Pour le droit à la libre circulation mais à travail-égal-salaire-égal
 
 


Mesures d’accompagnement: croire au miracle?

La banque d’investissement Morgan Stanley vient de faire le constat suivant: « Dans l’espace de l’euro, les salaires réels ne croissent quasiment plus. La concurrence du travail pas cher des nouveaux pays de l’UE a affaibli dramatiquement la capacité de négociation des syndicats. » (SonntagsBlick, W.Vontobel, 31.7.05)

Le patronat suisse l’a compris. Il sait parfaitement que va s’accroître la pression sur les salaires et les conditions de travail.

Les « mesures d’accompagnement » devraient empêcher ce processus. Est-ce vrai? Examinons celle dont on parle le plus: l’extension facilitée des conventions collectives de travail (CCT). Une CCT étendue s’applique à tous les employeurs et à tous les travailleurs d’une branche économique, sur un territoire donné (un canton, plusieurs cantons…).

1.  Il faut savoir que plus de 60% des salarié·e·s en Suisse ne sont pas couverts par une convention collective de travail. Cela devrait conduire le syndicat UNIA à proposer le NON, puisque son mot d’ordre est: « Pas de libre circulation des personnes sans conventions collectives. »

2.  En 2004, sur les 46 principales CCT, seulement 20 – concernant 9,7% des salarié·e·s – ont donné lieu à des négociations sur des salaires minimums. Autant dire que la qualité de la protection conventionnelle est très réduite, c’est-à-dire proche des obligations légales minimales (Code des obligations).

3.  Avec les « mesures d’accompagnement », pour qu’une CCT donne lieu à une extension facilitée, « une situation de sous-enchère abusive et répétée au sein d’une branche ou d’une profession doit être constatée » (seco, 18 mars 2004). La notion d’abus est complètement floue. En mai 2003, l’USS demandait – ce qui est élémentaire – le rejet du terme « répété ». Elle y a renoncé depuis lors.

4.  En cas de « sous-enchère abusive et répétée », une commission tripartite (syndicat, patron et canton) peut intervenir. Cela va prendre du temps. Il faut être « certain » que la sous-enchère est « abusive », qu’elle est « répétée » et qu’il y a, en plus, un risque de dumping dans la branche ! Une fois franchi ce parcours d’obstacles, la commission tripartite dispose d’un délai de deux mois pour trouver un « accord » entre employeurs et salariés. Tout ce temps offre de  nombreuses occasions pour des « trafics » divers.

5.  La commission tripartite – avec l’accord des signataires de la CCT – fait à ce moment une requête d’extension au canton ou au Conseil fédéral (si au moins deux cantons sont concernés). Seuls le salaire minimum et la durée du travail (dans sa seule relation au salaire) peuvent être l’objet d’une décision par l’autorité en faveur ou non de l’extension facilitée de la CCT. S’il y a extension, le contrôle sera paritaire. L’expérience (hôtellerie-restauration) montre que ce « contrôle » peut être des plus superficiels.

6.  Pour que l’extension facilitée intervienne il faut un quorum de 50% des travailleurs de la branche que les employeurs liés doivent occuper.

Conclusion. Toute cette construction va dépendre, pour son application: des informations dont disposera la commission tripartite; de son fonctionnement et de la volonté de ceux qui la composent; des décisions patronales; de la politique des autorités cantonales et fédérales, entre autres des conseillers d’Etat UDC favorables au OUI.

Tout cela explique certainement pourquoi l’Assemblée des délégués du Parti socialiste suisse du 25 juin 2005 implore les autorités de faire quelque chose afin d’assurer l’application des mesures d’accompagnement: « Ces nouvelles [mesures d'accompagnement] nous permettraient – pour peu qu’elles soient appliquées – d’appréhender l’extension de la libre circulation […], sans craintes d’aggravation des conditions de travail en Suisse! Malheureusement nous ne voyons pas de réelle volonté de les mettre en œuvre, et ce ni de la part des organisations patronales […], ni de la part des cantons. » Que faut-il de plus au PSS pour dire NON?

Un test est déjà fourni par le canton de Vaud. Le secrétaire d’UNIA doit admettre que: « Le Grand Conseil vaudois en refusant l’ensemble des revendications syndicales dans le cadre de la Loi sur l’emploi a de fait renoncé à toute mesure sérieuse visant à éviter le dumping salarial et social. » (24 heures, 14.6.05) Entre la campagne publicitaire de l’USS sur les « mesures d’accompagnement » et la réalité sociale et politique, il y a un fossé. A lui seul, ce fossé justifie le NON.

Les promesses non tenues déboucheront sur la déception, sur la démobilisation, sur la crainte accentuée face au patronat. Une autoroute sera offerte aux forces xénophobes.

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