De la "libre circulation" au vote libéral…
 
 


La gauche genevoise et syndicale poursuit son entreprise d’autodestruction

Ariane Bailat *

Perly, 31 octobre. - C'est à croire que la gauche genevoise et syndicale, à laquelle j'appartiens, a décidé de poursuivre avec beaucoup d'application son entreprise d'autodestruction. Elle y met en tout cas une ferveur qui serait pourtant la bienvenue sur d'autres champs de bataille.

Après la division de l'Alliance de gauche à trois mois des élections (ce que n'osaient imaginer nos ennemis bourgeois, pas même dans leurs rêves les plus fous), après un soutien quasi inconditionnel aux accords bilatéraux (autrement dit, notre bénédiction - de gauche et syndicale - à la surexploitation des travailleurs et travailleuses les plus précaires, véritable cadeau au patronat helvétique encore surpris de n'avoir pas eu à guerroyer sur un tel sujet), voilà que les «femmes en colère» appellent à voter pour Mme Spoerri, candidate libérale au Conseil d'Etat genevois.

Est-ce d'avoir essuyé un échec lors des élections au Grand Conseil qui fait perdre la raison à certaines d'entre nous ou cet appel inepte relève-t-il d'une profonde réflexion politique et féministe? Dans ce cas, j'aimerais qu'on m'explique comment nous allons pouvoir justifier ce soutien, pour le moins contre nature, auprès de toutes les femmes qui se ramassent, quotidiennement et en pleine figure, les conséquences désastreuses de la politique prônée par Mme Spoerri et ses amies libérales, en matière de sécurité sociale, de santé publique, d'éducation, d'emploi, de logement, d'environnement ou encore de mesures familiales.

Sans parler des injustices criantes rencontrées sur les lieux de travail, là où les thèses libérales déploient tous leurs effets et où, faut-il le rappeler, les résultats de la loi sur l'égalité se traduisent avant tout, pour les femmes, par le «droit» au travail de nuit et la prévisible et très prochaine augmentation de l'âge de notre retraite. (...)

Tant que nous ne verrons pas les femmes libérales défiler à nos côtés pour protester contre l'OMC ou pour défendre les services publics, je pense qu'il vaudra mieux, pour certaines femmes (de gauche?), envisager la politique avec leur cerveau plutôt qu'avec leurs ovaires.

Au demeurant, je suis prête à parier que si la seule femme candidate au Conseil d'Etat avait été de gauche, les femmes bourgeoises ne se seraient pas fendues d'un appel de soutien. Car s'il faut reconnaître une qualité à nos adversaires, c'est bien celle de savoir quand et comment défendre leurs intérêts de classe! A ce propos, nous pourrions, exceptionnellement, nous en inspirer, peut-être alors, la gauche serait-elle à nouveau de gauche, suivie et plébiscitée par celles et ceux qu'elle prétend défendre !

* Candidate sur la liste solidaritéS au Grand Conseil; texte publié le 8 novembre 2005 dans la Tribune de Genève.