Centre fermé de Frambois (Genève)
«Une politique migratoire qui conduit au désespoir»
Ligue Suisse des Droits de l'Homme
La Ligue Suisse des Droits de l'Homme (LSDH), section de Genève, a dénoncé à de multiples reprises la politique migratoire suisse – en particulier les mesures de contraintes – et les conditions d'emprisonnement qu'elles imposent aux personnes faisant l'objet d'une décision de renvoi, les conditions dans lesquelles les personnes sont détenues et les conditions de leurs expulsions.
Ce week-end (9-10 octobre 2010), le centre de détention administrative de Frambois a été le théâtre de tensions particulièrement vives. Pour comprendre l'origine de ces tensions il convient de prendre en compte que durant les trois semaines précédentes, le centre de détention de Frambois a connu plusieurs tentatives de suicide, une grève de la faim et de nombreuses altercations.
Les visiteurs de la LSDH, qui se rendent hebdomadairement à Frambois, ont, à plusieurs reprises, été interpellés par des détenus désespérés, qui ne sont pas même informés de l'évolution de la procédure concernant leur renvoi ni de la durée de leur détention. Ils ne peuvent en outre entrevoir aucune issue digne dès lors que les conditions de renvoi, vivement dénoncées par de nombreuses associations, sont de nature dégradante. Les visiteurs de la LSDH ont constaté avec inquiétude la détérioration de l'état de santé des détenus. Un grand nombre d'entre eux ont ainsi montré un profond désarroi, certains allant jusqu'à exprimer leur intention de se suicider.
Les autorités responsables, pourtant elles-mêmes dûment informées, se sont satisfaites de la situation. Les tensions se sont radicalisées ce week-end, en particulier samedi matin. La direction de Frambois a alors fait appel à la police. La commission des visiteurs officiels du Grand Conseil s'est rendue sur place. Fort heureusement, on ne déplore aucun blessé.
Pour la LSDH, ces événements ne sont que l'écho d'une profonde douleur causée par une mise en détention – qui n'est aucunement liée à une condamnation pénale, il faut le rappeler – dont la durée est indéterminée, par une perspective de renvoi indigne et par l'incapacité des autorités des trois cantons parties au concordat (Genève, Vaud et Neuchâtel) à entendre les revendications légitimes des personnes concernées. La politique migratoire ainsi mise en place est une véritable politique du désespoir dont l'application est entachée du plus grand mépris envers les personnes visées par celle-ci.
La LSDH demande que les détenus soient entendus dans leurs revendications et que leur intégrité physique et psychologique ainsi que leur dignité soient protégées. La politique migratoire ne peut s'appliquer plus longtemps dans le mépris et le déni des droits des premières personnes concernées, les migrants eux-mêmes. Nous réclamons une politique qui n'omette pas que les migrants sont, avant d'être «sans-papiers» ou «déboutés», des êtres humains dont les droits fondamentaux doivent être respectés.
La LSDH a très récemment été auditionnée par la Commission des Droits de l'Homme du Grand Conseil genevois au sujet des conditions de renvoi. Elle demande à être auditionnée également par la Commission des Visiteurs Officiels. Il importe en effet que les tensions vives qui se sont exprimées samedi, aussi regrettables que puissent en être les formes, soient bien comprises comme la conséquence prévisible de la situation que les autorités imposent aux personnes détenues à Frambois.
Le Comité de la LSDH (10 octobre 2010)
(11 octobre 2010)
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