L’avenir du mouvement anti-guerre
(Meredith Kolodner *)
Meredith Kolodner est membre de l’International Socialist Organisation et de la Antiwar Coalition à New York.
Elle participe vendredi soir 21 janvier à une discussion à Lausanne sur le thème "Après les élections, la guerre sociale" (Cazard, 20 h).
Samedi 22 janvier elle est l'une des orateurs de l'Autre Davos.
Il y a une année les taux de popularité de Bush étaient au plus bas, essentiellement à cause des problèmes liés à l’occupation de l’Irak. Au printemps, c’était comme si chaque expert des Départements d’Etat et de la Justice dénonçait la gestion par l’administration Bush de l’invasion et de l’occupation. Puis, il y eut les photos explicitant la torture à Abu Ghraib étalées en première page des journaux du monde entier.
Par-dessus le marché, la raison majeure justifiant l’invasion de l’Irak – l’éradication d’armes de destruction de masse – s’avérait n’être qu’un acte de tromperie de masse. Le nombre de morts civils s’accroissait aussi: août fut plus meurtrier qu’avril [première attaque US contre Fallujah], et le nombre de soldats US tués dépassait le millier, auquel s’ajoutaient une moyenne de trente-cinq blessés par jour. The Lancet, la distinguée revue britannique, publia une étude indépendante démontrant que 100'000 Irakiens avaient été tués depuis le début de l’invasion [1], et la résistance irakienne ne permettait pas l’enterrement médiatique de l’occupation sous les potins de la campagne présidentielle US.
Tout aussi frappant fut toutefois le mutisme du mouvement anti-guerre. La colère – notamment autour du scandale de la torture à Abu Ghraib – était palpable chez les gens, au-dedans et en-dehors du mouvement, mais le seul signe visible du sentiment anti-guerre durant ces longs mois fut un chaud jour d’août où des dizaines de milliers manifestaient devant la Convention Nationale Républicaine. Armée de montagnes de preuves, et avec une opinion publique toujours plus mal à l’aise quant aux coûts et aux buts de la guerre, le mouvement pour la paix semblait néanmoins paralysé. Bush trébucha, se reprit, récupéra la Présidence, et le pouvoir de détruire les villes d’Irak – afin de les « sauver ».
Beaucoup pensent que le principal échec du mouvement anti-guerre durant la saison électorale fut son incapacité à se débarrasser de Bush. Une liste post-élections de « Points de Discussion » distribuée à neuf cents groupes membres de la coalition anti-guerre United for Peace and Justice [« Uni·e·s pour la Paix et la Justice »], concluait comme suit sur l’impact de la victoire de Bush:
« Le résultat sera que dans le monde entier les gens verront les Américains comme complices des guerres et autres violations de leur gouvernement. Nous, citoyens de ce pays, n’avons pas réussi à défendre les intérêts des sujets de l’empire dans le reste du monde, auxquels sont déniés même l’illusion du vote. Nous sommes tous dès lors moins en sécurité. »[2]
La responsabilité de cette défaite, établie dans de nombreux articles sur des sites web de gauche, dans les pages éditoriales de journaux, et dans les revues progressistes, était essentiellement attribuée à la faiblesse du message du « challenger » démocrate John Kerry, combinée avec le conservatisme des électeurs des « Etats rouges » [à majorité républicaine] de l’Amérique profonde.
Une question à laquelle il a été plus difficile de répondre, ou même de poser, était pourquoi il n’y eut pas de réponse organisée et visible aux innombrables crises et catastrophes qui se sont déroulées en Irak durant ces mois ? Les sondages montraient souvent qu’une majorité croyait qu’envahir l’Irak avait été une erreur et que la justification de la guerre était basée sur des mensonges. [3] Loin d’être une minorité isolée, le mouvement anti-guerre avait les oreilles potentielles de millions de personnes.
Quel chemin prit le mouvement anti-guerre ?
Le mouvement anti-guerre était silencieux parce qu’il plongea corps et âme dans la campagne pour Kerry. La raison invoquée était qu’il serait plus facile d’arrêter l’occupation sous Kerry plutôt que sous Bush. Personne n’aimait beaucoup Kerry, et peu de militants au coeur du mouvement portaient des badges pour Kerry ou participaient à ses shows électoraux. Mais presque tout le monde fit tout ce qu’il pouvait pour battre Bush. Pratiquement, cela voulait dire faire campagne pour Kerry, que ce soit à travers des actions « pour-sortir-les-voix » [campagnes militantes contre l’abstentionnisme], des campagnes contre la candidature indépendante [des deux grands partis bourgeois et de leurs financiers] de Ralph Nader, ou par « l’éducation des électeurs » qui contournait les limites du statut exempt d’impôts d’organisations à but non lucratif. A des moments, les militants étaient tellement occupés à faire la campagne de Kerry qu’il n’y avait littéralement personne pour organiser des rassemblements, des conférences de presse, ou d’autres actions visibles en réaction aux horreurs qui se déroulaient en Irak.
Mais le problème allait plus loin que les choix d’investissement de ressources – faire la campagne électorale vs manifester. ABB – « Anybody But Bush » [N’importe qui sauf Bush] – signifiait que la chose la plus importante était de sortir Bush de la Maison Blanche. La conclusion logique était que toute critique sérieuse de Kerry ne pourrait que renforcer Bush, affaiblir le candidat, et donc assurer la réélection de Bush. Tout criticisme de Kerry concernant sa non-opposition à la guerre aurait mis sous les projecteurs la contradiction entre la position de Kerry et celle du mouvement anti-guerre. Plus, n’importe qui d’attentif ou un journaliste avec même un minimum de curiosité, aurait pu demander « Si vous êtes contre la guerre, pourquoi vous soutenez Kerry à la place de Nader ? »
Si le candidat avait été anti-guerre, il aurait pu y avoir plus de place pour faire converger le mouvement avec la campagne. Mais rassembler le soutien de personnes contre la guerre est assez délicat quand le candidat en question a voté pour celle-ci – sans parler du fait qu’il passait aussi pas mal de temps à souligner sa participation à la guerre du Vietnam, son soutien à la Patriot Act [législature post-11 septembre 2001 limitant les libertés individuelles au profit de la police, des services secrets, etc], et à donner des conseils sur comment renforcer et imposer l’occupation. Les simples slogans du mouvement « Halte à l’occupation », « Ramenez les troupes à la maison maintenant » et « De l’argent pour des emplois, non pour la guerre » étaient en totale contradiction avec la campagne de Kerry. L’écrivain Naomi Klein – qui défendait la position ABB [4] - écrivait à l’époque: « Pendant que je suis en train d’écrire ceci, quelques jours avant la Convention Républicaine, l’idée de la manifestation semble être d’exprimer la colère largement répandue concernant l’Irak, de dire "non à la guerre" et "non à l’agenda de Bush". C’est un message important, mais insuffisant. Nous devons aussi entendre des demandes spécifiques pour arrêter le siège désastreux de Najaf, et un soutien sans équivoque aux Irakiens qui veulent avec acharnement la démocratie et la fin de l’occupation. »[5]
Ce n’est donc pas un mystère qu’à la manifestation devant la Convention Nationale Républicaine (RNC), aussi impressionnante et importante qu’elle fût, il manquait un message anti-guerre tranché. En effet, la manifestation ne mentionnait ni l’invasion et le massacre de Fallujah en avril, ni le siège de Najaf. Le soutien à un candidat pro-guerre avait ligoté le mouvement anti-guerre dans un nœud politique. Par ailleurs, le Forum Social de Boston, qui attira plus de 2000 militants de gauche et progressistes dans plus de 500 meetings, débats, et discussions et qui ouvrit à quelques jours de la Convention Nationale Démocrate, rompa avec la tradition mondiale des forums sociaux en refusant d’organiser une quelconque forme de protestation en lien avec sa tenue. Planifié initialement comme un défi aux Démocrates, il fonctionna en fait à aspirer le mécontentement de la rue et à le contenir dans le domaine du débat.
Par ailleurs, le mouvement mondial des forums sociaux, qui a connu ailleurs d’importants débats concernant la place des partis politiques en son sein, a conclu que les plus enthousiastes partisans de la guerre et du néolibéralisme n’ont pas de place dans le mouvement. A Boston, par contre, il y avait un large accord pour dire que les Démocrates, dans toute leur gloire pro-guerre et « pro-mondialisation des transnationales », étaient la seule option en 2004. En fait, le seul candidat présidentiel réellement anti-guerre, Ralph Nader, fut empêché d’intervenir dans la principale plénière, alors que le militant progressiste de longue date Eric Mann utilisa l’essentiel de son intervention plénière pour démolir Nader et son colistier Peter Camejo. Pendant ce temps, des « progressistes » du parti Démocrate comme Robert Reich (ancien Secrétaire du Travail sous Bill Clinton) furent mis en avant dans quelques-uns des plus grands rassemblements, pour encourager le vote pour Kerry. Le candidat Démocrate malheureux aux primaires Dennis Kucinich parla à la tribune dans différentes séances, terminant la plupart de ses interventions avec un appel à voter pour Kerry pour « lui donner une chance ».
Est-ce que les élections ont aidé à la construction du mouvement anti-guerre ?
Quelques voix anti-guerre pensent que la saison électorale fut bénéfique au mouvement. Tom Hayden écrivit que le fait que « beaucoup d’énergie du mouvement pour la paix et la justice s’écoula dans des campagnes présidentielles » était une chose positive. Comme il le dit « il en résulte que des millions de personnes ont commencé à militer politiquement à la base, beaucoup pour la première fois. Le message pour la paix et la justice fut entendu plus largement qu’auparavant. »[6]
Medea Benjamin est une militante de longue date du mouvement pour la justice globale [i.e. plus couramment appelé « altermondialiste » en français], fondatrice du groupe de femmes anti-guerre « Code Pink » [code rose], et une membre du Parti Vert. Elle a joué un rôle central dans l’effort réussi du camp ABB au sein du Parti Vert pour rejeter Ralph Nader comme leur candidat [contrairement à l’élection de 2000] au profit de David Cobb, qui appelait à voter Kerry dans les « Etats indécis » [où Bush pouvait gagner contre Kerry]. Benjamin est d’accord avec Hayden sur le fait que la stratégie Anybody But Bush était bénéfique au mouvement: « Je pensais que rejoindre l’effort massif pour battre Bush… était la bonne chose à faire. Si seulement on avait pu le faire plus efficacement… Il y a beaucoup d’espoir, rien que sur le front électoral, où des millions de personnes se sont engagées politiquement. »[7]
Il est vrai qu’il y a eu un effort massif « pour-sortir-les-voix » qui a impliqué un mobilisation majeure de libéraux [une étiquette « de gauche » aux USA] et de militants. Mais une mobilisation pour quoi faire ? Ce « militantisme » était une diversion, plutôt qu’une construction, du mouvement anti-guerre. Comme celui-ci se glissait dans la poche d’un candidat pro-guerre, un vrai message anti-guerre devenait de plus en difficile à discerner dans le débat publique qui entourait l’élection. Le mouvement anti-guerre, plutôt que d’imposer le sujet de la guerre sur la table, permit à Kerry de l’enlever de celle-ci, et donc de limiter le débat politique à « comment mener la guerre » et non sur la question de s’y opposer ou non. De la sorte des milliers de militants qui se sont dépensés sans compter pour Kerry sont désorientés et confus.
La position pro-guerre de Kerry
La campagne de Kerry a renforcé le soutien à la « guerre contre le terrorisme » et a affaibli l’impact des arguments pour un retrait immédiat de l’Irak. En le soutenant, le mouvement anti-guerre a nourri cette dynamique.
Kerry a dit lors du premier débat présidentiel [télévisé]: « J’ai un meilleur plan pour être capable de mener la guerre contre le terrorisme en renforçant notre armée et nos services de renseignement… Je chasserai et tuerai les terroristes où qu’ils soient. » Alors que Bush allait de l’avant pour défendre sa politique étrangère, Kerry répliquait en critiquant la façon dont la guerre en Irak était menée. Il appelait au renforcement de l’occupation et à l’accroissement des ressources dépensées pour mener la dite guerre contre le terrorisme. Durant le premier débat il déclara « Je ne parle pas de quitter [l’Irak]. Je parle de gagner. » Et il cloua le bec à Bush plus tard en disant « Ce que je veux faire est de changer les dynamiques sur le terrain. Et il faut le faire en commençant par ne pas reculer face aux Fallujahs [allusion à la bataille de Fallujah d’avril 2004 où les Américains choisirent de se retirer] et à d’autres lieux et ainsi d’envoyer le mauvais message aux terroristes. » Peu après la défaite de Kerry, Bush mit en pratique le conseil de Kerry, avec des conséquences meurtrières.
Mais Kerry allait plus loin que simplement argumenter qu’il aurait pu mener et gagner la guerre plus efficacement, en sous-entendant souvent que son expérience de combat au Vietnam l’avait formé pour cette tâche [voir là-dessus sous http://www.alencontre.org/USA/BushKerry10_04.htm une brève biographie de Kerry]. Kerry argumentait que la guerre en Irak avait distrait les USA de leur véritable mission – la guerre contre le terrorisme. Son argument était que l’Afghanistan avait été une guerre juste puisqu’Al-Qaeda y avait des cellules, mais que les USA auraient du utiliser les sanctions et une « coalition internationale » menaçant de faire la guerre pour renverser Saddam Hussein, puisqu’il n’était pas directement responsable des attaques du 11 septembre.
Sans parler du fait que les sanctions [de l’ONU] contre l’Irak ont en fait tué plus de civils que la guerre du Golfe de 1991 et la guerre actuelle en Irak pris ensemble, l’argument de Kerry concernant la guerre au terrorisme pose des problèmes fondamentaux pour le mouvement anti-guerre.
A la base de la guerre au terrorisme il y a l’idée que les USA sont victimes de forces fondamentalistes, essentiellement musulmanes, souvent « sans Etat », qui chercheraient à détruire les USA à cause de ses traditions égalitaires et sa forme de gouvernement démocratique. Comme la Stratégie de Sécurité Nationale le développe, « Les Etats-Unis d’Amérique mènent une guerre contre les terroristes à l’échelle planétaire. L’ennemi n’est pas un régime politique déterminé, ni une personne, une religion ou une idéologie. L’ennemi c’est le terrorisme. »[8]
L’incapacité à remettre en cause ce cadre politique met en danger la santé future du mouvement. Dans la mesure où la population US accepte l’idée que les USA aient été attaquées à cause de leurs attributs positifs, le mouvement aura de sérieuses difficultés à expliquer pourquoi les USA ne devraient pas renverser une série de dictatures arriérées ou des pays dont il est « prouvé » qu’ils soutiennent des « terroristes » (comme l’Iran). La guerre contre le terrorisme n’est qu’une excuse bon marché pour justifier toute intervention des Etats-Unis où et quand ils le veulent.
Alors qu’avant le 11 septembre, un semblant d’excuse « humanitaire » était nécessaire (comme de sauver le pauvre Koweït en 1991, les Somaliens affamés en 1993 ou de libérer les Kosovars opprimés en 1999), les USA sont maintenant beaucoup plus libres de viser n’importe quel pays qu’ils accusent de soutenir le terrorisme. La référence explicite ou implicite à l’image obsédante des tours jumelles en flammes est utilisée pour faire taire les critiques. Alors que la démocratie était menacée dans les années 1950 et 1960 par le sceptre de Staline, c’est maintenant Osama bin Laden qui défie les USA partout. La guerre au terrorisme ne justifie pas seulement les bombes et des budgets militaires boursouflés, elle a été utilisée pour permettre quelques-unes des pires restrictions aux libertés civiques depuis que le Maccarthysme de la Guerre Froide sévissait contre la dissidence il y a quelques décennies. La guerre contre le terrorisme est la maison mère de toutes les guerres et provocations que les Etats-Unis vont lancer, c’est la mère de toutes les idéologies, et elle sera la fin de toute opposition si elle n’est pas défiée.
Alors que beaucoup de pontifs d’arrière garde ont voulu voir dans l’élection un référendum pour les « valeurs morales », c’était la guerre contre le terrorisme qui a dominé le débat national. Il a été largement question des 22 pour-cent d’électeurs qui ont dit que les valeurs morales étaient la première préoccupation quant à leur choix, mais beaucoup moins des 78 pour-cent qui ont dit que l’Irak, la guerre contre le terrorisme, et l’économie étaient les principaux facteurs. C’était la question de l’Irak et son impact politique sur la politique étrangère et de sécurité qui a défini la saison électorale de 2004.
Les dégâts faits par la campagne de faucon menée par Kerry ont été renforcés par le fait que le mouvement anti-guerre a pour bonne partie cédé l’espace publique à Kerry en s’inclinant volontairement sur les questions de l’occupation et de la guerre au terrorisme. Le dit candidat anti-guerre pouvait parler de « gagner » en Irak, et le mouvement anti-guerre ne l’interpellait tout simplement pas sérieusement de quelque manière que ce soit. C’était d’autant plus tragique que que tout cela se déroulait alors que les événements en Irak soulevaient d’énormes interrogations autour de l’Irak dans l’esprit des Américains.
Ainsi, l’argument dans la prise de position post-électorale de la UFPJ ne peut pas être concluant sur toute la ligne. Si un vote pour Bush a mené les gens dans le monde entier à « voir les Américains comme complices des guerres de leur gouvernement », alors le vote pour le faucon Kerry n’aurait pas exprimé un message différent. L’argument est mal posé parce que les Américains n’ont pas le droit de vote sur le fait de faire la guerre ou non – seulement de choisir le candidat qui les mènera.
Au lieu d’utiliser l’opportunité pour gagner du terrain politique et de toucher plus de personnes, et de faire glisser le débat sur la guerre à gauche, le mouvement anti-guerre l’a fait reculer. Kerry n’a rien dit à propos d’Abu Ghraib à Bush, et la Gauche n’a rien dit à Kerry. En soutenant Kerry, le mouvement anti-guerre s’est retrouvé désarmé à tous les niveaux – il ne s’est pas montré ni dans les rues, ni dans les urnes, ce qui a aidé à déplacer le débat politique à droite. N’ayant pas de tribune pour s’exprimer, c’est le candidat pro-guerre qui a remplacé le mouvement comme position « libérale » sur la guerre. Et donc quand la ville de Fallujah s’est retrouvée massacrée seulement quelques jours après les élections, le mouvement a eu beaucoup de peine à réagir.
La bataille pour l’opinion publique
Dans les mois précédant l’invasion de l’Irak, le mouvement anti-guerre a influencé, et s’est construit à partir de, un malaise assez répandu concernant la guerre. Des sondages montraient que 49 pour-cent de la population US s’opposaient à la guerre contre 47 pour-cent qui la soutenaient. Parmi les Afro-américains, l’opposition atteignait 71 pour-cent. Lorsqu’on demandait l’avis en cas de guerre sans « large soutien international ou de l’ONU », l’opposition montait à 59 pour-cent. L’opposition était à 60 pour-cent si la guerre provoquait des « centaines de morts civils Irakiens. » [9]
Une fois les bombes larguées et dans la période immédiatement après une « victoire » qui semblait certaine, les crises dues aux tentatives d’occuper l’Irak ont relancé les interrogations sur la guerre. L’impossibilité de trouver des armes de destruction massive, les preuves des mensonges des gouvernements pour gagner le soutien à la guerre, la croissance de la résistance irakienne ainsi que la brutalité visible contre celle-ci, et la torture à Abu Ghraib ensemble faisaient que de juin à décembre 2004 (avec une chute en septembre juste après la Convention Nationale Républicaine) entre 45 et 55 pour-cent de la population pensaient que ç’avait été une erreur de partir en guerre contre en Irak.
Si l’on ajoute les révélations concernant les faux documents et les fausses preuves d’armes de destruction massive, alors l’impact sur les consciences devenait clair. Une majorité consistante depuis avril 2004 croyait que le gouvernement trompait la population au sujet des armes de destruction massive et du lien entre l’Irak et Al-Qaeda. [10] Mais il ne suffit pas de simplement dénoncer les mensonges, parce que pour parer aux critiques concernant les raisons factuelles pour la guerre en Irak, l’équipe Bush a cherché à convaincre l’opinion publique en changeant les justifications pour la guerre. L’administration ne parlait plus des armes de destruction massive, mais de l’effort pour libérer le peuple irakien, amener la démocratie en Irak, et de la nécessité de rester en Irak pour « stabiliser » la situation.
Alors même que le nombre de morts civils et de militaires US s’accroissait sans discontinuer, et que de plus en plus de personnes comprenaient qu’on leur avait menti, le soutien aux revendications centrales de l’après-invasion reculait. Un sondage Harris posait la question « Pensez-vous qu’il faut garder un grand nombre de soldats en Irak jusqu’à ce qu’il y ait un gouvernement stable OU faut-il ramener l’essentiel de nos troupes dans l’année qui vient ? ». En juin 2004, 56 pour-cent voulaient ramener les troupes. En novembre 2004, ce nombre avait reculé à 47 pour-cent.[11] Personne ne peut dire avec certitude quel aurait été ce chiffre si le mouvement était resté sur la place publique au lieu de s’insérer dans une campagne qui prônait violemment le maintien des troupes en Irak, mais il est sûr que son absence fut ressentie dans le domaine de l’opinion publique.
Quelle que soit l’importance des manipulations de l’administration Bush, les critiques pratiquement non-existantes de Kerry sur des enjeux comme le scandale d’Abu Ghraib donnait à l’administration Bush l’espace pour manœuvrer. Ceci explique pourquoi aucune tête n’est tombée après Abu Ghraib, à l’exception de celles de quelques soldats peu ou pas gradés. Les crises couvaient, explosaient puis se dissolvaient sans apparemment coûter quoi que ce soit à l’administration Bush, parce que les Démocrates lui laissaient l’espace pour se tortiller et la Gauche en laissait encore plus à Kerry.
Beaucoup ont argumenté durant la course électorale que nous n’avions pas à opposer le vote pour Kerry et la construction du mouvement, nous pourrions faire les deux – mieux, que l’élection pourrait aider à mobiliser le mouvement. Mais la réalité, comme tellement souvent par le passé dans l’histoire des mouvements sociaux et du Parti Démocrate, était qu’il s’agissait d’un choix: soit tu fais la campagne pour un candidat des transnationales, néolibéral et pro-guerre, auquel cas tu dois taire ton message anti-transnationales, anti-néolibéral, anti-guerre – soit tu continues à te battre. La plupart à Gauche prirent la première option, avec le résultat que nous partons d’une position plus faible politiquement que celle où nous étions à l’ouverture de la campagne présidentielle.
Comment reconstruire
Comment le mouvement anti-guerre peut-il se reconstruire ? La stratégie du « moins-pire », ou de soutien aux Démocrates, n’est qu’un des défis auxquels nous faisons face, et il recule en urgence maintenant que nous sommes obligés de faire face à quatre années supplémentaires de Bush. Ce serait confortable de ne dénoncer que toutes les faiblesses de l’appréciation par le mouvement de l’élection de 2004, mais nous avons des obstacles plus importants à affronter en nous regroupant pour réfléchir où nous voulons aller maintenant. L’une des raisons majeures de l’enthousiasme suscitée par la stratégie d’Anybody But Bush, pas seulement chez la direction du mouvement anti-guerre, mais aussi chez la grande majorité des « libéraux » et des progressistes, était une question à laquelle il n’y a jamais eu de réponse pleinement satisfaisante après la journée mondiale de protestations du 15 février 2003. Il y eut ceux qui argumentaient que si le monde manifestait, les dirigeants écouteraient. Des millions ont manifesté le 15 février, dont plus d’un demi million dans la seule ville de New York – mais la guerre eut lieu de toute façon. La question surplombe le mouvement – est-ce que les protestations portent des fruits ? Et si elles portent des fruits, lesquels et comment devons-nous les organiser pour changer ce qui se passe en Irak, et dans d’autres régions prises dans les serres de l’aigle [animal symbole des USA] ?
La vérité c’est qu’une manifestation de masse n’est pas suffisante pour arrêter une guerre. La résistance irakienne, dont l’impact sur les USA a été autrement plus forte qu’une manifestation de masse n’a pas encore été suffisante pour forcer les USA à partir. Il leur a fallu des années pour finalement admettre la défaite et se retirer du Vietnam – un pays moins important stratégiquement que ne l’est l’Irak aujourd’hui. Ils étaient obligés de le faire de par la combinaison d’un mouvement de masse au pays, un mouvement de libération nationale unifié au Vietnam et la désintégration de l’armée US comme force combattante efficace. Le mouvement anti-guerre devra digérer cette leçon pour avancer de bon pied.
La résistance irakienne
L’autre débat concerne la nature de la résistance irakienne et comment le mouvement doit réagir à son propos, et s’y rapporter. Il est plus facile pour la plupart des gens de s’opposer à l’invasion d’un pays que de s’opposer à son occupation une fois celle-ci commencée. Mais pour accroître le soutien au retour des troupes à la maison, il est important d’avoir une réponse concernant la situation sur place lors du retrait des troupes US, en particulier pour les gens qui se préoccupent sincèrement du sort des gens en Irak et qui croient que les USA ont une responsabilité de ne pas simplement détruire le pays puis partir. Au sein du mouvement une réponse a été d’appeler à une occupation sous l’autorité de l’ONU, mais le bilan de l’ONU en Somalie, en Bosnie et au Rwanda ne garantit en aucune matière qu’une occupation sous autorité internationale soit moins brutale que sous autorité US.
La question qui est posée le plus immédiatement est l’idée que si les USA se retiraient sur-le-champ, le pays pourrait « tomber aux mains de fondamentalistes musulmans réactionnaires ». Une vraie discussion sur l’état actuel de la résistance irakienne va bien au-delà de cet article, mais il est indéniable que le portrait dressé par l’administration Bush d’une résistance composée que de partisans « étrangers » (à la différence des soldats US qui leur tirent dessus) d’Osama bin Laden ou de loyalistes de Saddam Hussein est largement erroné. L’idée que des agents d’Al-Qaeda ou des ex-Baathistes tiendraient en otage une population qui serait par ailleurs pro-US est démentie par la profondeur et l’étendue de la résistance – à la fois numériquement et géographiquement. La plupart des journalistes indépendants qui ont été en Irak rapportent que la résistance est extrêmement hétérogène, constituée d’éléments tribaux, séculiers, nationalistes et fondamentalistes.
Mais dans leur hâte de se distancier de la résistance irakienne, certains dans le mouvement anti-guerre courent le danger d’oublier une leçon historique élémentaire: l’occupation nourrit une résistance légitime. Comme l’explique l’écrivaine Arundhati Roy:
« Une invasion illégale. Une occupation brutale au nom de la libération. La réécriture de lois qui permettent l’appropriation éhontée des richesses et des ressources du pays par des transnationales alliées à l’occupation et maintenant la mascarade d’un « gouvernement irakien » local. Pour ces raisons il est absurde de condamner la résistance à l’occupation US de l’Irak, comme n’étant que pilotée par des terroristes ou des insurgés ou des partisans de Saddam Hussein. Après tout, si les USA étaient envahis et occupés, est-ce que toute personne qui se battrait pour les libérer serait un terroriste ou un insurgé ou un Bushiste ? La résistance irakienne se bat sur la ligne de front dans la bataille contre l’Empire. C’est pourquoi leur bataille est notre bataille.
Comme beaucoup de mouvements de résistance, il comprend un éventail disparate de factions variées. Des anciens Baathistes, des libéraux, Islamistes, collaborateurs dégoûtés, communistes, etc. Bien sûr il est parcouru d’opportunisme, de rivalités locales, de démagogie, de criminalité. Mais si nous n’allons soutenir que des mouvements blancs comme neige, alors aucune résistance ne sera digne de notre pureté. Ce n’est pas pour dire que nous ne devrions jamais critiquer les mouvements de résistance. Beaucoup d’entre eux souffrent de manques de démocratie, de l’idolâtrie de leurs « chefs », de manque de transparence, de vision et de direction. Mais avant tout ils souffrent des diffamations, de la répression, du manque de ressources. Avant de prescrire comment une résistance irréprochable devra mener sa lutte séculière, féministe, démocratique et non-violente, nous devons renforcer notre côté de la résistance en forçant les USA et ses alliés à se retirer d’Irak. » [12]
La première responsabilité du mouvement anti-guerre est d’en finir avec l’occupation afin que la population d’Irak ait les mêmes droits que n’importe quelle population devrait avoir pour déterminer ce que leurs vies, leur société et leur gouvernement devraient être, libre de bombes, de balles et de dictats américains. Ce n’est peut-être pas toujours l’argument le plus facile à défendre, surtout aux USA, où la tradition de soutien au « droit à l’autodétermination » a été tellement affaiblie que la phrase elle-même semble ésotérique.
Mais quelle que soit la teneur politique de la résistance irakienne, ou notre compréhension de celle-ci, c’est actuellement cette résistance qui se dresse entre l’Irak et ceux qui veulent le conquérir. « C’est la résistance irakienne qui va déterminer le futur du pays » écrit l’auteur et militant Tariq Ali.
« Ce sont leurs actions, qui visent à la fois les soldats étrangers et les mercenaires des transnationales, qui ont rendu l’occupation intenable. C’est leur présence qui a empêché l’Irak d’être relégué dans les pages intérieures des journaux et oublié par la télé. C’est le courage des pauvres de Bagdad, Basra et Fallujah qui a démasqué les dirigeants politiques de l’Occident qui ont soutenu cette entreprise. » [13]
La direction que prendra la résistance sera déterminée par le peuple d’Irak.
Le racisme
Comme durant les guerres du siècle passé, la guerre en Irak et la guerre contre le terrorisme en général ont apporté avec eux un courant de racisme virulent. L’éruption de racisme anti-arabe et anti-musulman s’est poursuivi sans relâche depuis le 11 septembre. Beaucoup d’Arabes américains, de musulmans et d’immigrés du Moyen-Orient vivent avec un sentiment qui va du malaise à la peur ouverte. La chasse aux sorcières a conduit à des milliers de déportations, un degré inconnu de discriminations au quotidien pour se loger ou s’embaucher, des agressions physiques, et le démantèlement total des droits et de la dignité élémentaires de centaines de prisonniers (qui ne sont accusés d’aucun crime précis) à Guantanamo, mais aussi dans des proportions cachées sur des bases militaires qui vont de l’Afghanistan à l’Irak. Si nous ne reconnaissons pas cette réalité pour l’intégrer comme campagne consciente dans nos actions, la diabolisation d’« être arabe » et la criminalisation d’« être musulman » ne vont pas seulement détruire une génération, mais vont continuer à légitimer, de la manière la plus insidieuse, la guerre contre le terrorisme. De plus, elles vont créer un climat dans lequel l’accroissement d’attaques contre des minorités et d’autres immigrés sera acceptable.
Les soldats
Pour finir, quelques-unes des fissures les plus prometteuses dans les efforts de l’administration Bush de poursuivre l’occupation sont dues à ceux qui tiennent ses fusils. Du refus de la 343e Compagnie de la Réserve d’obéir à un ordre qu’ils estimaient être une « mission suicide » aux procès qui s’attaquent à la politique de « retenue de désengagement » qui empêchent les soldats dont le contrat d’engagement arrive à échéance de quitter l’armée, il y a des bruits de dissidence au sein des forces armées US. Pas tous les soldats engagés dans ces actions ne se considèrent contre la guerre, mais commencer à remettre en question la compétence et l’équité des commandants militaires peut mener à un processus de remise en cause de la politique d’ensemble du gouvernement et de ses buts de guerre. Les rangs de familles militaires et de vétérans récents ou plus anciens qui s’opposent publiquement à la guerre s’accroissent aussi. Des groupes comme « Military Families Speak Out », « Iraq Veterans Against the War », et d’autres font des progrès importants et construisent des liens cruciaux qui peuvent commencer à menacer la capacité de l’armée US à fonctionner efficacement.
Ce n’est évidemment pas utile d’essayer de prescrire une liste de règles et de politiques à un mouvement vivant, qui respire de lui-même et hétérogène. Mais comme pour les générations précédentes, ces questions parmi d’autres sont celles auxquelles nous sommes confronté·e·s aux USA.
La tâche devant nous est imposante, mais pas plus que celle qui était devant le mouvement contre la guerre au Vietnam dans les années 1960. Aux côtés de la résistance de la population vietnamienne et des actions des soldats US au Vietnam, ce mouvement non seulement força les USA à se retirer du Vietnam, mais il empêcha un nombre inconnu d’invasions dans les années qui suivirent. Nous reconstruisons cette tradition, dans les écoles, les quartiers, et au sein des forces armées. Imposant mais possible, les gens ordinaires aux USA et nos frères et sœurs au Moyen-Orient ont le pouvoir non seulement de forcer les USA hors de l’Irak, mais de défier la capacité du gouvernement US à utiliser son armée ailleurs, et de la sorte de se battre pour un monde dans lequel les gens pourront vivre libres des tragédies de la guerre et de l’occupation.
* Membre de l’International Socialist Organisation et de la Antiwar Coalition à New York.
[1] "The War in Iraq: Civilian Casualties, Political Responsibilities", Lancet, 29.10.04, disponible sous www.thelancet.com [voir aussi la réponse de l’éditeur du Lancet aux critiques de cette étude sous http://www.occupationwatch.org/article.php?id=7633] Voir aussi un compte rendu de cette étude sous http://www.alencontre.org/Irak-USA/IrakLancet11_04.htm
[2] Phyllis Bennis, "Post-election Disasters Rage Across Washington and the Middle East", Institue for Policy Studies, 18.11.04, mis en circulation par United for Peace and Justice le 22.11.04 comme “Talking Points #25”, disponible sous www.ips-dc.org/comment/Bennis/tp25postelec.htm.
[3]Voir beaucoup de résultats de sondages sous Polling.com: www.pollingreport.com/iraq.htm.
[4] Figure largement respectée dans le mouvement « pour la justice globale » [ou « altermondialiste » en français], Klein semblait signaler au début un rejet de la logique du « Anybody But Bush ». Elle concluait sa colonne dans l’édition du 13 septembre du Nation, intitulée « Amenons Najaf à New York » avec ce propos: « Il n’y a aucune chance pour que l’agenda guerrier de Bush soit rejeté le jour de l’élection présidentielle, parce que John Kerry promet de continuer, et même de renforcer, l’occupation militaire de l’Irak. » Mais seulement quelques jours plus tard, Klein défendit la stratégie Anybody But Bush à un forum suivi par des centaines de personnes intitulé « Pouvons-nous faire mieux que Anybody But Bush ? » Elle disait qu’il fallait voter Kerry parce que « Le message émis si le peuple américain allait de l’avant et réélisait ce type après les bombardements de l’Afghanistan et de l’Irak serait tellement incroyablement complaisant, d’une incroyable indifférence à la colère qui a été exprimée dans chaque ville du monde. »
[5] Naomi Klein, « Bring Najaf back to New York », Nation, September 13, 2004.
[6] Tom Hayden, « How to end the Iraq War », Alternet, 23.11.04, sous www.alternet.org/story/20571/
[7] Cité dans Elizabeth DiNovella, « Medea Benjamin Interview », Progressive, December 2004. Benjamin a fait une suite à cette interview par un essai dans l’édition du 20 décembre 2004 du Nation avec ce qui semble être un tournant. Elle écrit « Beaucoup d’entre nous au sein du Parti Vert avons fait un compromis énorme en faisant la campagne dans les « Etats indécis » pour un porte-étendard aussi misérable pour le mouvement progressiste que l’était John Kerry. Bon, on a eu notre dose. Comme le dit George Bush « Trompe-moi une fois, honte à toi. Trompe-moi – tu ne peux pas me tromper une deuxième fois. » Pour ceux d’entre vous qui veulent continuer à patauger dans les eaux boueuses du Parti Démocrate, allez-y. Je prévois de travailler avec les Verts pour faire élire plus de candidats Verts au niveau local. » Cela ne va pas assez loin pour répondre à l’effondrement du Parti Vert dans le camp du Parti Démocrate en 2004. Les élections locales sont importantes et peuvent jouer un rôle crucial dans le renforcement de la Gauche, mais le défi du « moins-pire » [lesser-evilism] va réapparaître dans toute élection perçue comme « cruciale » et où un troisième parti significatif pourrait jouer le rôle de troublion contre une victoire du Parti Démocrate. Benjamin semble dire qu’elle ne va pas focaliser ses efforts sur des tentatives de « réformer »le Parti Démocrate, mais la question de ce que les Verts feront dans de futures élections nationales reste sans réponse. Si ce doit vraiment devenir un 3e parti, il lui faudra résoudre cette question.
[8] The national Security Strategy of the United States of America, chapitre 3, « Strengthen Alliances to Defeat Global Terrorism and Work to Prevent Attacks Agains Us and Our Friends », 17.11.02, disponible sous www.whitehouse.gov/nsc/nss.html.
[9] Zogby International Poll, 27.1.03, disponible sous www.zogby.com/news/ReadNews.dbm?ID=675
[10] Voir beaucoup de résultats de sondages de PollingReport.com, disponible sous www.pollingreport.com/iraq.htm
[11] Les résultats des sondages Harris sont disponibles sour www.pollingreport.com/iraq.htm
[12] Arundhati Roy, "Tide ? Or Ivory Snow ? Public Power in the Age of Empire", conférence donnée à San Francisco, Californie, le 16.8.04, disponible sous www.zmag.org/content/showarticle.cfm?□SectionID=40&ItemID=6087
[13] Tariq Ali, " This is Not Sovereignty ", Znet, 3.7.04, disponible (si membre) sous www.zmag.org/sustainers/content/□2004-07/03ali.cfm
Internationalist Socialist Review n°39, janvier-février 2005. Disponible en anglais sous http://www.isreview.org/issues/39/antiwar_movement.shtml
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