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A propos d’un mythe : les immgré·e·s seraient plus nombreux à l’AI que les Suisses
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« La souffrance chez des salarié·e·s du tertiaire est grande »* Certes dans la statistique de l’AI ou de la Suva, il y a beaucoup d’immigré·e·s. Effectuant, souvent, les travaux les plus rudes, il va de soi qu’ils sont plus susceptibles de tomber malade ou d’avoir un accident. Mais il ne faut pas sous-estimer le nombre de Suisses et Suissesses qui devraient avoir ou qui ont une rente AI ou de la Suva. La souffrance physique et psychique chez les salarié·e·s du tertiaire est grande. L’idée selon laquelle tu as fait un apprentissage, tu te formes sans cesse, tu as accompli un effort permanent et donc tu devrais être sûr d’avoir un travail qui y corresponde, cette idée, cette conviction est encore très répandue. Elle renvoie à une réalité passée et, simultanément, à un discours dominant, à une « histoire racontée » aux salarié·e·s par le pouvoir politique et économique – histoire reprise, à peine modifiée, par les appareils syndicaux – afin de légitimer ses exigences et « l’effort au travail. » Quand la maladie arrive, souvent psychique, parce que tu es pris dans l’engrenage d’une restructuration d’une grande entreprise privée ou publique qui te « dépasse ». Tu ressens que tu es traité comme un objet, comme un simple rouage. Alors, a posteriori, tu réalises que le passé n’était pas exactement ce que tu croyais. Tu étais déjà un rouage. Et le présent est encore plus inacceptable. Mon expérience est la suivante : tu essaies d’aider ces personnes ; elles ont une dignité blessée, un respect de soi qui s’affirme, même si une certaine déprime ne les épargne pas. Elles te répondent : « Je n’irai jamais à l’aide sociale, c’est humiliant. » En fait, elles ressentent la nécessité d’avoir recours à l’aide sociale – un sentiment bien formaté par l’idéologie dominante – comme une humiliation, une perte de dignité. En principe, cette aide devra être remboursée, si la situation change. Pourtant, cette aide, elles l’ont déjà payée avec leurs impôts et diverses autres contributions. Sous une forme biaisée, elles peuvent, enfin, refuser quelque chose « d’officiel », tout en souffrant. Cela n’est paradoxal que pour ceux qui ne comprennent pas les contradictions, les ambivalences de la réalité. Pour intervenir en tant que syndicaliste il faut savoir établir un dialogue, une collaboration qui, à la fois, montre que l’on prend avec nous (que l’on comprend) ce qu’elles vivent, mais qu’elles doivent acquérir l’idée et la pratique qu’elles ont des droits, qu’il faut exiger. C’est un processus de reconquête de la dignité. Et cela même si pour elles la revendication est étrangère à leur « éducation sociale ». Il y a là un résultat de la « paix du travail », de l’idéologie du consensus, qui a toujours été une combinaison de contrainte et de cooptation, de distribution de petits sucres. « S’affronter à un mur intérieur » De ce point de vue, si les immigré·e·s font face à toutes les perfidies administratives – volontairement multipliées – les Suisses doivent s’affronter à leur propre « mur interne ». Il a été construit par des rapports sociaux de domination intégrés, inconsciemment. Cela est aussi pénible. Selon l’influence de l’UDC (Union démocratique du centre) ou de la droite radicale (Parti radical) et selon la perte d’influence des syndicats – sans parler de la social-démocratie zurichoise pour « classes moyennes, style bon genre » – cette souffrance et cette frustration se muent en xénophobie, assez primitive. La casse d’un « Etat social » – qui, d’ailleurs, n’a jamais été développé en Suisse – est l’une des sources à laquelle s’abreuve la droite nationaliste de tout poil. L’idée que les immigré·e·s sont mieux protégés est une illusion, mais elle repose sur un élément difficilement compréhensible pour certains « bons travailleurs suisses ». Ces immigrés, sous les chocs de la vie, ont appris à « sucer des pierres ». Des fois, ils réagissent avec moins d’inhibition, de honte que le « bon Suisse », pour reprendre une formule que j’entends souvent. Donc, ils feront – malgré toutes les difficultés – des démarches nécessaires pour obtenir un petit quelque chose, ce qu’un travailleur indigène fera avec plus de réticence. Il faudrait que ces choses soient comprises par les syndicalistes pour que leur intervention sociale et syndicale soit simplement plus efficace. Mais une intervention efficace, dans cette société, implique le conflit, réel, pas simulé dans les médias. « Le néo-syndicalisme corporatiste et médiatique » Ce conflit, les sommets syndicaux n’en veulent pas. Il y a plusieurs raisons à cela. Mais une est évidente : quand on regarde la Suva, les caisses de chômage, toutes les structures para-étatiques, de fait, elles sont corporatistes. L’appareil syndical y est intégré. Il palpe de l’argent, y compris la social-démocratie en tire du fric et la base matérielle pour une politique clientélaire. Le prix d’achat est bas. La bourgeoisie suisse ne dépense que chichement. Mais elle sait user de la reconnaissance symbolique et médiatisée. Ainsi, les 110’000 francs de salaire annuel du sociologue Andi Rieger – actuel chef d’Unia et ancien « penseur » de Pedrina – compte moins que la place que la NZZ (Neue Zürcher Zeitung) donne à ce personnage, dérisoire. Vasco Pedrina, lui, est passé au syndicat international de la construction, grâce à l’aide du seco (secrétariat d’état à l’économie). Serge Gaillard – l’économiste de confiance de Pedrina – a été transféré directement au seco. Les termes de « vendus » ou d’« achetés » ne sont pas toujours utilisés mal à propos. Il faudra du temps et une alliance entre des composantes sociales, cosmopolites, internationalistes des nouvelles générations pour qu’un changement puisse apparaître. Y participer, voilà une des tâches de ceux et de celles dont les convictions, solidement enracinées par la vie et la compréhension collective, ont servi à bâtir une solide barricade contre les molles opérations d’achat et de corruption. * Témoignage d’un syndicaliste qui milite dans le secteur public et parmi le mouvement des immigré·e·s (23 mai 2007) |
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