Gaza
 
 

Israël nie les droits du peuple palestinien

(version pdf)

L’attaque militaire israélienne contre la «Flottille de la liberté», le lundi 31 mai 2010 au petit matin, a suscité – réellement ou avec une tonalité propre à l’hypocrisie diplomatique – l’indignation et la dénonciation à l’échelle internationale.

Impunité et complicité internationale

Cet assaut militaire, l’assassinat de quelque 20 personnes (la mort d’une seule serait déjà de trop), l’intervention dans les eaux internationales, l’arrestation de centaines de personnes et leur emprisonnement sur le territoire d’Israël, l’interrogatoire policier qu’elles subissent et les menaces de procès et d’emprisonnement, tout cela traduit la situation d’impunité du gouvernement israélien et de l’Etat sioniste. Une impunité qui lui est accordée par ladite communauté internationale.

N’est-ce pas le jeudi 27 mai 2010, à Paris, que Benjamin Netanyahou a assisté à la cérémonie officielle de l’adhésion de son pays à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): le club des économies développées ? Dans le rapport soumis pour l’adhésion d’Israël, les territoires occupés – où les «colonies juives» poussent comme des champignons – sont présentés, de fait, comme un élément de la dynamique économique du pays. Le silence de ladite communauté internationale a été complet à ce propos. Y compris celui du gouvernement helvétique, actif participant de l’OCDE.

Au même titre, le rapport du juge Richard Goldstone – rendu public le 15 septembre 2009 – a été enterré par l’essentiel des médias et des gouvernements occidentaux. Ce rapport qualifiait l’opération «Plomb durci» – fin décembre 2008-janvier 2009 – comme relevant, en termes de droit international, d’«actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être à des crimes contre l’humanité».

Une pratique coloniale, pas une «bavure»

D’aucuns voudraient présenter l’assaut meurtrier contre la «Flottille de la liberté» comme une «bavure» de l’armée israélienne. Il n’en est rien. Il suffit de prendre connaissance des menaces émises par Ehoud Barak, ministre de la Défense, contre les organisateurs de la «Flottille de la paix à destination de Gaza» pour jauger du plan prémédité de son gouvernement et de l’armée.

Cette attaque sanglante s’inscrit dans une histoire politique dont les traits coloniaux deviennent visibles à toute personne cherchant à comprendre les ressorts de ce qui est, par euphémisme, appelé «la crise palestino-israélienne».

Cela a commencé avec la «création» d’un «Etat juif», à l’opposé d’un Etat pluraliste, alors que plus de 20 % des habitants étaient Palestiniens, après l’expulsion militaire de 1948: la Nakba. Cela a continué avec l’occupation des territoires palestiniens en 1967, soit la Jordanie et Gaza. Cela s’est poursuivi, sous tous les gouvernements, avec l’installation de colonies dans les territoires occupés et la transformation du territoire en «peau de léopard», visant à le rendre inhabitable pour les Palestiniens. Cela s’est prolongé avec la construction du mur. Cela demeure avec l’étouffement de Gaza ; avec l’occupation, pied à pied, du Vieux Jérusalem ; avec la destruction massive d’habitations dans Jérusalem-Est, pour y construire des locatifs réservés aux Israéliens.

Ces actes et leurs justifications renvoient à tous les traits politiques, militaires, idéologiques du colonialisme, tel que celui mené en Algérie par la France, en Afrique du Sud par la minorité blanche, etc. La négation de l’occupé et la dénonciation permanente du danger qu’il représenterait fonctionnent comme un couple. Ce couple qui unit dans le gouvernement Netanyahou les travaillistes – membres de l’Internationale socialiste, dont est membre le PSS – et l’extrême droite raciste proclamée d’un Avigdor Lieberman (ministre des Affaires étrangères depuis mars 2009) et d’autres.

L’historienne Esther Benbassa – auteure de l’ouvrage Etre juif après Gaza (2009) et coordinatrice du Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations (Larousse, 2010) – peut affirmer de manière légitime: «Ni la menace terroriste, ni le fantôme régulièrement invoqué du méchant Iran travaillant à l’élimination d’Israël ne pourront justifier l’arrogance de ce dernier qui tire honteusement parti de l’immunité que lui confère la Shoah.» (Rue89, 1er juin 2010)

La punition collective administrée dans le détail

La tragédie de la population de Gaza est telle que la formule «une prison détruite à ciel ouvert» est reprise par les médias et des personnalités politiques fort conformistes. Depuis le blocus de Gaza dès juin 2007 – date de la prise du pouvoir du Hamas – et suite à la guerre coloniale au titre symptomatique «Plomb durci», la population de Gaza (1,5 million d’habitants sur 360 km2 !) vit dans la misère, la douleur matérielle, physique et psychique.

Le général israélien Eitan Dangot contrôle les 81 produits autorisés à l’importation. Ils sont sélectionnés selon la logique la plus arbitraire propre à ce type de punition collective. Ainsi: «La cannelle est permise mais la sauge et la coriandre sont prohibées, les conserves peuvent rentrer à l’exception des fruits au sirop, les désodorisants pour toilettes ont le feu vert, mais pas la confiture…» (reportage de Benjamin Barthe dans Le Monde du 30-31 mai 2010). Le choix des produits pouvant être importés au compte-gouttes est déterminé par un critère: «ce qui pourrait affecter la sécurité nationale et les relations diplomatiques» ! Parole du département de l’armée dirigé par le général Dangot. Le journaliste du Monde en est resté ébaubi.

Des containers sont bloqués sous les hangars d’Ashdod – port proposé comme lieu de réception de l’aide humanitaire apportée par la «Flottille de la liberté» – durant des mois et parfois plus de deux ans. A tel point que leur contenu en devient inutilisable. Et les importateurs doivent payer des frais de stockage, alors que la date de péremption des produits est dépassée lorsque l’autorisation d’importation est accordée.

On trouve dans ce type de pratique le caractère des mesures d’humiliation, de répression, de contrôle policier et militaire qui sont appliquées aux check point, lors des décisions de détruire des oliveraies parce qu’elles seraient le lieu d’activités subversives ou encore à l’occasion de la destruction d’une maison qui n’a pas reçu une «autorisation de construction», par ailleurs impossible à obtenir.

Le mépris pour toutes les résolutions internationales, y compris celle sur la dénucléarisation, puise à la même source de l’arrogance coloniale et d’une auto-justification aveuglante.

Dès lors, prétendre qu’il faut une «enquête internationale» – comme le réclame le Département fédéral des affaires étrangères (Micheline Calmy-Rey) dans son communiqué du 31 mai 2010 – relève d’un cynisme camouflé de compassion. L’assaut du 31 mai, cent fois condamnable, n’est qu’un chaînon d’une répression coloniale exercée sur la durée. D’ailleurs, le quotidien Le Monde, qui paraît le 29 mai, mais est daté du 30-31, titrait en page 5: «Les autorités israéliennes sonnent la mobilisation générale contre la flottille des bateaux pour Gaza. Israël veut barrer le passage, par tous les moyens, aux navires transportant de l’aide humanitaire». En encadré, il était aussi indiqué: «L’aviation israélienne a effectué, dans la nuit de vendredi 28 à samedi 29 mai, six raids dans la bande de Gaza.» Un aveu.

Développer la campagne BDS

Comme durant l’opération «Plomb durci», le gouvernement israélien a tout fait pour que les grands médias ne puissent pas enquêter. Ainsi, les journalistes de la BBC, de CNN, des grandes chaînes de télévision deviennent les sténographes du propagandiste en chef du gouvernement israélien, Mark Regev.

Le but: contraindre celles et ceux réclamant la fin du blocus de Gaza, le droit à l’aide humanitaire directe, la reconnaissance du Hamas comme un des interlocuteurs obligés pour toute négociation future, la reconnaissance des droits nationaux des Palestiniens à devoir multiplier les «preuves» qu’il n’y avait pas d’armes sur les bateaux et que les militants pacifistes n’ont pas attaqué les commandos israéliens ! Une stratégie propagandiste de sinistre mémoire où le réprimé devient le coupable.

De même, le rôle du régime dictatorial du président égyptien Hosni Moubarak – régime qui participe au blocus de Gaza – est sans cesse déformé. Moubarak est présenté comme un acteur d’«une paix au Proche-Orient», alors qu’il réprime toutes les grèves, toutes les luttes sociales, toutes les oppositions politiques et tout mouvement de solidarité de masse avec le peuple palestinien.

La Turquie reste une alliée d’Israël. Les deux armées ont fait de nombreuses manœuvres communes. L’une était planifiée pour les semaines à venir. Mais le gouvernement turc, répressif, veut jouer un rôle politico-diplomatique dans le Moyen-Orient. Il doit aussi tenir compte des réactions d’une partie de la population. D’où la distance mesurée qu’il prend aujourd’hui avec le gouvernement israélien prêt à toutes les aventures militaires, contre l’Iran ou le Sud-Liban. Netanyahou mise sur la politique du fait accompli et l’appui qui s’ensuivra de la part du gouvernement des Etats-Unis.

Le seul blocus de Gaza, avec ses conséquences humaines, est une violation ouverte de l’article 33 de la IVe Convention de Genève, celle interdisant les punitions collectives. Développer sur la durée en Suisse, comme dans d’autres pays, la campagne «boycott, désinvestissement, sanctions» (BDS) est certainement l’une des modalités les plus adéquates [1] de soutien au peuple palestinien et de lutte contre l’apartheid ainsi que l’occupation de la Palestine.

[1] Lire à ce propos l’ouvrage d’Omar Barghouti, Boycott, désinvestissement, sanctions, La Fabrique, avril 2010.

(2 juin 2010)

 
Vos commentaires