Nestlé St-Menet
 
 

«Négocier le plan social»

Propos recueillis par Jean-Marie Battini *

En lutte depuis vingt mois pour le maintien de l’activité de leur entreprise, les salariés de l’usine Nestlé de Saint-Menet (café soluble et chocolat) sont désormais fixés sur leur sort. Le repreneur, Net Cacao, va conserver 180 emplois sur les 427 actuels. Entretien avec Joël Budanic, délégué CGT.

Résume-nous ce qui a été acquis ?

Joël Budanic - Le 1er février 2006, le secteur chocolat va démarrer avec Net Cacao, qui a formalisé un accord avec Nestlé sur les conditions de reprise (tonnages, marchés, etc.). 180 emplois sont donc assurés dans l’immédiat. Le tribunal a approuvé la démarche de Nestlé, et nous allons devoir, à contrecœur, négocier le plan social. Il y aura donc une prime pour tout le monde, puis l’embauche par Net Cacao de 180 personnes à salaire brut équivalent. Nous devrons donc négocier dur, en trois semaines, pour obtenir le maintien des avantages acquis. Net Cacao, qui est un patron comme les autres, menace de partir si nous n’acceptons pas ses conditions. C’est leur conception du «dialogue». Bâtiments et outillage sont donc cédés et Net Cacao profite donc d’une infrastructure performante pour un euro symbolique. Il n’est pas question que les salariés n’y gagnent rien. Nos statuts doivent être préservés.

Qu’en est-il des emplois supplémentaires promis et que deviennent les autres salariés ?

J. Budanic - 40 salariés ont choisi de partir sur un autre site proposé par Nestlé. Mais un des acquis de la lutte, c’est qu’en arrachant la poursuite de l’activité pendant six mois de plus, cela a permis à beaucoup de pouvoir bénéficier d’un plan de départ en retraite dans de bien meilleures conditions. Pour les autres, un plan de formation est en cours d’élaboration, en attendant les 130 emplois à créer d’ici quatre ans, ce qui en donnerait 310 au total.

Le secteur café est toujours en suspens ?

J. Budanic - Nous faisons remarquer au préfet qu’en laissant ce secteur de côté, il ne fait que la moitié du chemin évoqué par Villepin lui-même, qui parlait de reprise du site en totalité. Ce à quoi il répond que nous ne devons pas «gâcher l’occasion». En somme : «Si vous voulez vos emplois, ne parlez ni de statut, ni de café.» Reste que l’activité café est la plus rentable et qu’un emploi dans ce secteur crée un emploi induit. Nous allons donc interpeller les élus à ce sujet, car 180 emplois sur les 427 actuels, c’est 247 emplois perdus pour la région.

Quelles leçons tirer de ces vingt mois de lutte ?

J. Budanic - Tout le monde - même Villepin - reconnaît que Nestlé ferme l’usine pour faire plus de profits. Nous aurions dû, dès le début, admettre que nous ne pourrions pas les obliger à rester, et donc travailler plus tôt sur un projet alternatif. Mais notre lutte a permis de les faire reculer, ce qui est déjà énorme (n’oublions pas que l’usine devrait être fermée depuis six mois). Un accord de fin de conflit devrait être présenté le 20 décembre. Sur le plan syndical, nous avons beaucoup appris de l’articulation permanente entre lutte de terrain et lutte juridique, toujours en lien étroit avec les salariés. Notre collectif syndical s’est partagé le travail entre une partie «logistique», pour gérer le conflit au quotidien, et une partie plus «politique», grâce à laquelle nous avons mené la lutte à l’extérieur avec le soutien très appréciable du Groupement de défense. Dans la période actuelle, même si le combat n’est pas terminé, notre expérience peut et doit profiter à tous ceux qui se battent.

* Rouge n° 2139