Palestine

Gaza en lambeaux
Georges A. Bertrand,
in La Medina N°12, décembre 2001

Quand la seconde Intifada a débuté à Jérusalem en septembre 2000 et s'est rapidement étendue à l'ensemble des Territoires occupés et dits autonomes, a commencé dans la Bande de Gaza le harcèlement des 18 colonies israéliennes implantées en son cœur et considérées comme autant de pustules dans un espace aussi restreint.

Aujourd'hui, Gaza est en décomposition, chaque jour opprimée, bombardée, humiliée dans sa chair, dans son sang, et, ce qui est le plus grave, son peuple humilié dans sa dignité d'être humain.

Pour défendre les colonies, implantées soit dans la campagne gazaouie au Nord, soit immédiatement à la périphérie des villes, les enserrant, au Sud, deux solutions distinctes ont été trouvées: au Nord, on a rasé au bulldozer toutes les cultures, les arbres fruitiers, démolies les fermes, transformé les terres arables en terrains vagues et jaunes afin de permettre aux tours de guet israéliennes de pouvoir braquer la nuit leurs projecteurs et leurs armes sur d'éventuels Palestiniens sans rencontrer d'obstacle ; au Sud, à Rafah et Khan-Younis, ce seront les maisons qui, une à une, ou plutôt dizaine par dizaine, seront démolies afin de dégager la vue. Seul reste, "intact ", un cimetière, juste séparé d'une colonie par un talus de sable, et où furent enterrés, au bruit des armes, il y a quelques semaines, les cinq gamins déchiquetés par un engin déposé intentionnellement par l'armée israélienne, un autre enfant de 16 ans périssant là, tué net, au pied des tombes. 

Près de la frontière égyptienne, les masures abritant depuis 1948 les familles de réfugiés sont criblées d'impacts de balles, les tôles servant de toit effondrées, et ce sont sous des tentes plantées dans les décombres qu'essaient de dormir les habitants au son des échanges de tirs quotidiens.

Non loin de là, les rares Palestiniens ayant été autorisés, par Israël, à voyager vers l'Egypte doivent à leur retour patienter des dizaines d'heures, entre les deux frontières, coincés dans des bus en plein soleil, sans nourriture, obligés de se soulager devant leur famille, leurs compagnons d'infortune, la pudeur reconnue aux animaux ne leur étant même pas concédée !

Entre le Nord et le Sud une route à quatre voies, jadis palestinienne, est désormais réservée en partie à la circulation des colons et des véhicules militaires les protégeant, les Palestiniens devant circuler ailleurs, dans les champs, sur une voie nouvelle étroitement surveillée, régulièrement prise pour cible, et coupée plusieurs heures dès qu'un de ces colons a envie de la croiser afin de se rendre en Israël s'acheter un paquet de cigarettes ou aller au cinéma sur ses routes à lui, construites sur des terres confisquées.  Continuellement attaquées par en général des pierres ou des tirs de kalachnikov, au pire par des tirs de mortier la plupart inoffensifs, les forces israéliennes répliquent par l'envoi de missiles, d'obus, des mouvements de chars, d'autres dynamitages de maisons, d'autres mitraillages. Et, à chaque fois, chaque jour donc, les blessés s'ajoutent aux blessés, les morts s'ajoutent aux morts, les enterrements se succèdent, les corps portés par une foule à la fois toujours plus nombreuse, plus en colère, plus sûre également qu'aucun enfant n'est mort pour rien, et qu'un jour justice régnera.

Avec une Autorité Palestinienne discréditée par des années d'insouciance dans les hôtels chics du bord de mer, dont les membres, seuls ou presque, avaient le droit de franchir les points de passage vers la liberté alors que, dans les camps, la misère augmentait, les actions humanitaires des mouvements musulmans islamistes se multipliaient, ce sont désormais des forêts d'oriflammes noires ou jaunes aux armes du Djihad islamique et du Hamas qui accompagnent les martyrs enveloppés dans le drapeau national vers leur dernière demeure, oriflammes qui claquent dans le vent venu de la mer, lumineuses, ondulant en vagues troubles sur  une Gaza en lambeaux

 

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