Une dernière étape sur un chemin très raide
Entretien avec Gianni Frizzo, mené par Giuseppe Sergi
Après une pause qui a duré plus de deux mois (pendant lesquels se sont tenues les séances de plusieurs groupes de travail), le 3 septembre auraient dû reprendre les rencontres plénières de la table ronde sur l’avenir des Officine (Ateliers CFF Cargo de Bellinzone). Cette reprise s’annonçait difficile, en particulier à cause de l’attitude développée par la direction des CFF au cours de ces derniers mois. En décidant de transférer les Officine au secteur voyageurs, les grandes manœuvres de la direction des CFF s’accélèrent.
Après avoir déclaré que la réunion de la «table ronde» prévue pour le 3 septembre était repoussée, le médiateur Steinegger a cédé aux exigences de la délégation des travailleurs et accepté qu’une séance, prévue pour la mi-septembre, prenne en compte l’ensemble des décisions prises par la direction des CFF et qui auront des répercussions sur la situation des Officine.
L’entretien conduit par Pino Sergi est antérieur à la nouvelle tombée le 2 septembre du recul de Steinegger. Il a été publié dans le bimensuel du MPS-gauche anticapitaliste, Solidarietà, en date du 28 août 2008. (Réd.)
Le prochain 3 septembre recommencent les négociations autour de la table ronde. C’est avec quel esprit que reprend cette négociation après environ deux mois d’interruption ? Peux-tu brièvement nous dire quelle est la situation et quels seront les thèmes en discussion ?
Ces deux mois d’attente étaient plutôt mouvementés. Pour nous, la période estivale a été tout autre que marquée par le relâchement et les vacances. C’est bien pendant ces mois d’été que nous avons dû nous confronter à des problématiques importantes, lesquelles sont liées à l’avenir des Officine de Bellinzone.
En effet, ces mois-ci ont été marqués par une véritable offensive de la part de la direction des CFF (une offensive qui continue et qui ne cesse de s’intensifier) dans le but de concrétiser une stratégie visant le transfert des Officine de la division marchandises (Cargo SA) à la division voyageurs (que nous appelons « P » dans notre jargon).
Tout en n’étant pas opposés par principe à ce passage, pour nous il n’est pas clair du tout. Et il ne fait que nous remettre en face mentalement (mais aussi avec le cœur, dirais-je) d’une des raisons de fond du conflit déclenché, ce printemps, par toutes les travailleuses et tous les travailleurs des Officine.
Comme on s’en souviendra, une des décisions du conseil d’administration des CFF, du 6 mars 2008, était exactement celle du passage immédiat du secteur des locomotives à la division voyageurs. La direction des CFF, respectivement celle du « P », procèdent de manière nébuleuse, avec des informations fragmentaires, sans nous présenter aucune stratégie qui puisse nous montrer, de manière concrète et convaincante (noir sur blanc), quelles sont ses intentions actuelles et futures pour ce qui concerne le secteur des locomotives et des wagons ainsi que toutes les composantes des Officine de Bellinzone.
Pour une question de respect, de transparence, d’honnêteté et de sérieux, je pense que c’est le minimum qu’on puisse attendre de la partie adverse (spécialement après tout ce qui nous est arrivé ce printemps).
Nous ne devons pas oublier, mais bien au contraire le garder toujours présent, qu’au printemps 2007, pour les Officine, il y avait une stratégie claire, codifiée sur un document tout aussi clair (avec le sceau du conseil d’administration et de la direction des CFF ainsi que du Conseil fédéral).
Donc nous demandons que maintenant la même chose soit faite, c’est-à-dire que les CFF présentent, pour les Officine de Bellinzone, une stratégie précise, mise sur un document sans équivoque, qui doit être souscrit par toutes les parties. En résumé, c’est bien ce thème que le comité de grève, en tant que représentant les travailleurs, demande et souhaite comme point principal [à l’ordre du jour], autour duquel discuter à l’occasion de la reprise des travaux de la table ronde le 3 septembre prochain.
Comment décrire la situation à l’intérieur des Officine ? De quelle manière les travailleurs vivent-ils cette situation et l’évolution des négociations autour de la table ronde ?
Tant que ne sera pas définitivement clarifiée la question que je viens d’évoquer ci-dessus, aux Officine on vit un climat compréhensible d’incertitude. Les travailleurs comprennent que l’enjeu est décisif. Le comité, avec les organisations syndicales et les conseillers de la SUPSI [Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana], se dévoue pour informer les travailleurs de façon régulière et détaillée sur ce qui se passe et sur les implications de ces choix. Cela pour donner un avenir concret aux Officine, suite à ce qui a été obtenu après l’indiscutable succès de la grève. Nous sommes bien déterminés à repousser toute tentative de faire rentrer par la fenêtre ce que nous avons rejeté péniblement par la porte avec la lutte démarrée de 7 mars dernier.
Comment évalues-tu les perspectives pour la prochaine période ?
La situation est très difficile, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas conduire notre bataille à bon port. Unis, nous saurons certainement remettre sur la juste voie toute la question liée au futur des Officine. Si nécessaire, nous saurons rappeler sur le champ de bataille les citoyennes et les citoyens de toute la région (Tessin et Grisons italiens), lesquels ont déjà fait comprendre à ceux qui résident au Palais fédéral, par leur détermination, qu’il ne s’agit pas uniquement et simplement d’une question interne à l’entreprise, mais aussi d’un problème important de politique régionale.
Nous sommes convaincus, et je sens que les travailleurs sont prêts et disposés à reprendre la mobilisation, d’avoir raison, parce qu’on se bat non pas uniquement pour défendre des places de travail, mais aussi une expérience industrielle et de travail qui marche et qui a apporté beaucoup au développement économique et social de la région. Il faut toutefois rester constamment sur le qui-vive et être réactifs à chaque événement. Face à nous se trouvent toujours, Perrin [directeur de CFF Cargo] in primis, des personnes qui n’ont pas encore bien digéré la pilule indigeste avalée le 7 mars dernier.
(2 septembre 2008)
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