l’éducation, La Poste et les hôpitaux. Seuls des services publics de l’eau, du logement, des transports, de l’énergie, sous contrôle des salariés et de la population peuvent répondre aux urgences sociales et écologiques.

Une tactique

Un bon programme ne suffit pas. Il faut aussi une tactique de lutte pour gagner. L’idée d’un «tous ensemble», d’une grève reconductible, est partagée par un grand nombre de salariés et de syndicalistes en désaccord avec leurs directions syndicales. Un tel mouvement ne se décrète pas, il se construit en unissant les efforts des salariés, des équipes militantes des structures syndicales, associatives, politiques, de tous ceux qui veulent agir ensemble et construire une véritable grève générale.

Des secteurs, comme les postiers de plusieurs dizaines de centres de tri de la région parisienne, sont déjà en grève reconductible. Depuis plus d’un mois, le mouvement parti des enseignants-chercheurs et rejoint par les étudiants embrase les universités et appelle à fédérer les luttes et à construire la grève de toute l’Éducation nationale, de la maternelle à l’université. Les équipes militantes de l’automobile cherchent à construire une mobilisation commune des salariés des constructeurs et des équipementiers. Autour des hôpitaux, comme autour des écoles ou de La Poste, se structurent des mouvements unissant salariés, usagers, élus, dans la défense du service public. À l’initiative du NPA, une démarche unitaire a été engagée par l’ensemble des partis et des organisations de gauche. Dans de nombreuses villes ou régions, se construisent des collectifs de mobilisation unitaires, réunissant partis, syndicats, associations. Toutes ces initiatives vont dans le même sens: la convergence et la généralisation. La journée de grève du 19 mars est une excellente occasion pour se rencontrer, débattre et prendre des initiatives.

 

Universités: on veut des chercheurs, pas des traders

Depuis plusieurs années, les contre-réformes libérales s’accumulent contre l’université : gestion managériale, budget et moyens humains en baisse, précarité touchant près d’un salarié sur deux. Deux nouveaux décrets ont, cette fois, mis le feu aux poudres: une «réforme » du statut des enseignants-chercheurs qui donne aux présidents d’université le pouvoir d’augmenter leur charge d’enseignement, et la « mastérisation » des concours d’enseignement (Capes), qui supprime l’année de formation payée (IUFM) et créera des milliers de «reçus-collés» (reçu au master d’enseignement, collé au concours), c’est-à-dire des armées d’enseignants vacataires précaires. Sans compter le discours de Sarkozy du 22 janvier, qui insulte les universitaires en les traitant de profiteurs faisant ce métier parce qu’«il y a de la lumière, [que] c’est chauffé »… C’est l’ensemble du secteur qui est touché par l’invasion des managers, l’individualisation des carrières, la précarité et le manque de moyens, et c’est l’ensemble du secteur qui réagit aujourd’hui.

De la maternelle à l’université…

Le mouvement est né dans les centaines d’assemblées générales qui se tiennent depuis plus d’un mois dans la plupart des universités. Il a permis de rendre visible d’autres luttes, avec lesquelles des liens de solidarité se créent: celle des personnels administratifs, techniques et des bibliothécaires, qui se battent contre la gestion locale des primes et des carrières ; celle des doctorants et doctorantes, qui s’opposent à un nouveau contrat où le salaire serait négocié localement ; celle enfin des salariés des instituts de recherche, comme le CNRS, qui se mobilisent contre le démantèlement de leur institut. Et un mouvement étudiant renaît contre la loi «LRU», qui organise la gestion des universités comme celle des entreprises et qui est à la source des contre-réformes actuelles.

Contrôlons notre mouvement

Fait inédit dans ce secteur, le mouvement s’est organisé dès le départ sur la base des assemblées générales et des comités de mobilisation, une coordination universitaire se constituant il y a un mois. C’est un outil fondamental, qui permet d’organiser les débats et de ne pas dépendre des bureaucraties syndicales pour fixer les objectifs et l’agenda de mobilisation. Cette coordination donne un rythme hebdomadaire aux journées de mobilisation, et elle a permis progressivement d’ouvrir le débat sur la loi LRU et d’affirmer l’opposition des personnels à celle-ci. Cette lutte, radicale par ses objectifs et ses modes d’organisation démocratique, est un acquis précieux pour ce secteur. Elle constitue un signe de la révolte qui grandit contre ce gouvernement: c’est la première fois depuis bien longtemps que les universitaires se mobilisent majoritaire-ment contre le pouvoir en place !

Dans ce mouvement, la politique des anticapitalistes doit être la construction de l’unité. L’unité au sein des universités, avec les personnels administratifs, les précaires, les étudiants. L’unité aussi avec les différents syndicats. L’unité enfin, et surtout, avec les autres secteurs. Et, en premier lieu, avec les professeurs d’école, de collège et de lycée. Les attaques pleuvent également sur l’ensemble de l’Éducation nationale, et il faut absolument faire converger les résistances en cours dans les écoles et dans les universités: appels, réunions et manifestations communes, comme celle du 11 mars, à l’initiative commune de la coordination universitaire et des principaux syndicats de l’éducation.

Le mouvement des universités s’est réellement appuyé sur la journée de grève réussie du 29 janvier dernier pour démarrer. Ce secteur est resté en lutte depuis, sous différentes formes, avec des grèves massives et parfois reconductibles dans bon nombre d’endroits. Il montre qu’il est possible de construire des luttes dans la durée qui s’appuient sur les appels syndicaux – très espacés! – aux journées de mobilisation sans lendemain, mais qui ne s’y limitent pas. C’est tous ensemble qu’il faut préparer la suite du 19 mars.

 

Hôpital public et Sécu, il y a urgence !

La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a beau s’en défendre, l’hôpital public et la Sécu sont aujourd’hui en danger. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires», actuellement en discussion au Parlement, vise à compléter la privatisation engagée depuis 2003 par ses prédécesseurs. Le 25 mars 2008, la ministre déclarait qu’« un établissement n’a pas besoin d’être public pour assurer un service public de santé ». Et, depuis son élection, Nicolas Sarkozy ne cesse de répéter que « l’hôpital ne peut pas tout faire ». Au lieu de donner au service public les moyens d’assurer ses missions, il veut, au contraire, qu’une part croissante de celles-ci soit assurée par le secteur privé.

Restructurations en cascade

C’est pourquoi la loi Bachelot supprime toute distinction entre établissements publics et privés. Pour limiter la place de l’hôpital, le projet de loi prévoit la mise sur pied d’agences régionales de santé (ARS).

Ces agences et leurs tout-puissants directeurs auront la possibilité de ponctionner les crédits de l’hôpital public afin de les reverser au secteur privé libéral, associatif ou commercial. Les ARS auront aussi le pouvoir de démanteler la Sécu.

La loi Bachelot prévoit, en outre, le regroupement des hôpitaux au sein de vastes «communautés hospitalières de territoire ». L’organisation de la Sécu sera calquée sur le même modèle. L’objectif annoncé est la fermeture, dans les hôpitaux de proximité, des services d’urgence, de chirurgie et les maternités qui y subsistent encore. 250 sites sont directement menacés. Ces restructurations et l’étranglement budgétaire des établissements vont entraîner la suppression de dizaines de milliers d’emplois hospitaliers.

La « permanence des soins », 24h/24, sur le territoire ne sera plus assurée que par des «maisons médicales », centres de consultations libéraux payants, ne pouvant répondre aux besoins de l’urgence hospitalière. Quant aux services d’urgence qui subsisteront, ils seront de plus en plus éloignés d’une partie de la population et de plus en plus saturés. C’est la «mise en danger de la vie d’autrui» qu’instaure délibérément cette loi !

Médecins-managers

En même temps qu’il veut réduire la place de l’hôpital public et de la Sécu, Nicolas Sarkozy veut achever la transformation de l’hôpital en entreprise rentable, au détriment de la sécurité et de la qualité des soins ainsi que des conditions de travail des personnels, et il veut permettre aux assurances privées de se substituer, peu à peu, à la Sécu. La loi prétend imposer «un chef et un seul », le directeur de l’hôpital, qui pourra désormais venir d’entreprises n’ayant rien à voir avec le soin. Son objectif principal est la rentabilité et la productivité du personnel, afin de «dégager des marges». Les services « non rentables », même s’ils sont utiles aux malades, devront disparaître ou être «restructurés». La rémunération et même le poste du directeur en dépendront. Les médecins eux-mêmes devront devenir des « managers ». Tous les contre-pouvoirs existant au sein de l’hôpital sont réduits.

Il n’y a donc pas une minute à perdre pour imposer le retrait pur et simple de ce projet de loi, qui ne saurait être «amendé». Le 29 janvier, par dizaines de milliers, les personnels hospitaliers ont manifesté contre leurs conditions de travail insupportables en raison du manque de personnel, contre les bas salaires et pour la défense du service public et des emplois hospitaliers. Le 5 mars a permis aux syndicats de médecins et de personnels hospitaliers, unis, de faire connaître les dangers de la loi Bachelot. Mais l’Assemblée n’a apporté aucune modification importante au projet du gouvernement et le débat se poursuit au Sénat. Le 19 mars doit donc marquer une nouvelle étape dans la mobilisation pour imposer le retrait du projet de loi Bachelot, sauver et améliorer le service public de santé, et reconquérir la Sécu.

(18 mars 2009)


A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5