Bolivie

Une réélection historique

Rédaction

Lors des élections du 6 décembre 2009 – élections présidentielle et législatives –, le MAS (Mouvement vers le socialisme) a obtenu une victoire imposante. Le président de « l’Etat plurinational », Evo Morales Ayma, a réuni 63 % des votes – il avait obtenu 53,7 % en 2005. Le taux de participation a été le plus élevé de toute l’histoire démocratique de la Bolivie: 93,9 %, 5,1 millions d’habitants étaient enregistrés sur les listes électorales. La légitimité démocratique de l’élection n’a été mise en cause par personne. Suite à cette victoire, Evo Morales Ayma a déclaré: « Le triomphe en Bolivie n’appartient pas seulement aux Boliviens. Ce triomphe des Boliviens, fondamentalement, représente un juste remerciement et un don en direction des présidents, des gouvernements et des peuples anti-impérialistes. »

Dans la future Assemblée législative plurinationale, le MAS disposera de 80 à 86 députés sur 130 dans la Chambre basse, et de 25 à 26 sénateurs sur un total de 36.

Les résultats des autres candidats à la présidence sont les suivants: 27,5 % pour Manfred Reyes Villa, du Plan Progreso para Bolivia (PPB) ; 7 % pour Samuel Doria Medina, de Unidad Nacional (UN) ; et 3 % pour René Joaquino de Alianza Social (AS).

Le MAS s’est imposé de façon très nette dans divers départements: La Paz, 78 % ; Oruro, 77,3 % ; Potosi, 74,9 % ; Cochabamba, 67,6 % ; Chuquisaca, 53,1 %. Par contre, le PPB a affirmé des positions fortes dans le département du Beni (54,7 %), à Santa Cruz (53,2) et dans le département de Pando (47,5).

Evo Morales Ayma a indiqué que, disposant d’une majorité absolue au plan législatif, il se devait d’accélérer le processus de transformation commencé il y a quatre ans. En effet, au cours des 180 jours qui feront suite à la réunion inaugurale de l’Assemblée législative plurinationale, selon la nouvelle Constitution de l’Etat, cinq lois fondamentales doivent être approuvées à une majorité des deux tiers. La loi concernant le cadre des autonomies et de la décentralisation, celle instaurant un Organe électoral plurinational, le régime électoral, le pouvoir judiciaire, le Tribunal constitutionnel plurinational.

Le premier article de la nouvelle Constitution affirme: « La Bolivie se constitue en un Etat unitaire, social de droit, plurinational, communautaire, libre, indépendant, souverain, démocratique, interculturel, décentralisé et avec des autonomies. » Morales, dans son discours, a déclaré: « Aujourd’hui, la Bolivie à nouveau a fait la démonstration de sa vocation démocratique, une révolution démocratique, culturelle au service du peuple. »

Pablo Stefanoni, depuis La Paz, a publié un article dans le quotidien argentin Clarin (7.12.09) dans lequel il porte ce jugement: « Ce résultat [de Morales] s’explique par la consolidation de l’appui sans failles reçu des secteurs populaires et par les gains plus récents obtenus auprès de couches moyennes… Aucun président n’a obtenu un tel vote depuis la révolution de 1952, lorsque le Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) contrôlait sans contrepoids l’Etat et les élections. » Stefanoni ajoute que la media luna – les départements où se concentraient les forces de l’opposition – n’existe plus puisque le MAS a gagné dans le département de Chuquisaca et a obtenu quasi la majorité dans celui de Tarija (48,6 %). De plus, il souligne que le MAS, dans tous les départements d’opposition, a renforcé sa présence. Stefanoni souligne: « Aucun candidat d’opposition ne peut entrer en compétition avec la force d’Evo Morales, capable de faire vibrer les fibres les plus intimes de la Bolivie profonde dans chacun de ses discours… En réalité, le processus dirigé par Morales se définit comme une révolution anti-élitaire et à partir de là peu attachée aux formalités institutionnelles. »

La défaite des opposants fait surgir ce que Stefanoni nomme « les risques d’une hégémonie ». Le gouvernement de Morales a suscité une forte cohésion en indiquant les dangers que représentait « l’opposition déstabilisatrice ». Or, cette dernière est fort affaiblie. De plus, les promesses ont été nombreuses durant la campagne électorale. Et la Bolivie reste un pays dont les deux ressources essentielles sont le gaz et les minerais. Les programmes d’industrialisation sont encore fort éloignés. Les revenus restent ceux provenant des ressources primaires et ce sont elles qui servent à une politique distributive au plan social. Or, la pauvreté est encore fort élevée, malgré l’augmentation des revenus et les problèmes liés à une économie rentière (corruption) sont toujours présents. Ces défis sont ouvertement discutés par divers protagonistes du MAS. Et les conditions politiques pour y faire face sont formellement réunies. (Réd.)

(9 décembre 2009)


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