Fribourg – Dumping salarial
 
 

Rapport de la Commission tripartite fribourgeoise. Le Conseil d'Etat «découvre le phénomène» des faux indépendants et du travail au noir. La commission aimerait «intensifier sa collaboration avec le police», ce qui va certainement puissamment contribuer à ce que les plus exploités de ce pays se tournent vers les organisations syndicales pour se défendre. C'est la conséquence logique d'une orientation qui a renoncé à se battre pour renforcer les droits de tous les salarié·e·s et préféré présenter le vote du 25 septembre sur la «libre circulation» comme une grande victoire pur les salarié·e·s. Mais les faits sont têtus…


La sous-traitance en cascade égale
travail au noir et esclavagisme moderne

CLAUDINE DUBOIS – La Liberté

Mille visites de chantier en cinq ans. Un renfort pour les deux inspecteurs engagés par la Commission tripartite contre le travail au noir serait bienvenu.

Dans le secteur de la construction deux phénomènes inquiètent les représentants de l’Etat, du patronat et des syndicats. Ils ont tiré la sonnette d’alarme lors du bilan de cinq ans d’activité de la Commission tripartite de surveillance du travail au noir, hier à Givsiez.

La commission a dans son collimateur de petites sociétés à durée limitée qui engagent du personnel recruté à la journée par des intermédiaires, en provenance de pays non-membres de l’Union européenne et au mépris des conventions collectives. Ces «brebis galeuses» selon l’expression du directeur de l’Economie Michel Pittet cassent les prix, et dès qu’elles sont contrôlées partent en faillite pour recommencer sous une autre raison sociale. Laissant au passage des ardoises aux assurances sociales et / ou au fisc.

Ces sociétés sont principalement actives dans le secteur de la plâtrerie peinture, mais, aussi dans le carrelage. Elles œuvrent essentiellement pour de grandes entreprises établies. Elles apparaissent depuis peu la maçonnerie, à la solde d'entreprises générales sans personnel de chantier, mais aussi dans le secteur du bois.

Esclavagisme moderne

D'autre part, de plus en plus de travailleurs s’affichent comme indépendants et occupent des travailleurs au noir, en sous-traitance de sociétés établies, et à des prix défiant toute concurrence.

«Nous découvrons ce phénomène», a admis le conseiller d’Etat Michel Pittet, ajoutant «C’est de l'esclavagisme moderne, contre lequel nous devons lutter de toutes nos forces». Le Conseil d’état va aborder ces problèmes avec les parlementaires fédéraux.

La législation est faible pour réprimer ce genre d’abus. La loi sur les assurances sociales n’impose pas la déclaration d’un travailleur avant le décompte de fin d’année. Et celle sur les poursuites et faillites ne réprime pas les valses de raisons sociales. Jacques Vial, membre de Ia commission, signale aussi un vide juridique qui ne permet pas de sanctionner le maître d’ouvrage qui engage des ouvriers au noir.

Le bilan de la commission (400 dénonciations en cinq ans alors que le travail au noir au niveau suisse ferait perdre 10 milliards par an à Ia Confédération) «montre les limites» de ses moyens, signale Jacques Vial. La commission aimerait engager un troisième inspecteur et étendre sa collaboration avec la police. Pour Charles Henri Oberson, secrétaire syndical SYNA, le premier bénéficiaire du contrôle, c’est l’Etat. Environ 200 000 francs ont pu être récupérés grâce au travail des inspecteurs.

Construction en exemple

Le canton veut renforcer le dialogue entre les partenaires syndicaux et patronaux pour trouver des solutions qui «ne soient ni au détriment de l’économie ni au détriment des travailleurs», avise Michel Pittet.

L'avenir de la commission se fera peut-être avec Gastro Fribotirg, qui a déposé une demande d’adhésion à la fin 2005. Mais elle devrait surtout s’adapter aux nouvelles Iégislations fédérale et cantonale. La lutte contre le travail au noir pourrait ne plus être confiée à un organisme actif dans sa branche d’activité.

En outre, la plupart des cantons ne font pas de contrôle (seuls les Romands sont actifs) et la construction fait office de précurseur, les autres secteurs n’étant toujours pas touchés., Selon René Schouwey, si l’on ouvrait les portes des industries qui confient des travaux pénibles et difficiles à leurs employés, des infractions seraient sans doute constatées.


L'ANNÉE LA PLUS DENSE EN 2005

Avec 1247 visites, 2005 a été l’année la plus dense (entre 963 1009 contrôles les années antérieures), indiquent les responsables de la commission présidée par Jean Claude Morisod. Les inspecteurs ont établi 120 rapports concernant le travail au noir et les conditions de travail, et 600 pour le, contrôle de la gestion des déchets de chantier, l’autre mission qui leur est attribuée, relève René Schouwey, secrétaire de la commission.

Dans huit à neuf cas sur dix, les contrevenants n’ont pas respecté les CCT en vigueur et dans un cas sur deux, les charges sociales ne sont pas payées. Selon les statistiques de la commission, les amendes infligées aux employeurs vont de 200 à 4000 francs, les employés étant sanctionnés de 100 à 300 francs. S’ajoutent pour ces derniers des peines avec sursis qui varient de trois à soixante jours, avec un sursis entre deux quatre ans. CDB