|
«Les Suisses giflent leurs autorités»:
lors des votations du 16 mai, le Conseil fédéral a subi une défaite sur toute la ligne.
Agostino Soldini
Le jugement ci-dessus de la Tribune de Genève n’est guère excessif. Les projets du Conseil fédéral – le paquet fiscal, la 11e révision de l’AVS et la hausse de la TVA – ont été balayés. Deux claques en février, trois gifles en mai: après l’avertissement du 8 février (le rejet du contre-projet Avanti et du nouveau droit du bail), c’est un camouflet à la politique antisociale du gouvernement.
Avec le paquet fiscal et la 11e révision de l’AVS, le Conseil fédéral voulait accélérer le démantèlement des services publics et les attaques contre le droit à la retraite. L’issue des votations du 16 mai n’est dès lors pas une défaite mineure pour les «sept sages de Berne» et leurs maîtres, les patrons des grandes banques, des assurances et de l’industrie.
Ce camouflet infligé au gouvernement n’est pas une victoire de ladite «gauche», Parti socialiste suisse (PSS) en tête. Les dirigeant·e·s de cette «gauche» ont en effet été les partisan·e·s les plus actif·ve·s, avec Pascal Couchepin, du projet de hausse de la TVA. Ruth Dreifuss a même déclaré que «l’acceptation [de la hausse de la TVA] est aussi nécessaire qu’un rejet de la 11e révision de l’AVS» (Le Temps, 23 avril 2004).
Le résultat de ces votations est une victoire des salarié·e·s, actifs·ves, au chômage ou à la retraite, contre celles et ceux «d’en haut», quelles que soient leurs couleurs partisanes. Il est l’expression d’un mécontentement diffus face à la politique antisociale menée par le Conseil fédéral. Il traduit un rejet de cette politique. L’écart réduit entre les trois NON (le taux de refus varie entre 65,9% et 68,6%) confirme ce jugement: c’est un NON à un seul et même paquet antisocial et à ses expéditeurs.
Ce mécontentement est pleinement justifié face à un gouvernement de coalition (UDC, PRD, PDC, PSS) qui mène une lutte des classes contre les salarié·e·s: hausse sans fin des primes d’assurance maladie, baisse du taux d’intérêt servi sur les rentes du 2e pilier, démantèlement de La Poste en tant que service public, diminution des indemnités pour les chômeurs·euses, augmentation des taxes universitaires, etc. La coupe était pleine!
Un vrai changement de cap, conforme à la volonté sociale qui s’est manifestée le 16 mai dernier, est indispensable. Or, que font les dirigeant·e·s du PSS? Ils multiplient les appels du pied à l’intention de ladite «droite raisonnable». Le vice-président du PSS, Pierre-Yves Maillard, prétendument combatif, a même déclaré: «Le PDC doit être uni avec nous pour constituer un véritable centre» (Le Nouvelliste, 18 mai 2004).
A nouveau, l’idée d’une table ronde (ou carrée?) refait surface… Sa fonction est claire: faire passer le message auprès du «petit peuple», «qui n’a pas encore compris», Couchepin dixit, que la situation est «grave». Et qu’elle exige des «sacrifices». La tactique est connue. Ancienne. Consolidée. Rolf Schweiger, le nouveau président des radicaux, l’a expliquée: «Si tous les grands partis s’unissent pour faire passer le message, les gens comprendront qu’il y a vraiment un problème» (Le Temps, 18 mai 2004). Pourtant, la direction du PSS a décidé d’entrer dans ce jeu…
Ce théâtre des guignols n’empêchera pas le Conseil fédéral de poursuivre sa politique antisociale. Le menu est connu:
1. La hausse de la TVA (mais n’y a-t-il pas eu un vote à ce sujet le 16 mai?), donc une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des salarié·e·s.
2. Des cadeaux fiscaux aux actionnaires à hauteur de plus de 1 milliard de francs.
3. La «mise au travail forcée» de nombreuses personnes qui sont aujourd’hui à l’AI.
4. La poursuite de la politique d’austérité contre les services publics: à La Poste, aux CFF, dans les écoles et les hôpitaux.
5. Pour couronner le tout, l’augmentation à 20%, au lieu de 10%, de notre participation financière aux frais médicaux (en sus des primes, qui prennent l’ascenseur chaque année!). En attendant de pouvoir revenir à la charge avec l’élévation de l’âge de la retraite et la baisse des rentes AVS…
Pour une gauche de gauche, l’enjeu est clair: il faut préparer les batailles contre ces projets et faire en sorte que le mécontentement social s’exprime sous la forme d’actions collectives pour imposer une autre politique.
|
|