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Elections nationales 1999


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Ré-invention du bien commun
Redéfinir les frontières
de la démocratie

    Avec régularité, les habitants de la Suisse sont sondés : leurs attentes, leurs espoirs, leurs craintes sont passés au scanner.

    Serait-ce le signe que les autorités et les maîtres de l’économie voudraient ajuster leurs choix aux exigences raisonnées de la population ?

    Ou, au contraire, ces sondages sont-ils un indice que les élites dirigeantes veulent simplement affiner la vente de leurs décisions sociales, économiques et politiques qui, elles, sont ajustées aux « impératifs d’une économie de plus en plus concurrentielle »?

 

Le marketing contre la démocratie

    Les campagnes électorales obéissent à ces sondages et deviennent des opérations de marketing. La politique se vend, si ce n’est que l’information fournie par les programmes des partis est beaucoup moins précise que celle du dépliant présentant une nouvelle voiture.

  • Ce marketing politique n’est que le pâle reflet de ce qu’un grand quotidien allemand a formulé à merveille : « Le cynisme éclairé est le moralisme caché de l’époque de la mondialisation. »
    En d’autres mots : « Chacun et chacune, isolé, doit s’en remettre à un avenir incertain, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. » Résignez-vous et protégez-vous ! Et, au mieux, déléguez un·e élu·e, qui fera tout… pour gérer l’inéluctable et en « minimiser les coûts humains ».

  • Ce marketing politique ne peut pas respecter l’intelligence des citoyennes et des citoyens. Il se refuse à prendre en compte un fait central : les « opinions » se forgent après délibérations au cours de conflits (petits et grands, sur un lieu de travail ou de formation), au sein de collectifs ou encore grâce aux collaborations et coopérations variées que nécessite l’activité professionnelle.

  • Avec un peu de recul, un bilan des expériences – professionnelles entre autres – indiquerait la richesse de la réflexion comme de la production sociales que peuvent nourrir de tels échanges. Combien de fois, à la pause ou à midi, au cours d’une discussion, une idée n’a-t-elle pas surgi sur la possibilité de « faire autrement », de s’opposer à une « nouvelle exigence de qualité » qui accroît la charge de travail sans que la qualité du produit ou du service à l’usager soit améliorée ?

 

Déprivatiser
la créativité

    Lorsque le mouvement solidaritéS proclame, peut-être avec emphase, « ré-inventons le bien commun », il fait un double pari réfléchi. Tout d’abord, il mise sur l’intelligence, la créativité de toutes les catégories de salarié·e·s. Ensuite, il prend en compte les débuts de réponse ainsi que les activités de multiples associations, mouvements sociaux et syndicats qui, à leur façon, traduisent cette inventivité.

    Le mouvement solidaritéS tente d’indiquer que produire une réalité socio-économique autre passe par la réappropriation socialisée de la capacité de découverte et de trouvailles qui apparaît, de façon plus ou moins fugace, dans le travail et les loisirs.

    Aujourd’hui, cette capacité d’initiative est valorisée quand elle permet de développer le chiffre d’affaires d’une entreprise. Elle est dépréciée si elle ne trouve pas à être utilisée dans le circuit de la rentabilisation du capital. Par exemple, la qualité des bâtiments n’est pas déterminée par les habitants et par des concepteurs qui ont pourtant mis au centre de leurs préoccupations l’économie des matériaux et la possibilité de les recycler. A l’inverse, s’est imposé un modèle du bâti qui valorise les matériaux vendables en grande quantité, jetables et incinérables, ce qui fait du secteur de la construction le principal producteur de déchets polluants dans les pays riches.

 

Redéployer l’espace démocratique

    La politique de la ville est un exemple parlant d’une nécessaire ré-invention du bien commun, de la production du « bien vivre ensemble ». En Suisse comme en Europe, les autorités proposent la création de « communautés urbaines », c’est-à-dire de nouvelles entités urbanisées disposant d’une relative autonomie face aux institutions politiques supérieures (cantons, Confédération). L’intention affichée séduit parce qu’elle prétend réunifier l’attraction compétitive de la ville et la convivialité sociale. Dans la réalité, se profilent des « villes-communautés-marché » au détriment de « villes-communautés-cadre de vie ».

    => Ré-inventer un tel bien commun ne requiert pas seulement la multiplication de passerelles entre usagers des « entités urbaines » et urbanistes. Cette ré-invention demande une véritable discussion publique dans laquelle les intérêts opposés puissent se déployer avec toute leur force ; ce qui conditionne le fonctionnement démocratique d’instances d’arbitrage, en dernier recours.

    => Mais la ré-invention de ce bien commun passe aussi par une exigence centrale : la ville devrait être respectueuse des usagers, quels que soient leur âge, leur sexe, leur éventuel handicap, leur pouvoir d’achat, leur insertion professionnelle. Un tel respect passe par une série de droits à ancrer et à préciser tels que : le droit au logement, à un domaine public exempt des dangers de la circulation, à des transports publics gratuits et de proximité, à des équipements collectifs et rapprochés. Instituer ce bien commun peut réclamer l’expropriation des terrains et immeubles en friche, car l’accès à ces biens délaissés et leur utilisation sont une des conditions de la réappropriation de l’espace urbain.

 

Reprendre
son temps

    Cet exemple indique que, dans la ré-invention du bien commun, le défi consiste à faire que la liberté conquise dans l’action collective stimule l’initiative individuelle, enrichie, elle, par la multiplication des échanges sociaux. De la sorte seront étoffés les choix publics et mieux contrôlée leur application.

    => Cette ré-invention du bien commun ne passe pas par des marchandages entre organismes ayant le monopole de la décision politique, et pourtant très sensibles à la surveillance de ceux qui promettent de créer des emplois ou menacent d’en détruire. Cette ré-invention du bien commun réclame un élargissement de la sphère où les gens peuvent assumer un certain contrôle de leur vie. Si les êtres humains ne peuvent définir leur habitat social, ils peuvent difficilement devenir ces êtres autonomes aptes à constituer une société démocratique.
    D’où la nécessité de combiner la démocratie représentative avec une démocratie participative. Une telle articulation, souvent souhaitée, exige de faire la clarté sur la précondition de sa réalisation : la réduction radicale des inégalités dans le pouvoir économique, politique, administratif et communicationnel des citoyens et citoyennes ; pour l’heure, ce pouvoir est approprié par une minorité.

    => Enfin, ré-inventer le bien commun impose une réappropriation par l’ensemble des salarié·e·s de leur propre temps. Chacune et chacun a pu faire l’expérience, dans son travail, qu’une action nouvelle, qu’un changement, qu’un apport novateur exigent du temps. Or, l’appropriation du temps des salarié·e·s par l’entreprise (par le détenteur du capital) tend à comprimer ce temps de communication et de coopération des salariés.
    Ré-inventer le bien commun, c’est aussi gagner le droit de penser et d’agir ensemble, avec tout le temps nécessaire. Dans ce but, il faut délégitimer et contester les modèles de compétitivité et de productivité qu’impose l’actuel capitalisme.