Etats-Unis

Etats-Unis: Les salarié·e·s des supermarchés californiens dans leur cinquième mois de grève !

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C'est le 11 octobre 2003 que 70000 salarié·e·s des supermarchés de la Californie du Sud se sont mis en grève, avec l'appui de leur syndicat, l'UFCW (Syndicat des travailleurs de l'alimentation et du commerce), ou ont été lock-outés. Le 23 février, ils et elles poursuivaient leur lutte, malgré les énormes sacrifices que cela implique pour eux. Cela fait 136 jours de grève. C'est une des luttes sociales les plus importantes des vingt dernières années aux Etats-Unis. Son résultat, quel qu'il soit, aura un impact majeur sur le mouvement syndical américain et sur la situation des salarié·e·s de pays.

Une grève très dure

Les grévistes des trois chaînes de supermarchés (Safeway, Albertson et Ralphs) paient un prix extrêmement lourd pour défendre leurs droits. Ils n'ont plus de salaire. Depuis le 1er janvier, ils ont perdu leur couverture maladie. Ils ne touchent du syndicat que 25 dollars par jour pour leur participation aux piquets de grève. Un grand nombre d'entre eux ont été obligés de chercher des emplois à temps partiel, simplement pour être en mesure de payer leur loyer et de se nourrir. Des milliers doivent faire appel à l'aide sociale du syndicat, comme cette femme, qui vit avec ses quatre enfants, interviewée début février par le Los Angeles Times: «J'ai dépensé toutes mes économies, 8000 dollars. Je n'ai plus d'argent pour payer le loyer de ce mois».

Résister à la chute dans la précarité

Les grévistes, ainsi que les syndicats et les associations (religieuses, communautaires, etc.) qui les soutiennent, ont en face d'eux des employeurs déterminés à les casser pour leur imposer une détérioration massive et durable de leurs conditions de travail et de leurs conditions de vie. A l'origine de la grève, il y a, rappelons-le, la double décision de ces trois conglomérats de transférer une part essentielle de la couverture maladie sur le dos des salarié·e·s - ce qui aurait pour conséquence que bon nombre ne pourraient plus se l'offrir - et d'introduire une nouvelle grille salariale, fortement abaissée, pour les nouveaux engagés (cf. sur ce site, l'article en date du 21 novembre 2003).

La solidarité de classe des directions de ces trois chaînes de supermarchés pour écraser les salarié·e·s est remarquable. La grève, le 11 octobre dernier, a commencé dans les magasins du groupe Safeway. Albertson et Ralphs y ont immédiatement répondu par le lock-out de leurs salarié·e·s. Avant même la grève, ces trois entreprises avaient conclu un accord qui prévoit une péréquation des revenus entre elles, une sorte de fonds de lutte patronal ! Le patron de Safeway a qualifié cette grève d'«investissement pour le futur» de son groupe.

Il faut avoir en tête que ces trois entreprises ne sont pas des épiciers: ils contrôlent 60 % du marché de l'alimentation de la Californie du Sud (la Californie est un Etat d'une taille comparable celle de la France !). Leurs profits ont augmenté de 91 % depuis 1998. Les revenus de leurs 15 plus hauts cadres sont passés de 15,4 millions de dollars en 1999 à 40,3, millions de dollars en 2002.

Une lutte décisive

La comparaison est de plus en plus fréquente entre les enjeux de cette grève et celle des contrôleurs aériens, en 1981.Ceux-ci et leur syndicat PATCO avaient alors été brisés par l'administration Reagan. Cela avait été le signal de la première offensive néolibérale massive contre les salarié·e·s des Etats-Unis, ayant abouti à une première chute de leurs conditions de vie et à un affaiblissement structurel des organisations syndicales, qui n'en sont pas encore remises.

Aujourd'hui, si les employeurs arrivent à casser cette grève, ce sera le feu vert pour une nouvelle offensive d'ensemble destinée faire plonger des pans entiers du salariat américain dans une précarité encore plus importante.

Selon le Washington Post(20 janvier 2004) l'enjeu pour les syndicats est de «rester significatif dans un des rares secteurs où des travailleurs disposant d'une formation limitée peuvent encore gagner un niveau de vie respectable avec une couverture maladie». Lowell Turner, professeur à l'Ecole de relations sociales de l'Université de Cornell, abonde: «Il s'agit d'une offensive des employeurs contre les syndicats. Ils sont décidés à profiter des avantages que Wal-Mart [le géant de la distribution aux Etats-Unis] impose en terme de salaires et de compléments salariaux [la couverture maladie] à des syndicats fortement affaiblis. Il s'agit d'une grève et d'un lock-out dont l'enjeu est l'extraordinaire inégalité qui s'est développée aux Etats-Unis.»(Washington Post, 20 janvier 2004)

Solidarité urgente

Le 11 février, des négociations ont repris, sous les auspices d'un médiateur fédéral, entre des représentants des trois chaînes de supermarchés et ceux du syndicat. Elles se déroulent dans le secret. Aucune information sur leur avancement ni sur leur substance n'a filtré à cette date (24 février 2004). Cette manière de faire est une tradition d'un certain syndicalisme américain... dont le pilier n'est pas l'auto-activité des salarié·e·s.

La grève continue. Les actions de solidarité - des organisations communautaires (un grand nombre de grévistes sont d'origine latino-américaine), des milieux des Eglises, des syndicats - prennent de l'ampleur aux Etats-Unis. Notre soutien est également nécessaire (cf. www.ufcw.org).

J.-F. Marquis

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