Forum sur Nestlé, Vevey, 12 juin 2004
 
 

L'empire Nestlé: Une transnationale, des enjeux de société


Forum organisé le samedi 12 juin 2004 par attac avec la Déclaration de Berne et Greenpeace
• Bienvenue !
• Document final
• Résolution concernant Nestlé et ses salarié·e·s
• A propos du Global Compact de l'ONU
• D'autres documents sur le site d'attac

Bienvenue à toutes et à tous. Vevey vous accueille. Bien sûr, une partie de Vevey seulement, mais d’autant plus chaleureusement. C’est que nous sommes ici dans la patrie de Nestlé, à sa source, et que cela n’est pas sans conséquences… ni sans enseignements :

1. Quelques 130 ans après la fondation de Nestlé, c’est toujours de cette ville de 17 000 habitants que le sort de centaines de milliers, de millions de personnes est décidé. Quoi que prétende avec constance la transnationale, qui rejette facilement les responsabilités sur les directions locales, c’est bien d’ici que partent les décisions finales. Sur les objectifs de rentabilité des secteurs, succursales et usines, ce qui souvent veut dire licenciements ou fermeture. Sur les prix d’achat du café ou du cacao, sur la politique en matière d’OGM, sur les perspectives à long terme de la transnationale, sur les branches à développer et celles à couper. C’est ici qu’est centralisé le projet Globe, qui a déjà vu passer des centaines de cadres de toutes les filiales dans le monde, afin d’unifier processus et méthodes, et consolider le moule dans lequel ils doivent impérativement se couler.
L’extraordinaire concentration du pouvoir auquel aboutit actuellement le système capitaliste trouve ici un symbole géographique.

2. Nestlé quoique transnationale, ne peut se passer d’une base locale et nationale solide. Pour gagner l’acquiescement de la population – de Vevey, du canton de Vaud, de la Suisse – elle met donc en œuvre de multiples stratégies, des éditions NPCK (Nestlé, Peter, Cailler Kohler) dont je collais les vignettes dans les livres pour enfants, au musée de l’Alimentarium, du don de quelques millions pour la rénovation du théâtre de Vevey aux multiples actions de sponsoring culturel, etc.
Le but est de faire oublier qu’à l’origine des bénéfices et dividendes, il y a la sueur et parfois le sang. En le révélant, en faisant connaître les conséquences réelles de la politique de Nestlé – comme dans le livre publié par attac en vente ici –, nous avons un certain pouvoir de solidarité, celui d’aider réellement quoique modestement ceux qui de par le monde sont confrontés à la politique de Nestlé. Ce pouvoir nous confère le devoir de l’exercer, la responsabilité d’être solidaires.

3. Pour beaucoup – les distributions de ce dépliant sur le marché, ici devant cette salle, nous l’ont confirmé – Nestlé est la bienfaitrice de la région, et la critiquer relève au mieux de l’aventurisme, au pire du sacrilège. Cette attitude est pour une part le résultat de l’effort de propagande de Nestlé. Mais il est aussi le reflet d’une réalité : « l’économie Nestlé » – emplois, activité économique générée, impôts de Nestlé international – irrigue toute la région.
Ce problème doit être affronté. Il faut montrer qu’il n’y a pas de flux sans source. Les « bienfaits » de Nestlé sont la contrepartie de son activité prédatrice dans d’autres régions du globe, que ce soit dans les pays du Sud ou en Europe. Nous avons donc besoin d’un altermondialisme concret, qui s’attaque – avec toute la modestie et toute l’ambition que ce mot peut contenir – au jour le jour et sur les divers fronts – syndical en particulier – aux centres du réel pouvoir, les sociétés transnationales, et commence à imaginer comment on pourrait s’en passer. Qui tende de tisser des liens, symboliques mais aussi concrets, entre ceux qui, dans leur diversité, ont à faire avec Nestlé : salarié·e·s, ici et dans les pays de la périphérie, paysans, consommateurs ; militants et scientifiques ; altermondialistes, syndicalistes, écologistes. C’est ce que nous essayerons de commencer à faire aujourd’hui.

La mise en regard de Vevey et de l’empire Nestlé nous amène ainsi de l’exorbitant pouvoir des multinationales au devoir de solidarité et à l’altermondialisme de terrain, que j’appellerais quant à moi anti-impérialisme : domination, rapatriement des profits, salaires plus élevés, ou moins bas, payés ici, dessinent en effet le tableau classique de l’impérialisme.

C’est donc quasi naturellement que j’ose paraphraser le symbole de l’anti-impérialisme : tenons un, deux, de nombreux forums sur Nestlé ! Bonne journée, Bon travail.

Alain Conthier, conseiller communal MPS, Vevey

Document final
Questions à Nestlé (restées sans réponse)

Ce samedi 12 juin 2004 s’est tenu un forum sur "L’Empire Nestlé" organisé par attac, la Déclaration de Berne et Greenpeace. Les 350 participant-e-s ont pu s’y informer sur les pratiques de Nestlé dans les domaines de l’eau, de l’agriculture, de l’industrie alimentaire et dans ses rapports avec les salarié-e-s. Ils et elles ont été convaincu-e-s que ces pratiques, semblables à celles d’autres transnationales rivales et complices, ont des graves répercussions sur des millions de personnes dans le monde. Ils et elles posent publiquement les questions suivantes à Nestlé:
Nestlé peut utiliser n´importe quelle eau pour fabriquer l´eau de boisson "Pure Life" au Brésil. Pourquoi le groupe Nestlé persiste-t-il à déminéraliser dans ce but l´eau minérale du Parc de São Lourenço? Comment se fait-il que la déclaration de renonciation faite par M. Brabeck cet hiver à Davos n’ait pas mis fin à cette absurdité illégale?
Les bouteilles d´eau en plastique sont une grave pollution. Puisque le groupe Nestlé se prétend environnementalement responsable, pourquoi n´a-t-il pas renoncé à l’utilisation de bouteilles en plastique ni même développé des projets de recyclage de ses bouteilles?
Les dégâts provoqués par la surexploitation des sources, tant au Brésil qu'aux Etats-Unis, ont été abondamment documentés. Nestlé peut-elle continuer à développer son chiffre d'affaires dans le secteur de l'eau en bouteille et prétendre être une entreprise écologiquement consciente?
Il y a 25 ans, les Etats membres de l’Assemblée mondiale de la Santé (AMS) adoptaient le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (le Code). En 2002, l’AMS adoptait la "Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant" dont l’article 44 définit clairement toutes les responsabilités et les obligations spécifiques des fabricants et distributeurs d’aliments destinés au nourrisson et au jeune enfant. Le Code s’applique à tous les Etats et à toutes les entreprises; les entreprises doivent s’assurer que leur conduite à tous les niveaux soit conforme au Code et aux résolutions ultérieures, quelle que soit l’action entreprise par les autorités; le champ d’application du Code comprend tous les substituts du lait maternel, et pas seulement les laits en poudre. Comment se fait-il dès lors que Nestlé ne respecte toujours pas le Code et les autres résolutions pertinentes adoptées par l’AMS?
Contrairement à ce que prétend Nestlé, les plantes transgéniques ne sont-elles pas plutôt des bombes à retardement pour la santé publique, l'indépendance des agriculteurs et l'environnement qu'une solution à la faim dans le monde?
Nestlé, se conformant au strict minimum des législations nationales ne donne pas aux habitants des pays en développement – contrairement à ceux des pays "développés" – le droit de savoir s'ils mangent des ingrédients transgéniques (génétiquement manipulés, GM) avec leurs produits Nestlé. Comment justifier cette discrimination?
La violence exercée par des groupes paramilitaires dans de nombreux pays du sud sont une menace pour les travailleur-se-s, en particulier syndiqué·e·s et pour les mouvements paysans. Nestlé rejette les accusations d’utilisation à son profit de tels groupes. Comment alors expliquer qu’elle n’ait jamais officiellement condamné les menaces et les violences des paramilitaires colombiens contre les salarié-e-s de ses entreprises?
En 2003, Nestlé a fait plus de CHF 6 milliards de francs de bénéfice. Or elle prévoit de faire des économies pour 6 milliards de CHF jusqu’en 2006, qui se traduiront notamment par la suppression de centaines d’emplois dont près de 1'500 en France. On voit les premiers effets de ce plan avec la fermeture de l’usine de Saint-Menet et les mesures de rationalisation dans les différentes sources appartenant à Nestlé, en particulier Perrier. Des exemples de Russie, de Corée et de Colombie montrent une politique systématique de Nestlé contre les syndicats et les droits des salarié-e-s. Peut-on dès lors considérer autrement que comme pure hypocrisie que Nestlé déclare dans ses principes qu’elle "considère ses collaborateurs comme son atout le plus précieux"?
Finalement, est-il normal que les options prises dans les bureaux de Vevey s'imposent à des centaines de milliers de personnes dans le monde, et pèsent bien plus que des décisions prises démocratiquement par des Etats "souverains"?

Résolution concernant Nestlé et ses salarié·e·s

Informé·e·s:
De la grève tournante menée depuis plus de deux mois par les salarié·e·s du groupe Perrier-Vittel. Ce mouvement a été déclenché par la décision de la direction du groupe Nestlé Waters France de procéder à plus de 1047 suppressions de postes dans l’ensemble du groupe, en prétendant procéder à des pré-retraites dont la direction ne veut pas communiquer les conditions. Cette décision vise à augmenter la productivité des sites de production. Dans l’usine Perrier-Vittel, la direction a planifié de faire augmenter la production de 850 millions de bouteilles l’an dernier à 1,2 milliard de bouteilles en 2010. Les mesures de suppressions de postes visent donc à produire plus avec moins de salarié·e·s, c’est-à-dire à augmenter la rentabilité des capitaux investis et les bénéfices du groupe, donc, finalement, à opérer un transfert des richesses vers les actionnaires au détriment des salariés. En réponse à ce mouvement, la direction de Nestlé a menacé de vendre la source, puis a procédé aux licenciements des CDD engagé·e·s dans l’usine. Malgré cette répression et ces intimidations, la grève se poursuit aujourd’hui.

De la fermeture annoncée par la direction de Nestlé de l’usine de production de tablettes de chocolat et de café en poudre de Saint-Menet à Marseille, provoquant le licenciement des 480 salarié·e·s de l’entreprise. La fermeture est prévue pour le printemps 2005. Les salarié·e·s ont engagé, ces derniers jours, un mouvement large de protestations contre cette fermeture et la perte de leur emploi, faisant appel à la solidarité des habitants de Marseille et tentant de construire une solidarité concrète avec les autres salarié·e·s du groupe en France et à l’étranger.
Les participant·e·s au Forum l'empire "Nestlé: Une transnationale, des enjeux de société", réuni·e·s à Vevey ce samedi 12 juin 2004
• se déclarent pleinement solidaires de la lutte des salarié·e·s de ces deux sites français,
• soutiennent politiquement toutes les mesures qui seront décidées et engagées par les salarié·e·s en vue de sauver leurs emplois et d’obtenir satisfaction de leurs revendications.
• soutiennent la grande marche pour la défense de l’emploi dans la vallée de l’Huveaunne organisée à Marseille le 26 juin prochain.

Vevey, le 12 juin 2004


Lettre aux ONG membres du bureau du pacte mondial

Mesdames les présidentes et Messieurs les présidents et des ONG participant au Bureau du Pacte mondial : Amnesty International, Human Rights Watch et Lawyers Committee for Human Rights.
Nous vous écrivons au nom du séminaire tenu le 12 juin 2004 à vevey en Suisse, où Nestlé à son siège mondial.
Les 350 participant-e-s ont examiné les pratiques de Nestlé et ont conclu que cette entrprise enfreint les principes du Pacte mondial relatifs droits humains, aux normes du travail et à l’environnement. Ce comportement déshonore les Nations unies.
Les firmes telles que Nestlé utilisent leur participation au Pacte mondial afin d’améliorer leur image, et d'éviter ainsi de prendre des mesures pour arrêter les pratiques contraires à l’éthique.
Le fait que le Pacte mondial ne comporte aucune clause contraignant les firmes à respecter ses principes, et qu’aucun mécanisme de surveillance n’ait été mis en place montre que cette initiative est fondamentalement corrompue.
Nous demandons donc à votre organisation de démissionner publiquement du Bureau du Pacte mondial.

Lettre au secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan

Mr. Le secrétaire général,
Nous vous écrivons au nom du séminaire tenu le 12 juin 2004 à Vevey en Suisse, où Nestlé a son siège mondial.
Les 350 participant-e-s ont examiné les pratiques de Nestlé et ont conclu que cette entreprise enfreint les principes du Pacte mondial relatifs droits humains, aux normes du travail et à l’environnement. Ce comportement déshonore les Nations unies.
Les firmes telles que Nestlé utilisent leur participation au Pacte mondial afin d’améliorer leur image, et d’éviter ainsi de prendre des mesures pour arrêter les pratiques contraires à l’éthique.
Le fait que le Pacte mondial ne comporte aucune clause contraignant les firmes à respecter ses principes, et qu’aucun mécanisme de surveillance n’ait été mis en place montre que cette initiative est fondamentalement corrompue.
Nous demandons donc aux Nations unies de dissoudre le Pacte mondial.

De la part des 350 participantes et participants au Forum «Résister à l’empire Nestlé», organisé le 12 juin 2004 à Vevey en Suisse par Attac, Greenpeace et la déclaration de Berne.