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Editorial
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Le passeport de leur pouvoir

Le 17 mai 2009, l’introduction généralisée du passeport biométrique – il est «à l’essai» depuis 2006 – sera validée ou non. Espérons un Non massif.

Nous vivons en pleine bizarrerie. Les membres du Conseil fédéral, avec une énergie renouvelée, défendent «la sphère privée» à propos du «secret bancaire». Par contre, ils défendent le passeport biométrique, approuvé par les Chambres. Le préposé fédéral à la Protection des données, Hanspeter Thür, doit déclarer: «Je pense que l’Etat n’a pas à savoir sur les citoyens davantage que ce qui est strictement nécessaire à l’exécution de ses tâches. Je serais heureux que la majorité parlementaire soit sensible à cet aspect aussi lorsque le secret bancaire n’est pas en jeu.» (Le Temps, 27.05.09)

Sentant le vent tourner, les partis en faveur d’un Oui ne mènent pas campagne; d’autant plus que l’UDC s’y oppose. Ce qui a obligé les forces bourgeoises à créer un «Pro-Komitee», piloté par une agence de publicité, comme le reconnaît Eveline Widmer-Schlumpf (Sonntag.ch, 3.05 3009).

Les élites dominantes helvétiques, depuis fort longtemps, ont fait accepter comme naturelle l’existence d’un «contrôle des habitants»: une institution renvoyant aux pratiques étatiques des régimes d’ordre des années trente ou au pouvoir stalinien. Il en va de même avec «la police des étrangers». Dans la même veine, le canton de Bâle-Ville a intégré le Département de la Justice à celui de la Sécurité (Basler-Zeitung, 2.05.09). Dès lors, comme de «normal», le Parlement fédéral a dépassé dans le perfectionnisme d’une surveillance effective et potentielle ce que les «accords de Schengen» – une arme antidémocratique contre les migrants – et Washington exigeaient.

Dans cette période de crise sociale et économique, de soubresauts politiques en Europe, les thèmes et pratiques sécuritaires deviennent un instrument de la gestion politique par la droite et par la social-démocratie, avec quelques légères nuances, au mieux.

Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est réside dans la translation des «progrès technologiques» sur le terrain de la surveillance et, demain, de la répression – plus ou moins sélective – qui lui est consubstantielle. C’est ce que le préposé fédéral à la surveillance des données doit reconnaître en 2008: «La reconnaissance biométrique est un domaine en constante évolution. Contour de la main, scan de l’iris, réseau veineux du doigt font déjà partie de la biométrie physiologique traditionnelle. Cette dernière est aujourd’hui complétée par les caractéristiques comportementales: signature, empreinte vocale, démarche… Une technologie toujours plus sophistiquée qui, selon le préposé, pourrait prendre le pas sur les libertés individuelles.» (24 heures, 14.04.09) Ce stock biométrique sera centralement «stocké». Cette concentration est fonctionnelle au pouvoir centralisé répressif. L’histoire de la «police politique» le démontre.

La puce (le BAC) n’est pas étanche et ne peut pas l’être. Serge Vaudenay, ingénieur au Laboratoire de sécurité et cryptographie de l’EPFL, affirme: «Pour accéder à la puce, le système repose sur une clé secrète en utilisant trois données non secrètes contenues dans le passeport lui-même (date de naissance, numéro de passeport et date d’échéance). C’est un peu comme une porte blindée dont la clé serait sous le paillasson !»

En France, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), en 2008, considérait que le passeport biométrique comporte «des risques d’atteinte grave à la vie privée et aux libertés individuelles». La liquidation du secret médical lors de la 5e révision de l’AI en Suisse était une facette de cette surveillance étatique, d’ordre social, politique et policier.

La Ligue des droits de l’homme française (LDH) a publié, début avril 2008, un rapport soulignant, d’une part, la montée de la politique sécuritaire et, d’autre part, la tendance de la «société civile à être réactive». C’est ce qui se passe en Suisse aujourd’hui. Les autorités s’en étonnent et mentent donc de plus belle.

Face à une crise sans précédent, les classes dominantes révèlent, une fois de plus, les modalités de «constitution de leur domination collective en force publique, en Etat» (Marx). Ce but avoué est d’une certaine façon masqué soit par la banalisation de la surveillance – du lieu de travail au lieu de consommation –, soit par la référence à des exigences «exogènes»: «le terrorisme», «les vagues de migrants qui nous envahissent» ou les «obligations issues de l’UE et de Washington».

Le passeport biométrique n’est pas une «erreur». Ses «excès» lui sont physiologiquement incorporés. Il s’insère dans un dispositif aiguisé de domination de classe. Les libertés démocratiques et les droits sur le lieu de travail sont considérés comme pouvant faire obstacle à cet ordre si nécessaire à une relance de l’investissement capitaliste dans l’actuelle «compétition mondialisée». (cau)

(27 juillet 2009)

 
         
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