ISS-Aviation
Une grève pour aujourd’hui et demain
Mouvement pour le socialisme-MPS
La portée de la grève des travailleuses et travailleurs d’ISS-Aviation Genève est largement déterminée par le lieu où elle se développe: l’Aéroport international de Genève (AIG). C’est un établissement public autonome. Son Conseil d’administration (CA) est présidé par le conseiller d’Etat radical «à la solidarité et à l’emploi» (sic !): François Longchamp. Deux vice-présidents le flanquent : l’avocate et «socialiste» Lorella Bertani et le banquier et libéral Pierre Mirabaud. Un emblème de l’unité de classe cantonale… pour le «développement de Genève» !
L’AIG: diviser les salarié·e·s
Un seul coup d’œil sur le CA de l’AIG donne une idée de l’enjeu social et politique de toute grève dans cet aéroport. Le CA est composé de 18 membres. Un membre par parti nommé par le Grand Conseil ; cinq nommés par le Conseil d’Etat ; cinq autres pour les communes riveraines (Suisse romande et France voisine) ; deux pour les compagnies aériennes. Et, enfin, cerise sur le gâteau: trois membres élus par le personnel, mais seul celles et ceux travaillant depuis plus de deux ans et étant au moins à mi-temps peuvent participer à cette élection assez bidon.
Le directeur de l’AIG est Robert Deillon. Il préside Swiss International Airports Association (SIAA): Association des aéroports suisses. Selon le rapport annuel de l’AIG, il compte 8500 postes de travail. Ils sont répartis entre 150 entreprises.
Toute grève, même d’un seul secteur, pourrait faire tache d’huile. Dès lors, la direction de l’AIG comme les dirigeants des entreprises cherchent à diviser les salarié·e·s et à les opposer les uns aux autres.
L’AIG: un avenir turbulent
Le chiffre d’affaires de l’AIG approchait, en 2009, les 300 millions de francs. Le bénéfice net était de 40 millions.
La politique de développement de l’AIG a connu, en 2009, un changement significatif. Deux nouvelles lignes intercontinentales ont été ouvertes par Air Canada et United Airlines en direction de Washington et de Toronto.
Qu’est-ce que cela signifie ? Continental Airlines, contrôlée par United Airlines, a déjà une ligne vers Newark, le deuxième aéroport de la région new-yorkaise. Swiss, contrôlée par l’allemand Lufthansa, exploite une ligne vers New York.
Autrement dit, comme le disaient F. Longchamp et le directeur de l’AIG: Genève devient: «une porte d’entrée nord-américaine vers l’Europe» (Feuille d’Avis officiel, 6 juillet 2009).
C’est dans cette perspective que de gros investissements ont été faits: agrandissement des halles pour les voyageurs et pour l’enregistrement: 240 millions. Extension de quelque 40 % des surfaces commerciales. D’ici 2013-2015, un demi-milliard d’investissements est prévu. A cela s’ajoutent les investissements d’entreprises privées pour un nouvel hangar consacré à l’aviation privée, aux VIP qui méritent «toutes les attentions et précautions de traitements».
Un gros point d’interrogation se profile. Easyjet – dont le dysfonctionnement à fait la une de la presse durant l’été 2010 – va-t-elle maintenir son rôle dans l’AIG ? Easyjet représente 35 % du trafic de l’aéroport. Lufthansa et Swiss: 19 % ; AirFrance et KLM: 10 % ; British Airways et Iberia: 9 %.
Face au poids grandissant de géants mondiaux, réunis dans Star Alliance (30 % du marché mondial des transports aériens), une redistribution des cartes est à l’ordre du jour. Star Alliance regroupe 28 compagnies, articulées autour de deux piliers: Lufthansa et United Airlines.
Lufthansa, rachetant Swiss, a mis la main sur l’aéroport de Zurich: Unique. Ainsi, a été organisé un aéroport reposant sur deux pieds. Celui Frankfurt et celui de Zurich. L’AIG va se trouver dans cette zone d’attraction et de turbulences. Ses patrons devront gérer de nouveaux coûts et prestations. De ce fait, «pas de cadeaux» aux salarié·e·s.
Le Conseil d’Etat au chevet des profits de l’AIG, de l’ISS et de leurs compères
Dès lors, la direction de l’AIG veut pouvoir manœuvrer sans être «gênée» par les salarié·e·s. Ainsi, le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève a déposé devant le Grand Conseil, en juin 2010, un Projet de loi sur l’organisation des institutions publiques. En bref, ce projet donne plus d’autonomie à la direction de l’AIG. Le Conseil d’Etat pourra nommer 3/4 des membres du CA. Le personnel n’aura plus qu’un «représentant». Les salaires des dirigeants de l’AIG seront déplafonnés. Le personnel dit subalterne sortira de l’échelle salariale de l’Etat. Une privatisation plus complète de l’AIG se profile avec clarté. L’AIG va ressembler, du point de vue statutaire, à l’aéroport de Zurich. Ce dernier a eu le culot de demander au Conseil d’Etat zurichois d’être dédommagée pour les pertes subies suite aux poussières du volcan islandais Eyjafjöll (printemps 2010) !
Ces plans d’avenir pour l’AIG expliquent que l’exécutif de la République et canton de Genève, droite et gauche confondues, veulent laisser pourrir la situation, isoler les grévistes d’ISS-Aviation, leur infliger une défaite. L’exécutif collégial ne veut pas d’un second mouvement comme celui de Swissport. Surtout avant une restructuration importante de l’AIG.
Les entreprises ayant des contrats et des mandats dans le cadre de l’AIG ne veulent pas voir leurs marges de profit rognées. L’intransigeance de la direction d’ISS-Aviation Suisse est le résultat d’une volonté d’accroître ses profits, de refuser toute concession qui pourrait se répercuter à Zurich et vers d’autres entreprises «actives» dans l’AIG.
Un OSCAR pour ISS-Suisse
Le 25 août 2010, le groupe international ISS publiait son rapport financier portant sur le semestre 2010. Le groupe ISS, basé au Danemark, exploite plus de 500'000 travailleuses et travailleurs dans le nettoyage, la restauration (catering), la surveillance et l’entretien d’immeubles et d’entreprises. Ce géant annonçait que son profit opérationnel avait passé, pour l’Europe, de 4,6 % (1er semestre 2009) à 5,3 % (1er semestre 2010), soit une augmentation de quelque 15 %. Pour rappel, le profit opérationnel représente le résultat du processus d’exploitation et d’investissement d’un exercice comptable. C’est un très bon indicateur de l’accroissement de la richesse produite par les salarié·e·s.
Cette progression de 15 % est directement liée à: la pression sur les salaires ; l’augmentation de la charge de travail durant la même durée ; la vente de secteurs moins rentables et l’acquisition de secteurs plus rentables (par exemple, le nettoyage spécialisé d’hôpitaux).
ISS-Suisse a reçu, les 26 et 27 février 2010, à Prague, le grand prix de la firme transnationale ISS: l’ISS World Champion Award 2008-2009. C’est une sorte d’Oscar, de Lion d’or, de Léopard ou de César de l’exploitation. Le patron d’ISS Suisse, André Nauer, a reçu cette médaille des mains du directeur d’ISS World, Jorgen Lindejaard.
Pour quelle raison ? Par sa politique d’exploitation de la main-d’œuvre, il a augmenté au maximum les profits de cette filiale. En effet, ISS-Suisse a dégagé un profit opérationnel de 8,5 % en 2009 par rapport à 7,8 % en 2008, donc une progression de quelque 14 % ! La société ISS-Suisse était en tête par rapport à 53 autres sociétés nationales. Les patrons d’ISS-Suisse tiraient le maximum de richesses pour la canaliser vers des banques et des fonds d’investissement contrôlant le capital d’ISS World.
Plus de travail en moins de temps
ISS est organisée sur la base de filiales nationales, avec des secteurs: aviation, santé, nettoyage, etc. ISS a un contrat avec Nestlé pour le nettoyage et l’entretien de bâtiments, pour les avions avec Swiss, ainsi qu’avec divers hôpitaux.
ISS-Aviation a «raccourci en permanence le temps du nettoyage» d’un avion (Sw-ISS News, printemps 2010). Sa directrice, Barbara Zweifel, y déclare: «Nos équipes de 6 ne disposent que de dix minutes pour le nettoyage d’un avion court-courrier et de soixante minutes pour un long courrier.»
Autrement dit, les salarié·e·s doivent travailler toujours plus vite, «assurer la qualité» et se voir couper leurs salaires, comme ce fut le cas en juillet. En effet, ISS-Aviation veut dégager plus de profits. Elle veut obtenir des contrats avec de nouvelles compagnies aériennes en baissant les prix face à ses concurrents.
Les traits forts de l’exploitation capitaliste ressortent bien ici. Comme ceux du «dumping salarial», dont la législation européenne affirme, officiellement, qu’il concerne le niveau des salaires, les cotisations sociales et la durée du travail. L’UE précise que cela s’est accru depuis «l’ouverture des marchés et la mobilité de la main-d’œuvre» qui est mise en concurrence, comme résultat direct de la concurrence entre firmes agissant dans divers pays et «offrant leurs services» à l’échelle européenne.
Coup de balai et solidarité active
La conclusion est claire et nette: les grévistes de l’ISS doivent être massivement soutenus, y compris matériellement. Leur grève est un véritable grain de sable contre une politique généralisée de «dumping social et salarial». Elle s’annonce de plus en plus rude pour la très large majorité des salarié·e·s des entreprises de l’AIG.
Il faut être aveugle pour ne pas saisir l’enjeu général de la grève des travailleurs d’ISS-Aviation. Leur lutte concerne directement les conditions présentes et futures de travail et de salaires de milliers de salarié·e·s de toute la région.
Espérons que le vice-président de la «Maison romande de la propreté» (siège à Crissier Vaud) – Jacques Robert d’UNIA – le comprenne, comme ses collègues de SYNA, Chantal Hayoz et Thierry Lambelet, ainsi qu’Aldo Ferrari d’UNIA. Une Maison dont le président est Patrice Richard, membre de la Fédération romande des entrepreneurs en nettoyage !
Les forces syndicales qui co-président la «Maison romande de la propreté» se doivent de donner un coup de balai pour rejeter les choix et la politique d’ISS-Aviation, de l’AIG et du Conseil d’Etat. Les grévistes montrent la voie, ils leur doivent un appui actif.
Version pdf de ce tract
(2 septembre 2010)
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