Chocolat chaud et café serré
Christophe Deroubaix
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Le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Marseille propose de ne garder que l’activité chocolat et 140 emplois. La CGT y adjoint celle du café et table sur 300 emplois.
C’est, de nouveau, l’histoire du verre à moitié vide... ou plein. En affirmant que l’activité chocolat sur le site de Saint-Menet était viable, Jacques Pfister a sapé un fondement de l’argumentation de Nestlé sans pour autant totalement convaincre les représentants des salariés. Chargé par le préfet de mener à bien la recherche d’un repreneur, le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Marseille a livré, mercredi après-midi dans le cadre d’une nouvelle table ronde, ses premières conclusions. Selon lui, un projet de production de chocolat atteindrait le seuil de rentabilité à hauteur de 12 000 tonnes. Cela limiterait le nombre d’emplois à 140, alors que l’usine en emploie actuellement 427. Il propose, en revanche, de faire une croix sur la poursuite de l’activité café. Après de longues heures de négociations, les représentants des salariés ont pourtant obtenu que les actifs café soient intégrés au cahier des charges. Ce dernier devrait être bouclé d’ici mardi prochain. «Nous allons donc lancer un appel d’offres, a déclaré Christian Frémont, préfet de région. Pour l’activité chocolat, mais aussi pour celle du café. Cet appel sera honnête, il dira que le café est aléatoire.»
«Nous avons émis notre opposition au cahier des charges, a, pour sa part, précisé Jean-Pierre Ribout, secrétaire CGT du comité central d’entreprise (CCE). Car s’ils [les syndicats - NDLR] ont franchi une nouvelle étape, puisque, pour la première fois, on reconnaît qu’un projet de reprise serait viable, ils n’en contestent pas moins les conclusions de la mission de la CCI.» Concernant le chiffre avancé de 140 emplois, le responsable syndical a estimé qu’il s’agissait d’une «contrevérité par rapport à la quantité des effectifs de l’activité chocolat à l’usine de Saint-Menet». Le projet alternatif, élaboré par la commission économique du CCE, avec l’aide d’un cabinet spécialisé, tablait, lui, sur le maintien de 300 emplois. Ce qui fait dire à Patrick Candela, secrétaire du syndicat CGT du site : «La CCI s’appuie davantage sur l’argumentation de Nestlé qui veut empêcher coûte que coûte la venue d’un repreneur sur l’activité café que sur des bases économiques.»
Un autre point oppose les représentants de la multinationale et ceux des salariés : la cession des actifs pour un euro symbolique annoncée par Nestlé lors de la table ronde du 5 septembre. Mercredi, Jean-Pierre Carli, directeur général industriel de Nestlé France, a précisé, à la stupéfaction du préfet, que cette cession se ferait au cas par cas. «Dans ce cas, c’est Nestlé qui choisirait le repreneur et les productions qui doivent être reprises ou non. C’est ce qui limite le cahier des charges à 140 emplois», dénonce Patrick Candela. En opposant un mini-veto à la poursuite de la production de café, le numéro 1 mondial de l’agroalimentaire tente de couper l’herbe sous le pied de Legal - cité comme l’un des repreneurs les plus sérieux -, spécialiste du café. Après des revers en cascade, Nestlé érige donc une nouvelle digue. Tiendra-t-elle ?
* Article paru dans l'édition du 16 septembre 2005 de l'Humanité.
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