Grève chez ISS-aviation
«T’es là pour travailler et c’est tout»
Entretien conduit par Hans Oppliger et Nicola Cianferoni
Dans une annonce publicitaire du 23 août 2010, publiée dans les quotidiens édités à Genève, ISS Aviation déclare que la réalité est bien différente des «slogans syndicaux». L’entreprise ne serait pas en grève. Toute allusion à la précarisation et au «dumping salarial» serait infondée, voir mensongère. Néanmoins, la détermination des grévistes n’a pas fléchi depuis le début de leur lutte. Mis à part le dimanche, jour de relâche, elles [1] siègent chaque jour au piquet de grève, situé devant la porte ABT de l’aéroport, où elles distribuent leurs tracts au salarié·e·s qui se rendent au travail. La décision d’entamer une grève n’est jamais facile à prendre. Il faut savoir tenir bon face à l’employeur, aux collègues non-grévistes et aux médias hostiles aux luttes syndicales et les dénigrant, plus ou moins directement, en diffusant «une information» qui obscurcit les ressorts d’une bataille pour la dignité et des droits élémentaires.
Dans chaque expression de résistance sur les lieux de travail, il y a toujours une réalité très concrète, celle de tous les jours, qui en constitue l’origine, la cause. Personne ne vit et ne travaille dans l’abstrait. Au 57e jour de grève, nous nous sommes entretenus avec la moitié des grévistes pour comprendre quelles sont précisément ces conditions de travail et de vie qui les ont amenées à s’engager dans une grève de longue durée. De ces récits, que nous reproduisons ci-dessous sous une forme anonyme, ressort une réalité bien plus proche des «slogans syndicaux» que ne le prétend la direction d’ISS Aviation.
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En quoi consiste votre travail ? Comment nettoyez-vous les avions ?
Il faut dire que nous sommes plusieurs équipes à partager le travail. Il y en a qui s’occupent de la cabine, d’autres de l’aspirateur et des toilettes. En sachant cela, on prépare tout le matériel à l’avance, c’est-à-dire les chiffons, les produits… ensuite on se met devant l’avion, on attend que tout le monde sorte et dès que c’est bon on attaque… sauf quand il y a l’assistance pour récupérer des handicapés ou des enfants. Une fois qu’on commence le nettoyage, on a entre dix minutes et un quart d’heure pour faire l’avion.
C’est pareil pour chaque avion ?
Il faut compter au maximum dix minutes pour un vol de courte distance et une heure de nettoyage pour un vol intercontinental. En effet, sur le long courrier, il y a d’autres tâches que le nettoyage. Il faut déjà mettre toute la cabine en ordre. C’est-à-dire remettre les couvertures sur les sièges, changer les housses des coussins et des appuie-tête, réapprovisionner le papier, les serviettes et le savon dans les toilettes. Tout cela est déjà prédéfini et planifié avant de mettre les pieds dans l’avion.
Donc, vous vous préparez à l’avance et puis c’est la course quand vous entrez dans l’avion.
C’est ça ! C’est vrai que nous sommes très limités au niveau du temps. Chacun doit faire un bout, mais parfois on est deux à faire l’aspirateur. C’est le cas lorsqu’il y a deux couloirs de sièges. Alors tu ne peux pas faire l’aspirateur tout seul. Pour aller le plus vite possible, il faut bien se coordonner et savoir par quoi commencer le nettoyage. Le travail demande de l’autonomie ainsi que la capacité de prendre des décisions et des initiatives pour faire face aux nombreuses situations imprévisibles. Il est clair qu’il faut un certain nombre de mois d’expérience pour bien faire le travail et acquérir ces capacités.
Vous arrive-t-il que le temps à disposition ne soit pas suffisant ?
Quand on peut – ou, plutôt, quand l’avion n’est pas en retard et qu’on ne reçoit pas d’ordres particuliers – nous faisons notre boulot normalement, en prenant le temps qu’il faut. En revanche, le responsable intervient lorsque l’avion est en retard pour nous dire de faire un mini-nettoyage. Alors, on se limite uniquement aux tablettes ou on ne fait pas les poches des sièges. Le mini-cleaning, c’est pour que ça aille plus vite parce qu’ils sont à la bourre. Dans ces cas, nous avons au maximum 5 minutes et il faut speeder encore plus ! Quand on se dépêche on sort de l’avion tout en sueur… Il faut faire le boulot tellement vite qu’on n’a pas le temps pour regarder une montre !
Tu fais le plus vite possible sans réfléchir. Sur notre camion, il y a une feuille sur laquelle on marque les heures d’entrée dans l’avion et de sortie de l’avion. Cela nous permet de savoir combien de temps nous a pris chaque nettoyage. Si les compagnies aériennes se plaignent d’avoir été en retard à cause des nettoyeurs, nous avons ainsi une preuve attestant que nous étions dans l’avion de telle heure à telle heure, et que ce n’est pas le nettoyage qui a causé le retard.
Que se passe-t-il une fois terminé le nettoyage d’un avion ?
Une fois rentrées dans notre véhicule, nous prenons la radio pour contacter la centrale. Celle-ci nous envoie tout de suite sur une autre mission. Sur certains vols, on a quand même un petit temps, un petit répit – pas de repos – mais un temps d’attente entre le moment où on sort d’un avion et nous en rejoignons un autre. En effet, il faut attendre que les passagers débarquent à nouveau de l’avion qui vient d’atterrir. Ça arrive qu’il faille patienter entre 5 et 10 minutes. Néanmoins, le travail est très intensif dès l entrée dans l’avion. Quand on nettoie, on n’a pas le temps de réfléchir, il faut faire le boulot !
Y a-t-il quelqu’un qui contrôle le nettoyage de chaque avion ?
Pas tout le temps, mais généralement oui. En fait, il est plus correct de dire qu’on s’autocontrôle. Nous n’avons pas besoin quelqu’un derrière nous qui dit: «Fais ceci, fais cela !».
Des 15 minutes à disposition, une à deux minutes sont utilisées pour contrôler que l’avion est bien propre?
Plus ou moins oui. Mais à force de bosser, on connaît les endroits où il y a plus ou moins de saleté. Tu as les yeux pour savoir tout de suite où regarder.
Y a-t-il un chef parmi les équipes ?
Il n’y a pas besoin puisque nous sommes toutes des professionnelles. On connaît le boulot et on sait ce qu’il faut faire. Dans le feu de l’action, il se peut qu’on oublie un papier dans une poche ou une tache sur un mur. Ça arrive.
Les équipes sont-elles toujours les mêmes ?
Non, ça tourne, surtout la journée. En revanche, ce sont souvent les mêmes qui font les horaires du soir, donc les équipes sont plus ou moins les mêmes. Nous avons l’habitude de travailler avec tout le monde dans la boîte.
Y a-t-il des employés qui travaillent à plein-temps ?
Ils se content sur les doigts de la main puisque seuls les purificateurs travaillent à 100%. C’est leur fonction qui veut ça. Dans le nettoyage, il y a moins de 10 personnes à plein-temps.
Qui sont les purificateurs ?
Ce sont les gens qui conduisent des camions pour ensuite remplir les cuves d’eau potable des avions et vider les cuves des toilettes. Ils sont également chargés de remettre les produits nettoyants dans les toilettes et de ramasser les poubelles des buffets (repas) qui se trouvent dans les avions.
Des produits toxiques doivent être utilisés, c’est courant dans le nettoyage ?
Ce ne sont certainement pas des «produits naturels !»
Des protections sont-elles prévues ?
Juste les gants et la tenue. Il n’y a rien de plus.
Y a-t-il des hommes qui travaillent chez ISS Aviation ?
Pas beaucoup dans le nettoyage. Il s’agit surtout de jeunes. Ce n’était pas le cas quinze ans en arrière, quand Swissair existait encore. Le nombre de femmes a progressivement augmenté au fil des années, parallèlement aux contrats auxiliaires, surtout à partir du moment où le nettoyage de Swissair a été repris par la société A.S.C.O après la faillite de SAirGroup. Depuis, les salaires ont baissé et un bon nombre de personnes sont parties soit à travailler ailleurs, soit sont à l’AI (assurance invalidité) ou en préretraite.
Ensuite, c’est ISS Aviation qui a repris l’activité du nettoyage. Chez ISS Aviation travaillent au total 130 personnes, y compris les cadres. Il n’y a pas que le nettoyage des avions sur l’aéroport, mais aussi d’autres services tels que le transport de personnes sur le tarmac, le nettoyage des toilettes et le service d’eau potable, la sécurité de la cabine dans certaines compagnies (ce qui consiste à vérifier, après le nettoyage, qu’il n’y ait pas de bombes sous les sièges).
Y a-t-il un renouvellement élevé parmi le personnel d’ISS Aviation ?
Jusqu’à maintenant, il y en avait beaucoup qui faisaient «carrière» en restant longtemps dans la boîte. Des personnes parmi nous ont même 20 ans d’ancienneté ! C’est parce que les conditions financières leur permettaient de vivre convenablement. Ce n’est plus le cas maintenant avec les nouvelles conditions que l’entreprise chercher à instaurer. Les gens ne resteront pas.
Qui ferait ce boulot pour 2500 frs par mois avec 140 heures de travail ? Le turnover sera énorme en dépit de la qualité du nettoyage. Les nouveaux n’auront qu’un jour de formation avant d’être balancés dans nos pattes. Et puis, c’est à nous d’achever leur formation, en leur disant tout ce qu’il faut faire et ne pas oublier dans chaque avion. Nous ne sommes pas payées pour cela. On devra passer derrière eux et on se fera encore engueuler à leur place ! C’est comme pour le personnel auxiliaire «Adecco» qui ne reste que deux mois: il commence à travailler plus ou moins correctement qu’une fois qu’il est sur le point de quitter l’entreprise.
Le nettoyage est toujours un peu différent selon la compagnie. Au tout début, ce n’est pas facile avec toutes ces particularités… ce n’est qu’avec le temps qu’on sait exactement par cœur ce qu’il faut faire dans chaque avion.
De plus, les anciennes ne rentrent pas comme des robots. On est censées faire ceci et cela, mais nous nettoyons aussi ce qui n’est pas prescrit. Le nettoyage de certains éléments n’est pas toujours demandé, mais on le fait quand même ! Nous toutes on se met à la place du client. Déjà que le billet est cher, si en plus l’avion est dégueulasse… ça fout les boules. C’est pourquoi nous cherchons à travailler correctement pour que les clients soient contents et la prestation convenable par rapport au prix du billet qui peut être excessif.
Le personnel auxiliaire est engagé surtout pendant les périodes de charter, c’est-à-dire quand il y a plus d’avions qui circulent. C’est le cas, par exemple, lors des vacances d’hiver. Avant, ils n’étaient engagés que pour quelques mois, tandis que, maintenant, ils ont des contrats pour des durées plus longues. Ils font tous le même travail que nous. Ils apprennent à bosser sur le tas avec nous.
Quels sont vos horaires ?
Irréguliers.
C’est-à-dire ?
L’entreprise tourne 23h par jour, de 5h du matin à 4h du lendemain. Il y a donc toujours quelqu’un d’ISS qui travaille, c’est quasiment du non-stop. Il y a beaucoup de plages horaires qui dépendent du trafic aérien. Le matin, on peut faire de 9h30 à 19h30. Mais durant toute la journée, ça va et ça vient. Il y a beaucoup de plages horaires différentes. L’entreprise sait combien de personnes sont nécessaires de telle heure à telle heure selon les vols prévus à l’aéroport.
Vos plages horaires changent-elles tout le temps ?
Oui, elles ne sont pas régulières. On peut faire un jour de 9h30 à 19h30 puis commencer le lendemain à 5h pour terminer à 13h. Dans les transports c’est différent. Il se peut qu’on travaille de 21h à 6h puis déjà à partir de 18h le même jour. Mais il y en a qui refusent et trouvent un arrangement. On n’est pas des robots non plus…
Est-ce que vous arrivez à concilier l’activité professionnelle avec la vie privée ?
Ce n’est pas le problème de l’entreprise. Elle s’en fiche complètement. T’es là pour travailler et c’est tout. On n’arrive pas à concilier les deux. C’est pourquoi il y a beaucoup de divorcés parmi nous. C’est la même chose dans toutes les entreprises travaillant à l’aéroport. Dans la planification des horaires, il y a tout de même des arrangements qui tiennent compte de la situation familiale et des préférences exprimées par chacun. Mais, globalement, il est impossible de faire une planification à long terme puisqu’on connaît seulement le planning du mois suivant. Il faut toujours demander un accord lorsqu’on veut organiser des vacances dans quatre ou cinq mois.
Comment faites-vous avec les enfants ?
Le week-end c’est toujours pénible parce que nous sommes obligées de travailler trois fins de semaine sur quatre. A chaque fois, c’est compliqué d’organiser la garde des enfants. On sait qu’en travaillant sur une zone aéroportuaire qui tourne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il faut s’attendre à ce genre de «difficultés». Il y a plein d’autres secteurs, comme les hôpitaux ou la police, qui fonctionnent de la même manière ; ce que certaines personnes parmi ces professions nous comprennent bien quand ils-elles discutent avec nous, par exemple lors de manifestations.
La planification des vacances se fait en fin d’année pour l’année d’après. L’entreprise s’efforce de respecter les préférences exprimées par chacun, mais il est impossible de les satisfaire toutes puisqu’il faut toujours des gens qui travaillent. Les personnes avec des enfants n’ont pas le droit de prendre plus de deux semaines de suite, une seule fois dans l’année, pendant les vacances scolaires. D’ailleurs, l’entreprise ne se gène pas d’appeler ceux et celles qui sont en vacances quand il y a un manque de personnel.
Y a-t-il des collègues qui interrompent leurs vacances pour aller au boulot ?
Bien sûr. On travaille à la carte ! C’est une politique de l’aéroport. On connaît d’autres entreprises qui font pareil. Si on refuse de bosser quand l’entreprise le demande, on est mal vu par les supérieurs: ils te font la gueule et te font comprendre que «tu es une branleuse». C’est l’entreprise avant la vie familiale, la vie privée.
Votre travail peut-il porter atteinte à votre santé ?
Tout à fait. Non seulement il est très stressant, mais il comporte l’exposition à la pollution sonore et de l’air. Le bruit des avions est très important. Nous sommes les premières à prendre tout ça. Même si on ne le ressent pas forcément tout de suite, c’est vrai qu’après 10-15 ans on aura peut-être toutes un cancer ou des problèmes d’audition. A certaines d’entre-nous, l’entreprise a donné des boules Quiès (pour les oreilles), mais c’est tout. Mais avec ces dernières on n’entend plus rien et nous ne pouvons pas communiquer à la radio.
En hiver, c’est le produit antigel dispersé sur les avions que nous prenons dans notre gueule, tout autant que la personne chargée de vaporiser ce produit toxique. On doit aussi utiliser un générateur d’électricité démuni de filtre pour les particules. On peut porter un masque si on veut, mais il faut l’amener soi-même.
L’entreprise n’applique pas de mesures spécifiques à la prévention de la santé de ces nuisances. Parfois, il nous arrive d’entrer dans l’avion et de trouver du vomi partout ou des lames de rasoir. Une fois, un collègue s’est fait piquer par une seringue cachée sous un siège ; heureusement que cela n’a eu aucune conséquence. L’expérience nous apprend à faire attention: une seringue ou une lame de rasoir sont souvent peu visibles et peuvent percer facilement nos gants de travail. Il n’y a donc pas à s’étonner si de temps en temps des problèmes pulmonaires ou des gastros «circulent» parmi nous ! De plus, le tarmac est un endroit où on peut attraper des maladies apportées par des passagers ou des piqûres d’insectes.
Comment le travail a-t-il évolué ces dernières années ? Vous demande-t-on de prendre moins de temps pour chaque avion ?
Maintenant, les compagnies aériennes ont l’air plus pressées. C’est dû principalement au fait qu’il y a de plus en plus de vols en retard, ces derniers temps. L’avion n’est rentable que quand il vole et c’est pourquoi il doit rester au sol le moins de temps possible. De plus, le nombre de personnes par équipe a été réduit, ce qui a fait augmenter la charge de travail. La direction affirme le contraire, mais il y a eu des changements dans le travail «le tard», c’est-à-dire entre l’après-midi et le soir. Le nombre d’avions à nettoyer est le même, mais avec deux personnes de moins par équipe.
«Le tard» est une plage horaire où tu morfles ! C’est parce qu’il y a les night stops, les avions qui restent toute la nuit. Une fois qu’ils se sont posés sur le tarmac, ils y restent pour un nettoyage plus approfondi. Ça fait qu’on doit nettoyer un avion après l’autre sans interruption. Là il n’y a pas de temps d’attente. C’est vraiment à la suite, comme à la chaîne ! Tu ne t’arrêtes jamais ! On doit faire les hublots, les parois, les buffets, les galets et en fin de journée l’avion est beaucoup plus sale.
D’autre part, il faut faire aussi les salons VIP à l’intérieur de l’aéroport, ce qui implique une personne de moins par équipe. Ceux qui effectuaient ce boulot auparavant avaient des contrats fixes avant d’être licenciés et réengagés comme auxiliaires chez ISS Aviation. Si ceux-là n’effectuaient que les salons VIP, ils ont été intégrés dans nos équipes, celles qui nettoient les avions. En conséquence, ça tourne maintenant. Ce sont toujours des personnes différentes et détachées de nos équipes qui nettoient les salons VIP.
Comment la condition salariale a-t-elle changé pour vous concrètement ?
Avant les contrats individuels, un auxiliaire était payé 20,85 francs l’heure tandis que maintenant il ne l’est que 20,10 francs. On est vraiment juste, juste ! Sans enfants à charge, nous devons payer au moins 1300 francs pour le loyer, 300 francs pour les impôts, 450 francs pour la caisse maladie, 400 francs pour la voiture, 50 francs pour le téléphone et 50 francs pour l’électricité. En tout, ça fait déjà 2550 francs auxquels il faut encore ajouter la bouffe.
Qu’est-ce qui nous reste quand on gagne 3000 francs nets pour un plein-temps ? Il est facile de comprendre pourquoi il ne faut surtout pas qu’on ait un souci quelconque, comme un problème à la bagnole. Il y a même des collègues qui peuvent être contraintes, sous la pression financière, «d’arrondir» les fins de mois… en voisinant avec la prostitution.
Qu’est-ce qui est changé concrètement lors du passage des CCT aux contrats individuels ?
Chez lSS Aviation travaillent 35 fixes et 100 auxiliaires. Les nouveaux embauchés ne sont que des auxiliaires, à quelques exceptions près. Un contrat d’auxiliaire est normalement à durée indéterminée et prévoit 60 heures par mois, auxquelles s’ajoutent bien évidemment les heures supplémentaires. L’avantage pour l’entreprise consiste à ne pas payer certaines charges sociales, comme le deuxième pilier (caisse de pension). Il y a des collègues qui voudraient un contrat prévoyant plus d’heures, mais l’entreprise n’est pas d’accord.
Les CCT prévoyaient que l’entreprise est tenue de donner un statut fixe au personnel lorsque le nombre d’heures hebdomadaires est supérieur à 20h. La direction a dit clairement qu’elle ne souhaite engager personne avec un contrat fixe, indépendamment des dispositions prévues par les CCT, et qu’il faut aller aux Prud’hommes si on veut obtenir quelque chose. Elle ne l’a pas dit vraiment comme ça mais… une vingtaine de collègues se sont effectivement rendues aux Prud’hommes et les premières ont obtenu un contrat fixe en conciliation. Ensuite, ne voulant pas régulariser tout le monde, l’entreprise a décidé de résilier les CCT. De plus, l’employeur a toujours la possibilité de faire ce qui veut et de nous dire: «Voici ton salaire. C’est à prendre ou à laisser». Et après, tu n’as plus le choix.
Pourquoi vous vous êtes mis en grève ?
Le syndicat (SSP-Aviation) nous a ouvert les yeux en nous expliquant que nous avons des droits. Avec un statut d’auxiliaire, nous gagnons entre 500 à 700 frs en moins par mois. Le syndicat a organisé plusieurs assemblées pour expliquer les enjeux, la situation et les risques que nous courons en engageant une action syndicale. Plus ou moins la moitié du personnel y participait.
En raison de nos horaires décalés, il y avait chaque fois deux à trois assemblées par jour. Le contenu des discussions, les résultats des votes ainsi que les échéances à venir étaient toujours affichés sur le panneau syndical qui se trouve dans les locaux de l’entreprise. De grands efforts avaient été faits pour informer tout le monde. De plus, les chefs enlevaient tout de suite les informations le plus dérangeantes si elles n’étaient pas affichées au «bon endroit». C’est parce que la direction refusait toute ouverture pour des négociations que nous avons décidé de faire grève, une fois que les CCT ont été dénoncées par ISS-Aviation.
Qu’est-ce qui en est des collègues non-grévistes ?
Il y en a qui ont accepté les nouvelles conditions de la boîte tout en cherchant un boulot ailleurs au lieu de se battre comme nous. Cela montre bien qu’en dépit de ce qu’affirme la direction, 80% du personnel n’est pas d’accord avec celle-ci. Si la grève n’obtient rien, les gens se casseront tous.
On ne peut pas vivre avec les salaires que l’entreprise nous propose, peut-être à l’exception des étudiants qui logent encore chez leurs parents et font ce job en complément à leurs études. Les salaires proposés ne suffisent pas pour ceux qui ont des enfants, un crédit pour une baraque, un appartement ou une voiture parce qu’on n’arrive plus à payer la bouffe, l’assurance-maladie, les «machins» et le reste.
1. Nous utilisons le féminin puisque les grévistes sont une grande majorité de femmes
(11 septembre 2010)
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