Palestine

Une énième incursion habituelle, mais beaucoup plus désastreuse cette fois-ci !

par Médecins Sans Frontières - Jérusalem/Gaza

Jeudi 10 janvier 2002 - Suite à la dernière incursion de l'arme israélienne à Rafah dans le sud de la Bande de Gaza, l'équipe d'intervention en psychologie d'urgence de Médecins Sans Frontières s'est rendue au block  du quartier de Yebna et n'a pu que constater l'ampleur des destructions de ce jour, le 10/01/02. Une quarantaine de maisons a été détruite et plus de deux cent personnes sont désormais sans toit. Hommes, femmes, enfants et vieillards viendront planter leurs tentes distribuées par le CICR près de celles de leurs anciens voisins dont les maisons ont, elles aussi étaient détruites deux mois plutôt. L'Autorité palestinienne exsangue ne parvient pas à trouver de solution de relogement pour ces familles qui ont tout perdu en l'espace de quelques heures, une situation d'autant plus préoccupante que l'hiver débute, à peine, sous le froid et la pluie. Des maisons détruites il ne reste rien. Nous marchons au milieu de décombres.

Au milieu des éboulis, quelques indices d'un quotidien surpris et brisé: une chaussure ici, un pull là, une casserole, un jouet' Lorsque nous nous renseignons sur les circonstances du drame, les personnes présentes, nous, décrivent un scénario qui, bien qu'effrayant, est devenu désormais classique: Plusieurs chars surgissent, tirent; la population paniquée s'enfuit sans pouvoir rien emporter. Puis, les bulldozers de l'armée achèvent la besogne en détruisant les habitations. Quant à tenter de récupérer souvenirs, papiers ou vêtements dans ce qu'il reste de sa maison, il n'en est

pas question: à trois tout le monde n'a pas évacué la zone je tire a dit le haut-parleur du mirador voisin.

Deux mois plutôt, la même équipe d'MSF avait fait la désagréable expérience que tous les soldats n'étaient pas aussi prévenants: c'est alors deux rafales de M16 tirées au sol, sans sommation, depuis ce même mirador, qui avaient scindé la cohorte d'indésirables en deux groupes bien distincts, l'un à droite des tirs l'autre à gauche. Plus question d'y revenir!

Nous prenons donc bien soin de ne pas quitter l'angle mort du mirador et nous avançons dans ce décor lugubre martelé par la pluie froide de janvier. Autour de nous peu de paroles, des visages graves, quelques regards vides aussi. Un homme nous explique que les policiers palestiniens présents n'ont pas tiré, dit-il.

Un autre nous montre les restes de sa maison, maintenant il n'a plus rien. Lorsque nous lui demandons s'il a une solution pour lui et sa famille il lève lentement ses yeux vers le ciel et souffle: .

C'est en silence que nous rejoignons notre voiture garée quelques rues plus loin. En nous faufilant dans les ruelles étroites nous songeons à toutes ces blessures de l'âme qui viennent d'être infligées. Combien s'en sortiront sans trop de dégâts psychologiques? Et demain, va-t-il faire aussi froid? Va-t-il encore pleuvoir? Et les tentes, seront-elles distribuées aujourd'hui? Beaucoup de questions et une certitude: cette nuit encore de nouveaux petits candidats à l'énurésie [émission involontaire d'urine] vont grossir la sinistre rivière de peur et de colère qui inonde la Palestine.

Nous entrons enfin dans la voiture, le moteur s'ébroue, la pluie fouette le pare-brise. Après quelques secondes de silence nous nous retournons vers notre traducteur:  Sa pudeur l'oblige à nous sourire tristement

 répond-il. (Un peu, un peu).

En dénonçant cet acte de destruction massive de maisons de civils innocents en cette période d'hiver, Médecins Sans Frontières présentes à Gaza depuis le début de l'Intifada Al Aqsa, s'alarment des conséquences médicales et psychologiques des familles touchées par ce désastre. Des stress post traumatiques, des troubles dépressifs, des troubles phobiques sont à craindre d'un point de vue psychologique. Alors que du côté médical, vu les conditions économiques alarmantes des populations concernées, les médecins craignent de nombreuses pathologies liées aux conditions météorologiques très difficiles actuellement. L'équipe conjointe psycho-médicale de Médecins Sans Frontières s'emploie actuellement à aider quelque deux cents personnes à mieux surmonter cette catastrophe survenue au quartier de Yebna.

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