Palestine



Hébron la mort dans l'âme.

, Mardi 10 avril 2003  Palestine occupée

 

Tout, on leur a tout confisqué. Tout est terrifiant. Les Israéliens contrôlent chaque centimètre carré des soi-disant territoires autonomes. Mais ici à Hébron ils ont vidé récemment le centre historique, son poumon, pour laisser le champs libre à 400 colons juifs. Hébron est depuis 1967 le théâtre de violents affrontements entre les colons Israéliens et la population palestinienne. J'aime cette ville située dans un paysage collinaire splendide, à mille mètres d'altitude. Sa grande solitude me touche tout particulièrement. Je voudrais soulager ses peines immenses, amener tous les architectes du monde jusqu'à elle, avant qu'il ne soit trop tard. La ville a été divisée en deux secteurs en 1997. 160'000 palestiniens ont été placés dans le secteur H 1, sous autonomie Palestinienne. 40'000 palestiniens ont été placés dans le secteur H 2, sous occupation israélienne. Depuis 2001 la zone H 1 s'est trouvée elle aussi progressivement assiégée. Il n'y a donc plus aujourd'hui dans les faits, de nette distinction entre H1 et H2. Quelques centaines de colons protégés par des milliers de militaires Israéliens rendent la vie impossible aux habitants palestiniens.

Le monde devrait venir voir ce qui passe ici, pour mille raisons. La première est que si cette cruelle injustice a pu se perpétuer jusqu'à ce jour, la passivité de l'occident y est pour quelque chose. Certes, l'on ne vient pas ici sans appréhension. La peur est toujours là bien chevillée au corps.

Côté Palestinien l'accueil est des plus émouvant. Au point que l'on ressent parfois de la gêne. C'est l'armée israélienne occupante qui est terrifiante. Elle ne devrait pas être là, mais elle est là, et elle serre chaque jour qui passe, un peu plus la vis. L'on se sent complètement impuissants là devant. Le silence du monde, les mensonges des médias, font très mal ici. Ils sont même incompréhensibles.

Lors de mon passage en novembre, Hébron était déjà une cité terriblement meurtrie ; mais il y avait encore quelques ruelles ouvertes et un faible espoir que l'étaux se desserrerait. Il y a maintenant des check points fortifiés tous les 100 mètres ce qui rend le quotidien des gens invivable. Se déplacer d'un coin à l'autre de la ville est un vrai cauchemar pour les Palestiniens. D'autant qu'ils ajoutent des contraintes à la contrainte et ruinent l'économie. Le marché que l'armée a détruit à l'aide de bulldozers il y a trois semaines, pour tenir les Palestiniens loin du centre historique, n'est plus qu'un amas de ferrailles. Aussi, mille cinq cent commerçants ont été obligés de fermer leur boutique encore et toujours pour éloigner les Palestiniens des colons juifs extrémistes.

Dans ce contexte effrayant les enfants font peine à voir. Ils n'ont pas droit à une vie d'enfant. Ils vivent dans la peur d'être fouillés, humiliés, agressés par les soldats qui patrouillent. Comme ce bambin blessé cet après midi, que le père portait contre son cúur. Quand il nous a vus, il est venu vers nous pour nous prendre à témoin de ce que les soldats israéliens font: sous la couverture son enfant saignait. La colère étouffée de ce père accablé ne me quitte plus. Les gens vivent dans l'angoisse. A chaque coin de rue l'on rencontre des jeunes qui viennent spontanément nous parler des violences subies, de camarades morts sous les coups et les tortures. Ils vous disent l'horreur sans émotion. Pourquoi font-ils cela les Israéliens ? Pour les de commentaires qui dénoncent la lâcheté du monde: «They kill Palestinians childrens. Will you say: we did know ?» «They distroy. We rebuild". Deux générations de Palestiniens n'ont vu qu'elle ; la violence. Elle gâche leur vie. L'armée israélienne a fermé trois établissements scolaires qu'elle occupe, ce qui empêche 1700 ecbalies de suivre les cours. C'est ainsi qu'elle procède pour s'annexer des biens ; selon cette pratique scandaleuse du grignotage qu'elle a institué. Impossible d'échapper à cette atmosphère asphyxiante.

ASPHYXIE était le mot que notre groupe a inscrit en arabe et en hébreu, sur une grand banderole pour protester contre l'existence des check points. Ce mot exprime parfaitement ce que les Palestiniens ressentent. Sur d'autres écriteaux nous avons inscrit: «This is apartheid» «This is racism». Nous étions une poignée d'internationaux ce midi à nous rendre avec banderoles et écriteaux à l'endroit fatidique. Des grappes de Palestiniens étaient là désúuvrés depuis que l'armée israélienne les a contraints à fermer leur échoppe. L'occasion était trop belle.Quand ils nous ont vus arriver ils se sont ralliés à notre petit groupe comme un seul homme et se sont emparés de nos banderoles. D'autant que ce matin, l'armée leur avait lancé des grenades assourdissantes pour les tenir à l'écart de ce check de malheur. Les photographes que nous avions alertés étaient là. Mais aussi tout l'attirail qui laissait présager le pire. Les soldats montraient des signes de nervosité, de peur. La peur des soldats en armes est la pire ennemie des manifestants. Car paniqués ils peuvent tirer à tort et à travers. Chacun sondait l'autre dans un face à face chargé d'inquiétude mais aussi de volonté de résister. Pour mettre tous les oeufs dans notre panier nous sommes allés parlementer avec le commandant, pour faire valoir que leur frustration aux Palestiniens était légitime. Le commandant paraissait mal à son aise sous l'uniforme. La trentaine, le visage fin, il y avait dans son regard une espèce de gêne. Il a répété nerveusement:«I am not shoting you». Il était flanqué d'un soldat qui n'avait pas plus de 19 ans. Ce dernier tremblait comme une feuille, bégayait. Pour la première fois ils se sentaient désignés de racistes. Nous étions très calmes, ils étaient déconcertés. Et cela avait laissé sa chance à l'humain et c'était miracle. Nous nous sommes replié après une demie heure satisfaits. Nous avons répété cette action tout au travers des check point qui étranglent Hébron . Les Palestiniens sont venus nous dire merci, nous ont servi du thé. Notre petit geste leur avait donné un peu d'espoir - et cela n'entait pas rien en ce contexte où l'on ne respire plus - tout en n'oubliant pas que quoi que l'on fasse pour dénoncer les horreurs de l'occupation israélienne, rien ne change jamais en mieux pour eux. De notre côté, une fois notre action terminée, nous étions contents et amers à la fois, à l'idée que, avec notre meilleure volonté, nous ne sommes pas capables de les libérer de leurs chaînes. Ils étouffent mais ne se résignent pas. Ils sont épuisés mais ils se démènent comme des diables, pour ne pas se laisser abattre, jamais. Admirable

Silvia Cattori, Palestine occupée

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