Palestine

Agir contre la «Feuille de route». surmonter le desarroi

Pierre-Yves Salingue

Les derniers développements de la situation politique au Moyen-Orient ont percuté de plein fouet un mouvement de solidarité totalement désemparé devant la soudaine offensive politico-diplomatique.

D'abord incrédule, puis proprement abasourdi, le mouvement peine à retrouver ses marques et se révèle incapable de reprendre l'initiative dans une situation radicalement différente de celle qui prévalait dans le cours des mobilisations anti-guerre.

Une raison essentielle de ce désarroi réside dans le caractère trop superficiel des analyses politiques qui structurent son intervention militante pratique et qui ne le préparaient guère à anticiper les actuelles évolutions.

L'engagement généreux et émotionnel, pour indispensable qu'il soit, touche ici ses limites et il faut maintenant engager un débat sérieux, ne pas hésiter à revenir à la racine des choses et ne pas craindre la remise en cause des «certitudes» qui, pour rassurantes qu'elles  paraissent, ne permettront pas de comprendre et de répondre à la nouvelle situation.

Aujourd'hui la déroute qui menace n'est donc pas, hélas, celle du plan de l'impérialisme, mais celle du mouvement de solidarité qui assiste au naufrage de ses principaux repères.

Il convient d'abord de revenir sur l'appréciation des enjeux de «la feuille de route» tant cette initiative est un révélateur impitoyable des confusions, des malentendus et probablement aussi de désaccords qui doivent être assumés..

Du «cycle infernal de la violence» à la «feuille de route».

Au début ... c'est l'histoire d'un conflit qui défie la raison humaine et qui semble être un perpétuel recommencement.

Elle se décline évidemment en différentes versions. Mais seule nous intéresse ici celle qui domine dans le mouvement de solidarité avec la cause palestinienne.

A l'issue d'une phase d'affrontement, sous la pression de «la communauté internationale», les parties acceptent de renouer le dialogue.

La partie palestinienne se montre conciliante et généreuse, mais la partie israélienne se hâte de stopper  les progrès  de  la nouvelle chance de paix  en organisant une nouvelle provocation qui va justifier un attentat fomenté par les forces  hostiles à la paix  de la partie palestinienne, attentat qui à son tour sera l'alibi d'une nouvelle action israélienne, etc.

Telle est  la «théorie» du «cycle infernal de la violence» dont on peut à volonté varier la responsabilité de l'initiative et l'ordre des séquences sans jamais remettre en cause la fatalité de l'issue finale qui ne constitue d'ailleurs que le point de départ de la phase suivante...

Enfermés dans la logique formelle de cette tragique histoire sans fin, beaucoup ne voient aujourd'hui qu'une issue: que les forces à l'initiative de cette «nouvelle initiative de paix» en imposent le respect, que «le Droit» soit enfin appliqué, que la «feuille de route» soit sauvée !

Pour certains c'est l'ONU qui est seule légitime avec son arsenal de résolutions adoptées, réaffirmées et... oubliées, depuis plus de 50 ans.

Pour d'autres c'est  l'Europe dont  «la légitimité à faire appliquer  la justice» lui imposerait de «prendre toutes ses responsabilités».

Pour d'autres encore ce doit être  le Quartet, puisque c'est  son plan  et  qu'en fin de compte il n'est rien moins que le nouveau cartel des puissants [UE, Etats-Unis, Russie, ONU].

Enfin, pour ceux qui se targuent de réalisme, c'est aux Américains d'agir parce qu'eux seuls peuvent contraindre leur allié israélien et qu'il faut mettre Bush au défi d'appliquer ses engagements.

Quand la diplomatie reprend ses droits... les peuples doivent se soumettre !

La «feuille de route» ne devait pas d'abord être analysée comme un document faible, insuffisant voire inconsistant, mais comme la poursuite, par d'autres moyens adaptés à de nouveaux rapports de forces issus de la guerre américaine contre le peuple irakien et de la guerre israélienne contre le Peuple palestinien, de la politique ouverte par les accords d'Oslo.

Tandis qu'Oslo et sa succession d'accords intérimaires consolidaient l'occupation israélienne en utilisant l'alibi de la perspective différée d'un Etat palestinien indépendant issu du retrait israélien des territoires occupés en 1967, la «feuille de route» entérine et institutionnalise l'occupation  de plus de la moitié de ces territoires et affiche ouvertement la  perspective de bantoustans concédés aux Palestiniens par Israël et placés sous protectorat américain.

L'affirmation de la perspective illusoire de l'Etat indépendant n'est pas pour autant un luxe inutile.

Elle permet aux secteurs palestiniens acquis à la liquidation de la cause nationale qu'ils prétendent défendre de justifier leur collaboration active.

Elle autorise aussi la frilosité d'une partie du «camp de la paix» en Israël, exigeant l'application pleine et entière d'une feuille de route, certes insuffisante, mais «rejetée par Sharon». A quels débats seraient-ils confrontés si disparaissait l'heureuse perspective du «deux Etats pour deux peuples»? ni plus ni moins qu'à ceux de la nature de «l'état juif» et du droit au retour.

Les centaines de pages noircies pour dénoncer les faiblesses de la feuille de route sont passées à côté du sujet: l'objectif n'était pas, et n'a jamais été, de satisfaire les revendications palestiniennes, mais bien au contraire, tablant sur les effets destructeurs de l'offensive militaire meurtrière et de la punition collective infligée à la population, de liquider la question palestinienne en privant la nation palestinienne de toute possibilité matérielle d'existence nationale et de lutte collective.

Non la feuille de route ne mène pas «nulle part». Non elle ne va pas sombrer victime de «la spirale de la violence».

Oui l'Impérialisme va mettre en úuvre son plan qui n'est pas, évidemment, un «plan pour uns paix juste».

Non Sharon ne va pas s'y opposer frontalement tant Israël y trouve son compte.

Oui l'Autorité palestinienne qui espère y trouver son salut, va s'y soumettre, avec la bénédiction des régimes réactionnaires arabes et notamment avec l'intervention active du régime égyptien,

Oui le Peuple palestinien va être une fois de plus la victime de cette coalition d'intérêts divers, mais unis par une même préoccupation: défaire un mouvement populaire qui menace l'ordre impérialiste au Moyen Orient et, après celui adressé par la guerre menée contre l'Irak, donner un avertissement supplémentaire aux peuples arabes de la région.

Pour tous ceux qui ont écrit, avec quelques variantes, que «cette feuille de route ne menait nulle part» et pour les autres qui se sont répandus en lamentations sur le fait qu'elle était morte avant d'avoir pu produire le moindre effet, «assassinée par les extrémistes des deux bords», l'heure d'un nouveau tournant à 180° va bientôt sonner: contrairement à leurs pronostics le dernier avatar du plan de liquidation de la lutte nationale du Peuple palestinien va être appliqué, et pour cause !

En ne comprenant pas les raisons  profondes de la convergence des stratégies de l'Impérialisme et du sionisme, en refusant au demeurant d'admettre que seule l'utilisation de ces catégories politiques permettrait de saisir la nature réelle de l'affrontement qu'on s'obstine à réduire à une lutte pour un bout de territoire, dont le non-partage représente effectivement un déni de justice pour les Palestiniens, une très grande partie (dans divers pays) du mouvement de soutien à la lutte du Peuple palestinien s'est privée des moyens de comprendre hier la nature du processus noué à Oslo, les raisons de la fin tragique du rêve de la Palestine partagée dans la répression sanglante de la deuxième Intifada et, aujourd'hui, la logique politique à l'úuvre dans cette feuille de route qui, loin d'être un possible facteur d'espoir ou à l'inverse un objet de dérision, aurait du être un sujet majeur d'alerte et de remise en cause des certitudes basées sur l'inébranlable conviction de la pertinence des résolutions de l'ONU et de l'inaltérable issue des «deux états pour deux peuples».

Les assassinats et les attentats menacent-ils «la Paix» ?

«Les assassinats et les attentats ne cessent de remettre en cause  les fragiles espoirs de paix».

Ce lieu commun des agences de presse est malheureusement devenu un bien commun du camp de la paix en Israël et d'une partie importante du mouvement international de solidarité. Tout au plus note-t-on des variations sur la hiérarchie des responsabilités.

On va le dire ici sans nuances: ni les attaques israéliennes meurtrières contre des civils, ni les assassinats ciblés de militants palestiniens, ni les attentats palestiniens contre des civils israéliens ne vont à l'encontre des «plans de paix» imposés par l'Impérialisme et les dirigeants sionistes au Peuple palestinien.

Loin de s'y opposer, ils pavent la route de ces «feuilles» et autres accords intérimaires ou définitifs dont la seule finalité est l'éradication de la résistance populaire palestinienne et la liquidation de cette cause qui constitue un obstacle, d'une part, au projet sioniste d'expansion de l'Etat d'Israël et, d'autre part,  à la volonté impérialiste de contrôle de la région.

C'est parce que depuis des dizaines d'années la population palestinienne résiste à ces projets que les assassinats et les attentats sont devenus des éléments structurels et non des épiphénomènes regrettables et évitables  de la situation.

Ces actions consciemment organisées ou volontairement suscitées enfoncent chaque jour un peu plus les populations  dans la haine et le désespoir et confortent l'idée qu'il n'y a pas d'issue politique garantissant à chaque peuple et à chacun de ses membres le respect de ses droits collectifs et individuels.

Plus immédiatement, elles  justifient les démissions, concessions et autres collaborations de forces sociales et politiques palestiniennes dont les projets n'ont rien à voir avec l'intérêt des masses palestiniennes déshéritées et notamment celui des millions de réfugiés qui survivent dans les camps.

Enfin elles légitiment la nécessité de mesures sécuritaires telles que le désarmement des militants palestiniens, la répression et l'emprisonnement de ceux qui s'opposent à la pacification, la présence d'une force armée étrangère sous autorité américaine, etc.

Un exemple récent particulièrement significatif est celui du problème de la prise de responsabilités de l'Autorité Palestinienne dans la gestion des territoires placés sous autonomie puis réoccupés par Israël en 2002.

Peu pressés de se retrouver piégés  dans l'exercice de cette mission exclusivement sécuritaire avant d'en avoir les moyens (il s'agit ni plus ni moins que de faire régner l'ordre dans les enclaves déshéritées palestiniennes et notamment d'empêcher toute attaque contre les colons israéliens), Abu Mazen et Dahlan [responsable de la sécurité] refusaient juste avant Aqaba. Moins de 15 jours après et suite au «déchaînement de violences» qu'on connaît, ils ont changé d'avis.

Ils ont sollicité «la garantie des Américains» et l'ont obtenue: ceux –ci fournissent le matériel neuf nécessaire (véhicules, moyens de transmission et armes légères) et l'encadrement qui va avec (des Egyptiens encadrés par des spécialistes de la CIA!).

Les négociations vont désormais bon train et on reparle d'un  «accord GAZA, BETHLEHEM  d'abord».

La route ne mène certes pas à «la Paix dans la justice». Toutefois, le premier bantoustan sous protectorat est en bon chemin et on va nous présenter ça comme un progrès et aussi un signe positif de la part de Sharon.

On voit bien là qu'assassinats et attentats ont utilement contribué à l'application du «plan de paix».

Et le HAMAS ?

Bush l'a mis en tête de liste des organisations terroristes à détruire, des «sondages» le placent en tête des résultats devant le Fatah en cas d'élections dans les territoires, les télés israéliennes diffusent des reportages chocs sur «ces terroristes qui veulent jeter les Juifs à la mer», etc.

Le Hamas est devenu l'objet de toutes les attentions et semble être un sujet majeur de préoccupation pour qui s'intéresse au «conflit israélo-palestinien.»

Cet intérêt récent demeure toutefois sur une prudente réserve.

Les militants du Hamas sont victimes depuis des mois d'une intense campagne de liquidation physique par assassinats et  on ne peut pas dire que ça a mobilisé les foules des démocrates, des militants des droits de l'homme, ni même du mouvement de solidarité avec la Palestine ...

C'est  seulement parce qu'elle semblait menacer «le fragile processus de paix» que la tentative manquée d'assassinat de Rantisi  a déclenché l'opprobre.

Ce n'est pas trahir un secret que d'écrire que la participation des forces islamiques à la résistance palestinienne et l'intense opération de répression dont elles sont victimes, notamment à Gaza, bousculent  quelque peu les repères du mouvement de solidarité notamment en France.

L'assertion suivant laquelle «le Hamas a été favorisé par Israël pour gêner l'OLP» a bien souvent servi de réponse aux timides questions à ce sujet.

Il est probablement inutile désormais d'insister sur l'absence de pertinence d'un constat circonstanciel qui se voulait être une analyse.

La réalité, qu'elle plaise ou non, est que les forces islamistes sont une composante très significative de la société palestinienne et donc  de la résistance à l'occupation israélienne.

Nous ne pouvons pas diviser notre solidarité contre la répression, les assassinats et les emprisonnements. Et nous ne devons donc avoir aucune hésitation dans l'expression de cette solidarité.

Ceci étant dit, il ne s'agit pas de tomber dans l'excès symétrique et, après l'avoir ignoré, de prêter au Hamas une radicalité politique dans la lutte de libération loin de la réalité et d'ailleurs loin de ses propres intentions.

Le Hamas n'est ni un parti politique ni un mouvement de libération. Et ses dirigeants ne souhaitent pas lier son sort  à celui du combat national du Peuple palestinien pour son droit à l'autodétermination.

Tard venu à la lutte de libération nationale (en 1987), le Hamas a toujours pris soin de se dissocier du mouvement national de libération même s'il a compris qu'en Palestine, être partie prenante de la lutte nationale était une condition de la réussite de son développement.

Issu d'un mouvement religieux dont la vocation est avant tout de conquérir l'hégémonie dans le grand mouvement de ré-islamisation de la société, il a fortement développé son assise populaire par le développement de son offre de services sociaux, sanitaires, éducatifs, culturels, etc.

Contrairement à d'autres «forces islamistes» auxquelles on l'assimile trop facilement, il n'a pas expressément développé d'ambitions politiques au sens d'une volonté de prendre la direction des affaires de l'Etat, ni même l'exercice des responsabilités d'administration civile au niveau local.

A ce jour le programme politique du Hamas se réduit à une charte très générale et il ne s'est jamais positionné en alternative au Fatah et à l'OLP.

Ses violentes critiques contre l'Autorité n'ont jamais débouché sur l'affirmation de la nécessité de la renverser et de la remplacer par autre chose dans laquelle le Hamas postulait à jouer un rôle clé.

Pour le Hamas la lutte contre l'occupation israélienne n'est pas d'abord un projet de libération du Peuple palestinien, mais avant tout un combat pour la ré-islamisation de la société au nom de l'Islamité éternelle de la Palestine.

Si la réaffirmation de l'hégémonie de l'Islam passe par la conquête de territoires, elle ne s'y arrête pas et l'administration politique de ces territoires ne constitue pas une ambition première.

Une conséquence immédiate en est la suivante: élaborer une stratégie victorieuse de libération de la Palestine n'est pas un souci majeur du Hamas.

De ce point de vue, il n'est guère pertinent de chercher à relier ses actions terroristes ou ses actes de résistance à une analyse politique «rationnelle» de la situation, de l'état des rapports de forces et des conditions de leur développement, etc.

Avant tout déterminé par le maintien et l'accroissement du poids de son audience spirituelle dans la population et de sa capacité à encadrer la société, le Hamas s'est parfois prêté à des manúuvres israéliennes d'affaiblissement de l'Autorité, il s'est confronté jusqu'à un certain point avec celle-ci et en a subi les conséquences.

Mais jamais il n'a pris le risque majeur d'un affrontement global, ni celui de se retrouver en situation de responsabilité politique. Ni la rhétorique anti-israélienne vengeresse de libération totale, ni les serments de refuser tout compromis ne doivent faire illusion.

Le Hamas ne veut pas disparaître, écrasé par l'armée israélienne avec l'appui des Etats-Unis. Les signaux récemment adressés par Sharon sont d'une grande clarté et, combinés aux menaces d'étranglement financier de Bush, gageons que le message sera rapidement entendu.

Quant à affronter aujourd'hui dans une guerre civile l'Autorité, elle aussi appuyée par les Etats-Unis, cela nécessiterait pour le Hamas de mobiliser les masses palestiniennes qui le soutiennent parce qu'elles l'identifient au refus de la collaboration et de la capitulation.

Le Hamas ne prendra pas ce risque tant les intentions que les masses lui prêtent sont éloignées des préoccupations de ses dirigeants et tant la possible dynamique sociale et politique d'une telle mobilisation  angoisse ces défenseurs d'une idéologie de totale soumission personnelle aux lois divines, dont celle du respect de la propriété privée et du système capitaliste.

Son identification à la résistance étant la raison majeure de sa popularité croissante dans les masses palestiniennes, le Hamas est désormais confronté à une contradiction somme toute classique et doit, lui aussi, mettre en úuvre une tactique lui permettant de justifier ses reculs, sans désespérer ses militants et ses soutiens dans la population, notamment les familles des martyrs et des combattants assassinés ou emprisonnés.

L'assassinat manqué de Rantisi et le dernier attentat de Jérusalem lui fournissent les justifications de son prochain réalignement. Cependant, il a besoin d'un peu de temps.

Qu'il cesse totalement ou non ses actions militaires ne change rien à l'affaire. En acceptant de négocier aujourd'hui le principe même d'une trêve le Hamas montre lui aussi son ralliement à la logique de capitulation de la «feuille de route».

Ce n'est pas avec le Hamas que les Palestiniens, et notamment les réfugiés, trouveront l'outil nécessaire à la poursuite de leur combat et à la satisfaction de leurs aspirations terrestres, sauf à faire preuve de beaucoup de  patience en attendant que se réalise l'inéluctabilité coranique d'une Palestine bénie de Dieu et enfin ré-islamisée...

Le désarroi doit être surmonté

Réactivé par l'admirable résistance que la population palestinienne a opposée pendant plusieurs mois à la répression meurtrière de l'armée israélienne, révolté par le silence complice dans lequel les institutions internationales et les gouvernements ont laissé se développer les assassinats, les destructions massives et les arrestations, c'est un mouvement rajeuni et militant qui s'est construit dans une solidarité active et en recherche d'une participation directe à la dénonciation de l'occupation.

Pour autant, et ce sont ces limites qui expliquent son actuel désarroi, ce mouvement jeune et populaire ne s'est pas émancipé des illusions  nées d'Oslo et a été victime de l'affadissement du débat politique qui s'en est suivi.

L'exemple le plus caricatural, mais aussi probablement le plus dramatique, est celui de l'analyse de la nature de l'Autorité palestinienne et des rapports qu'il entretient avec elle.

Ignorant la nature politique de cette institution créée par l'impérialisme et acceptée par l'Etat sioniste au terme d'un processus diplomatique entièrement maîtrisé par le gouvernement américain après la première guerre du golfe, la confondant avec la représentation véritable d'un mouvement de libération luttant pour les droits nationaux palestiniens, les responsables des mouvements de solidarité ont désarmé le mouvement quand il s'est agi de comprendre la nature de la deuxième Intifada, celle de la riposte israélienne, les développements et les conséquences de la répression et de la réoccupation des territoires sous autonomie, et maintenant la reprise de l'offensive politico-diplomatique.

Il est grand temps de revenir sur ces questions et de comprendre la racine des erreurs, non pour solder des comptes, mais pour faire face à la nouvelle situation ouverte au terme de ce nouvel affrontement.

De ce point de vue, il est clair que les promoteurs des analyses totalement erronées d'hier ne sont pas a priori les mieux placés pour réorienter le mouvement aujourd'hui.

Que peut-on raisonnablement attendre de ceux qui nous expliquaient hier que Sharon n'avait guère de stratégie sinon celle, primitive et strictement militaire, de «détruire l'Autorité palestinienne»?

Leurs hésitations et contradictions  rendent  incompréhensibles leurs positions exactes sur la «feuille de route» et sont  la conséquence d'un refus obstiné de prendre la mesure de la nature réelle de la direction palestinienne et des conséquences de ses renoncements, tant sur la situation politique en Palestine que dans la construction du mouvement de solidarité.

Et, sans prétendre jouer les prophètes, on peut déjà leur annoncer qu'ils ne sont pas au bout de leurs surprises quand ils découvriront bientôt que «des assassins et des criminels», dénoncés hier par le gouvernement israélien, se retrouveront acteurs respectables de la nouvelle étape, en remerciement, probablement, pour services rendus {ou attendus) pendant la phase délicate de remise au pas des militants palestiniens (et pas seulement du Hamas) qui auront cru trop longtemps aux discours enflammés de leurs leaders les appelant à attaquer les check-points, voire à prendre d'assaut Jérusalem!

Loin d'avoir été détruite cette Autorité a sauvé sa peau et celle de la petite élite qui ne souffre jamais tant que quand le Peuple palestinien lutte et qui ne prospère jamais tant, notamment du fait des liens structurels qu'elle a noués avec l'occupant israélien, que quand le Peuple palestinien subit.

Le mouvement de solidarité doit se détourner sans hésitation de ceux qui, en participant à des «négociations» dont le but véritable est de détruire un peu plus la capacité de résistance du Peuple palestinien, légitiment par avance la répression des inévitables soulèvements ultérieurs contre l'oppression, contre la négation des droits collectifs et individuels et contre l'exploitation que veulent  imposer les dirigeants impérialistes et leurs alliés sionistes.

Aujourd'hui en Palestine des centaines, des milliers de femmes et d'hommes, militants ou anciens militants de partis, membres d'ONG et de syndicats, se posent ces questions: pourquoi ces défaites successives, quelle stratégie de lutte, quel  projet politique reconstruire, quels outils pour ce combat ?

C'est dans leur direction que le mouvement de solidarité doit tourner son énergie, pour les soutenir et rompre leur isolement, loin des feux de la rampe d'Aqaba et autres Taba.

Certes leur recherche est hésitante et il n'est pas facile de dépasser le stade de la colère et de la frustration.

La fragmentation territoriale et la répression permanente limitent l'horizon géographique et politique de la discussion et sont autant d'obstacles à une nécessaire réflexion collective.

Prenant en compte la faillite de leurs organisations traditionnelles et leur quasi disparition sur le terrain, prenant leurs distances à l'égard d'ONG qui sont le plus souvent des vitrines de fractions politiques ou des prestataires de services, mais ne sont plus des outils de mobilisation populaire, des femmes et des hommes agissent et posent ainsi les jalons de la construction d'une alternative.

C'est un formidable défi et nous pouvons les aider à le gagner, si nous prenons conscience des exigences de la nouvelle situation (18 juin 2003).

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