Palestine

ISRAËL / TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPES

Désastre humanitaire et crimes de guerre

Paris le 12 avril 2002.

La FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) lance un nouvel appel urgent pour l'envoi d'une force de protection en Israël et dans les Territoires occupés. Elle demande le retrait immédiat des forces israéliennes et le libre accès aux victimes. Elle appelle les Etats à déclarer que les Territoires occupés constituent une zone de désastre humanitaire.

Les informations alarmantes qui sont parvenues sans discontinuer à la FIDH ces dernières semaines et particulièrement ces derniers jours de la part de ses organisations membres et partenaires en Israël et dans les Territoires occupés - le Palestinian Society of the Protection of Human Rights(LAW, Cisjordanie), le Palestinian Centre for Human Rights (PCHR, Gaza), l'Association for Civil Rights in Israël(ACRI, Jérusalem), B'Tselem, le Public Committe Against Torture in Israël, Adalah - témoignent de la tragédie sans précédent qui touche Israël et les Territoires occupés. Ces informations ont été encore confirmées par trois ONG israéliennes de défense des droits de l'Homme, Hamoked, Physicians for Human Rights in Israel et B'Tselem, que la FIDH a accueilli en France du 6 au 9 avril, en coordination avec son organisation membre la Ligue des droits de l'Homme et avec la section française d'Amnesty international.

Sur la base de ces informations, la FIDH a tenu une conférence de presse à Jérusalem le 7 avril, conjointement avec Amnesty International, la Commission Internationale de Juristes, Human Rights Watch, Médecins Sans Frontières, l'Organisation Mondiale Contre la Torture, le Réseau Euro-méditerranéen pour les Droits de l'Homme, Reporters Sans Frontières, LAW et B'Tselem. C'est la première fois que les principales ONG internationales de défense des droits l'Homme prennent l'initiative d'une telle démarche conjointe sur place, et ce afin de souligner l'extrême gravité de la situation.

Crise humanitaire

Les opérations militaires israéliennes poursuivies ces derniers jours ont entraîné une crise humanitaire sans précédent dans les territoires occupés. Or la mobilisation des moyens nécessaires est entravée au plan national et dramatiquement insuffisante au plan international. 

En Israël même, tant les délégués du CICR et les volontaires du Croissant-Rouge palestinien, que le personnel d'ONG humanitaires - israéliennes, palestiniennes ou internationales - se sont vus interdire l'accès aux blessés. Même les morts ne peuvent être évacués, ce qui ne peut qu'entraîner une dégradation des conditions sanitaires.

La FIDH constate qu'au niveau international, l'aide humanitaire envisagée par les Etats reste insuffisante. En outre elle appelle les Etats à ne pas limiter leur réaction au domaine humanitaire mais à condamner fermement les violations des droits de l'Homme et les infractions graves au droit humanitaire et à prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser.

L'Union européenne serait-elle prête à reconstruire indéfiniment ce que les forces israéliennes ont détruit depuis le début de l'Intifada, sans parallèlement condamner unanimement ces destructions, et tout en continuant à considérer Israël comme un partenaire ?

La FIDH considère que, au regard de la situation économique et sociale dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui, les Territoires palestiniens occupés constituent une zone de désastre humanitaire et sont dans une «situation d'urgence complexe», conformément aux critères établis par le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies. Ces critères sont: (1) une violence et des pertes de vies humaines à grande échelle, des déplacements massifs de population, des dommages étendus aux sociétés et aux économies ; (2) un besoin d'assistance humanitaire sur une large échelle et dans de nombreux domaines ; (3) l'impossibilité et les difficultés de l'assistance humanitaire en raison de contraintes politiques et militaires ; (4) l'existence de risques sécuritaires importants pour le personnel humanitaire dans certaines régions.  La FIDH considère que ces quatre critères sont réunis et elle appelle la communauté internationale et l'Organisation mondiale de la santé à déclarer que les Territoires palestiniens occupés constituent une zone de désastre humanitaire et sont dans une «situation d'urgence complexe» qui nécessite une aide humanitaire importante. Dans ce contexte, la FIDH appelle Israël à garantir la protection du personnel médical ainsi que le libre accès aux victimes.

Crimes de guerre, crimes contre l'humanité, violations massives des droits de l'Homme et du droit humanitaire

La FIDH condamne les opérations menées par l'armée israélienne dans les territoires palestiniens occupés, qui ont causé la mort d'un nombre encore insoupçonné de personnes. Ces actes visent officiellement à démanteler les réseaux terroristes. Mais ils ne visent pas, pour la plupart, des objectifs militaires: ils touchent en premier lieu la population civile. Ils constituent des infractions graves au regard du droit international humanitaire et en particulier de la IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, des conventions internationales de protection des droits de l'Homme, notamment la Convention contre la torture. Plus généralement, ils contredisent les règles d'humanité les plus fondamentales, telles que le droit de ne pas être soumis à des traitements humiliants et dégradants, le droit à l'intégrité physique, le droit de ne pas être condamné sans un jugement préalable, «rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés» (article 3 commun aux Conventions de Genève).

La FIDH dénonce avec la même force les attentats suicides perpétrés par des Palestiniens comme étant des actes absolument et inconditionnellement interdits, politiquement inefficaces et éthiquement condamnables. La résistance légitime du peuple palestinien à l'occupation israélienne ne peut en aucun cas autoriser des actes dirigés contre des populations civiles, semant horreur et terreur.

La FIDH condamne la décision rendue le 6 avril par la Cour de Sûreté de l'Etat de l'Autorité palestinienne par laquelle elle a condamné à mort six Palestiniens soupçonnés de collaboration avec Israël. L'une de ces condamnations, visant un mineur, ayant été commuée en une peine de prison à perpétuité. La FIDH appelle le Président Arafat à ne pas ratifier la décision du 6 avril, adoptée en violation du droit à un procès équitable. Cette décision ne peut faire l'objet d'aucun appel. 

Si les limites fixées par le droit humanitaire sont depuis longtemps dépassées dans ce conflit, il ressort néanmoins des dernières semaines de ce conflit que les autorités israéliennes semblent avoir reporté ces limites jusqu'à un point indéfini et qu'il est impossible de savoir aujourd'hui quel degré d'horreur sera atteint demain. 

Les violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire par les forces israéliennes incluent notamment:

• Les exécutions sommaires et arbitraires et les assassinats ciblés.

• Des arrestations arbitraires massives de Palestiniens. Certains sont transférés dans des centres de détention, sans que leurs familles soient informées. Ceux qui sont relâchés le sont souvent dans un no-man's land loin de leur domicile et dans l'impossibilité de le rejoindre en raison du bouclage interne des territoires.

• Des conditions de détention inhumaines, incluant la pratique de la torture. 

• L'absence de garanties judiciaires permettant aux détenus d'exercer leur droit à un recours et l'impossibilité pour les détenus d'entrer en contact avec leurs avocats.

•La destruction  systématique les infrastructures palestiniennes.

• Les atteintes massives à la liberté de circulation. Chaque ville et chaque village est entièrement isolé, tels les «bantoustans» d'Afrique du Sud durant l'apartheid. Le bouclage des territoires palestiniens par rapport au monde extérieur est ainsi complété par un bouclage interne des territoires.

• Le blocus prolongé des territoires occupés, conduisant à de nombreuses violations des droits économiques et sociaux. En particulier, le droit à la santé est nié par des actions qui visent directement à empêcher tout accès aux soins, comme les entraves mises au ravitaillement des hôpitaux et les attaques dont sont victimes les ambulances.

Ces violations sont amplifiées par l'imposition systématique et générale d'un couvre-feu, qui  n'est pas justifié par «d'impérieuses raisons militaires», selon les termes de la IVème Convention de Genève.

La FIDH exprime de nouveau son soutien et sa solidarité avec les Israéliens et les Palestiniens qui s'élèvent pour dénoncer la violence aveugle et úuvrent en faveur d'une paix juste.

Elle appelle les autorités israéliennes à mettre fin immédiatement aux violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire perpétrées par l'armée, à enquêter sur ces violations et à juger les responsables, et à se retirer immédiatement des territoires occupés en 1967.

Elle appelle chaque Etat à "rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre (des) infractions graves", et à "fixer les sanctions pénales adéquates" à l'encontre de toute personne ayant commis ou ordonné de commettre toute infraction grave à la Convention, conformément à la IVe Convention de Genève, mettant ainsi en úuvre la compétence universelle, prévue à l'article 146 de la Convention.

Elle condamne les actes «antisémites» perpétrés dans plusieurs pays. Elle est en particulier extrêmement choquée par l'annonce de «l'accident» qui s'est produit le 11 avril à proximité de la synagogue de la Ghriba à Djerba (Tunisie), un des principaux et des plus anciens lieux saints du judaïsme africain, dont il y a tout lieu de penser qu'il s'agit d'un attentat criminel. Elle appelle les autorités nationales des pays concernés à tout mettre en úuvre pour garantir la liberté de culte et protéger la population contre de tels actes.

Black-out dans l'accès à l'information

Ce conflit se déroule de plus en plus à huis clos, les autorités israéliennes empêchant systématiquement l'accès à une information autre que la propagande militaire.

Les zones dans lesquelles se sont déroulées les opérations militaires de l'armée israéliennes restent fermées, de telle sorte qu'une évaluation exacte de l'ampleur des violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire qui en ont résulté est aujourd'hui impossible. Les journalistes n'ont pas accès aux zones de combat, pas plus que les défenseurs des droits de l'Homme, le personnel médical, les représentants de gouvernements, ou des Nations unies.

Le  fait que l'accès à l'information soit systématiquement entravé par les autorités israéliennes laisse craindre à la FIDH que les autorités israéliennes cherchent à dissimuler des crimes de guerres et des crimes contre l'humanité. Ces craintes sont fondées sur de nombreux témoignages recueillis par les organisations palestiniennes et israéliennes de défense des droits de l'Homme. Par exemple, à la suite des opérations menées dans le camp de réfugiés de Jenin, la FIDH a reçu des informations par l'intermédiaire de son organisation membre en Cisjordanie - LAW - selon lesquelles, d'après des témoins oculaires, les forces israéliennes creuseraient de larges fosses à l'intérieur du camp où un nombre encore inconnu - plusieurs centaines selon certaines évaluations - de personnes a trouvé la mort ces derniers jours. Des témoins auraient vu des soldats israéliens placer des corps dans ces fosses. Plusieurs témoignages font en outre état d'exécutions sommaires de combattants palestiniens qui venaient de se rendre après l'opération militaire menée au camp de Jenin. 

La FIDH demande aux autorités israéliennes de garantir l'accès aux journalistes et des défenseurs des droits de l'Homme à l'information.

 

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