Allemagne Grèves d’avertissement des conducteurs de train Rédaction Pour la deuxième fois en l’espace d’une semaine, ce vendredi 25 février 2011, le syndicat des conducteurs de locomotive allemands (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer, GDL) a mené une grève d’avertissement (Warnstreik) dans toute l’Allemagne de 8.30 à 11.30, ce qui a paralysé une grande partie du trafic passager. Les syndicats indiquent que plus de 80% des trains ont été soit supprimés, soit retardés par la grève. Cette grève s’inscrit dans le cadre de négociations tarifaires avec la Deutsche Bahn (DB) et les entreprises ferroviaires privées du secteur du transport régional de voyageurs. C’est dans ce contexte que le GDL réclame une convention tarifaire pour tous les conducteurs de locomotives, quelle que soit l’entreprise à laquelle ils sont affiliés. GDL négocie – et prend des mesures de lutte - séparément du nouveau syndicat EVG représentant les employés du secteur ferroviaire (voir article du 29 octobre 2010 sur ce site). Nous reproduisons ci-dessous, pour information des lectrices et lecteurs francophones, le tract d’information distribué dans les gares aux voyageurs. Une initiative qui pourrait inspirer – mais ne soyons pas trop optimistes ! – le syndicat des transports, le SEV. (Rédaction).
Chers voyageurs, Le syndicat des conducteurs allemands de locomotive a appelé, aujourd’hui, les conducteurs de locomotive de Deutsche Bahn (DB) et d’autres entreprises du secteur de transport ferroviaire régional de passagers (Schienenpersonennahverkehr) à faire grève dans toute l’Allemagne. La date de cette grève a été préalablement communiquée aux médias en temps voulu. Revendications du GDL Cette grève vise à obtenir une convention collective de travail interprofessionnelle nationale (Flächentarifvertrag) [1] valable dans toute l’Allemagne pour l’ensemble des conducteurs de locomotive, dans toutes les entreprises de transport ferroviaire. Une telle convention s’articule autour des revendications suivantes: 1. Un salaire unifié pour tous les conducteurs de locomotive travaillant en Allemagne et orienté sur le niveau établi pour Deutsche Bahn (DB), qui a actuellement la plus grande part de marché. Pour les conducteurs employés par la DB, le GDL revendique une augmentation salariale de 5%. Un tel salaire unifié mettra fin à la concurrence pratiquée entre entreprises ferroviaires sur la base de la sous-enchère salariale. Ce but ne peut être atteint qu’au moyen d’une convention collective interprofessionnelle. 2. Une protection sociale en cas de perte non-volontaire de l’aptitude à conduire des trains (Fahrdiensttauglichkeit), par exemple après des événements de nature traumatiques survenus pendant le service (suicides [2] et accidents de travail). Actuellement, les conducteurs de train ne jouissent d’aucune protection contre les licenciements dans de tels cas. Si le conducteur concerné n’est pas réaffecté à une nouvelle place de travail au sein de l’entreprise, il perd son emploi et se retrouve au chômage. 3. L’unification des standards de qualification et des conditions d’entrée dans la profession de conducteur. Au minimum, une Mittlere Reife (baccalauréat technique [3]) suivie d’une formation professionnelle en entreprise doit être requise, ainsi que la réussite d’un examen d’aptitude médicale et psychique. Depuis la privatisation des chemins de fer, les standards de qualification divergent selon les entreprises. Par exemple, le directeur de l’exploitation ferroviaire (Eisenbahnbetriebsleiter) [d’une entreprise ferroviaire], qui appartient au management et représente donc les intérêts de l’entreprise, dirige les examens [d’entrée dans la profession] et fixe ainsi aussi bien le volume que le contenu de la formation donnée aux apprentis. Ceci, alors que seul un niveau élevé de formation des apprentis et de formation continue des employés, permet de faire face aux exigences dans le domaine de la sécurité du trafic. 4. L’établissement de règles pour le changement d’exploitant dans le domaine du transport ferroviaire régional de passagers. Lorsque le contrat d’exploitation d’un segment du transport régional de passagers est attribué à une nouvelle firme, ce qui arrive en moyenne tous les dix ans, cela provoque la perte d’emploi des conducteurs de train attachés à ce segment et / ou les force à être réengagés à des salaires plus bas. C’est pourquoi les conducteurs de train doivent être, premièrement, réengagés d’office par le nouvel exploitant. Deuxièmement, les salaires doivent être réglés sur le niveau de la convention collective interprofessionnelle. Il n’est pas acceptable qu’un conducteur de train doive, après chaque changement d’exploitant, être considéré comme un salarié débutant dans l’entreprise [c’est-à-dire recommencer au début de l’échelle salariale proportionnelle aux années de travail]. Jusqu’à présent, la concurrence a principalement lieu sur le plan des salaires des conducteurs de train. La convention collective mettra fin à cette sous-enchère. Ainsi, ce ne seront plus sur le plan des coûts salariaux que s’opérera la concurrence, mais sur le plan des concepts de transports, du service, de la sécurité et de la ponctualité. Ceci permettra de rendre l’ensemble du transport ferroviaire régional de passagers plus attractif. 5. Le GDL est prêt à accepter une adaptation progressive des conditions tarifaires dans les entreprises privées, afin d’atteindre le niveau du Deutsche Bahn. Certaines entreprises payent leurs conducteurs jusqu’à 30 pour-cent en dessous du niveau de la Deutsche Bahn. Offre de l’employeur La Deutsche Bahn offre, jusqu’à présent, une maigre augmentation salariale de 1,9 pour-cent en moyenne, sur la base des salaires de l’année en cours [4]. Or, dès 2012, le temps de travail va être augmenté de 38 à 39 heures hebdomadaires, sans compensation salariale. Cela signifie donc, au total, une diminution factuelle de revenu de 2,5 pour-cent. L’offre de l’employeur est, dès lors, complètement insuffisante. La Deutsche Bahn a obtenu, l’an dernier, un résultat opérationnel avant impôts de 1,9 milliard d’Euros. Pourtant, les conducteurs de locomotive, comme les voyageurs, ont souffert des conditions catastrophiques dans lesquelles la période hivernale a été gérée [5]. Malgré cela, les conducteurs de train ont assumé leur service avec responsabilité. Cela doit être récompensé en conséquence. Les six grosses entreprises ferroviaires de transport régional passager (G6) refusent de conclure une convention collective interprofessionnelle avec le GDL, bien que les négociations soient constructives et durent depuis 7 mois. Au lieu de cela, elles veulent que le GDL signe une convention collective que le G6 a négociée avec un autre syndicat [le nouveau syndicat du transport ferroviaire EVG], qui prévoit 6,25 % de salaire en moins et des conditions relatives au temps de travail clairement détériorées. En aucun cas, le GDL ne signera de convention collective, dont le niveau salarial serait plus bas que celui de 90 pour-cent des conducteurs de train aujourd’hui. Les conducteurs de locomotive assument la responsabilité de jusqu’à 1000 passagers dans un train et pour des cargaisons de marchandises valant plusieurs millions – et ce à toutes les heures du jour et de la nuit. En tout cas, pour le GDL, une chose est claire: Seuls des conducteurs de locomotive payés de manière appropriée, avec des conditions et temps de travail socialement supportables, sont en mesure d’effectuer leur travail avec motivation. Et ceci est avant tout dans l’intérêt des voyageurs, donc du vôtre. Nous vous prions donc de faire preuve de compréhension pour cette mesure de lutte des conducteurs de train. (…). (Traduction A l'encontre) 1 Il serait plus clair ici de parler de convention collective interbranche nationale, dans le sens où la convention revendiquée engloberait, dans toute l’Allemagne, les conducteurs du transport à longue distance, régional et de marchandises, qui sont les trois branches principales du transport ferroviaire. (Réd.) 2 Il est question ici de suicides de personnes se jetant sur les voies ferrées et occasionnant des troubles psychologiques post-traumatiques chez les conducteurs de train. (Réd.) 3 Ce titre équivaut à peu près à la maturité fédérale technique en Suisse. (Réd.) 4 Actuellement, un conducteur de train employé par la DB gagne, selon son expérience et sa qualification, entre 33'000 et 42'400 Euro par an, primes et treizième salaire compris. Certaines entreprises ferroviaires privées payent jusqu’à 30 pour-cent de moins (Frankfurter Rundschau, 26-27.02.2011). (Réd). 5 En décembre 2010, la Deutsche Bahn a été mise en question fortement par l’opinion publique quant à sa gestion des retards et incidents provoqués par la neige et le gel; ce que les médias dominants présentaient comme une catastrophe naturelle. A contrario, des organisations de base de cheminots mettent en évidence les causes manageriales évidentes des pannes et problèmes de sécurité. Celles-ci sont entre autres: démantèlement du personnel, en particulier dans les gares régionales et la maintenance; désinvestissement ou sous-investissement dans l’infrastructure à l’avantage de tronçons à grande vitesse plus lucratifs; opacité liée entre autres à la pratique de l’outsourcing de l’entretien des voies. (Réd.). (5 mars 2011) A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5 |
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