S'attaquer au tabou de la propriete privée
Alain Bihr et François Chesnais*
Le vaste mouvement social improprement dénommé «anti-mondialisation», puisqu'il est international aussi bien par sa composition que par certaines de ses revendications, peut déjà se targuer d'un certain nombre de victoires. Par l'ampleur de ses mobilisations à Seattle, Göteborg, Nice et plus récemment Gênes, et en dépit des tentatives répétées et aggravées des gouvernements occidentaux pour le déconsidérer en le criminalisant, il est parvenu, entre autres, à tenir en échec le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) comme à imposer dans l'opinion publique européenne le débat sur l'instauration d'une taxe sur les transactions monétaires et financières internationales («taxe Tobin»). Il nous semble cependant qu'il ne peut se contenter de défendre des projets visant à (re)réglementer les échanges désormais mondialisés de marchandises et de capitaux. Car il ne suffit pas de répéter que «le monde n'est pas une marchandise»: il faut encore comprendre et combattre le régime de propriété qui tend, inéluctablement, à tout transformer en marchandises. En un mot, le combat contre le néolibéralisme doit désormais passer à la vitesse supérieure et rouvrir théoriquement et politiquement la question de la propriété.
Des confusions intéressées
Depuis le XVIIIesiècle, le droit de propriété constitue l'un des pivots de la pensée politique et juridique occidentale. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en fait, en son article 17, «un droit inviolable et sacré, (dont) nul ne peut être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.» Formulation modérée, puisqu'elle pose quand même à ce droit «inviolable» des limites qui ont effectivement été imposées à certains moments de notre histoire. En revanche, d'autres ordres juridiques nationaux, à l'instar de la Constitution des Etats-Unis, ont tendu à privilégier l'approche absolue de la propriété défendue par le libéralisme. Celle-ci postule que la propriété des biens ne doit, hormis des questions strictes d'ordre public, connaître aucune entrave relative à l'usage (usus), à la mise en valeur (fructus) et à l'aliénation (abusus).
La sacralisation de la propriété individuelle, aux dépens des différentes formes de la propriété publique et de la propriété sociale[1] , repose sur plusieurs confusions grossières. Quant à la nature du bien possédé, en premier lieu: on met en effet sur le même plan à la fois les biens à usage personnel, dont les individus jouissent seuls ou à titre de membre d'un groupe familial, et les moyens nécessaires à leur production (terre, immeubles, infrastructures productives, usines et magasins, etc.). A quoi s'ajoute, en second lieu, une confusion bien plus grave encore sur le rapport entre le bien possédé et son possesseur, autrement dit sur le contenu même du rapport de propriété: on met alors sur le même plan la possession individuelle d'un bien qui résulte, à un titre on à un autre, du travail personnel de son propriétaire, et la possession individuelle d'un bien qui résulte de l'appropriation privative de tout ou partie d'un travail social. Au terme de cette double confusion, la possession par un individu d'un logement, fruit de son labeur personnel, est assimilée à la propriété privée de moyens de production résultant de l'accumulation, des décennies durant, des fruits de la coopération de dizaines voire de centaines de milliers de travailleurs salariés. La forme capitaliste de propriété, sous laquelle se réalisent la domination et l'exploitation du travail salarié, peut ainsi se donner comme la condition de la liberté personnelle.
Pareilles confusions masquent en fait la formidable contradiction qui gît au cœur de cette appropriation privative du travail socialisé, qui constitue l'essence de la propriété capitaliste. Contradiction que le capitalisme ne cesse de reproduire à une dimension toujours élargie. Le capital socialise en effet le procès de travail, en organisant la coopération des travailleurs à vaste échelle, en divisant les tâches productives entre eux, en accroissant sans cesse la part de travail mort, matérialisé dans les matières et les moyens de travail, par rapport au travail vivant (la dépense immédiate de forces de travail). Si bien que toute marchandise, de la boîte de petits pois jusqu'à l'infrastructure productive la plus sophistiquée (une raffinerie pilotée par ordinateur par exemple), est la matérialisation et la sommation d'innombrables actes productifs, répartis dans l'ensemble de l'espace mondial et du temps historique. C'est ce travail socialisé que le capital enferme pourtant dans le cadre de la propriété privée, de sorte que les résultats d'une immense sommation d'opérations productives sont pourtant appropriés par des individus ou des groupes limités.
Les formes contemporaines de dictature de la propriété privée
L'un des buts et des résultats majeurs du processus de libéralisation, de déréglementation et de privatisation des deux dernières décennies – processus encore inachevé pour ceux qui ne lui voit pas de limites – a été d'étendre considérablement la sphère de la propriété privée. Dans ce contexte, la question de la forme de la propriété des moyens de production, de communication et d'échange est pourtant curieusement devenue une question taboue pour les dirigeants syndicaux et politiques, comme pour la majorité des intellectuels de gauche. Elle ne l'est pas pour la bourgeoisie mondiale, pour laquelle la propriété a une importance stratégique dont elle ne fait pas mystère.
Depuis dix ans, on assiste ainsi au sein de la sphère du capital privé (y compris dans des entreprises qui sont toujours restées privées), à une transformation profonde de la définition même de la propriété, des «droits» qui lui sont afférents (ceux de l'actionnariat devenu tout puissant) et des attentes que les actionnaires peuvent «légitimement» nourrir en terme de rentabilité de leurs parts de propriété. Ici la «contre-révolution conservatrice» prend appui sur la revitalisation contemporaine de cette institution très particulière du capitalisme qu'est le marché secondaire de titres (la Bourse). Cette institution garantit aux actionnaires, en deçà des crises financières graves, la «liquidité» de leurs actions, la possibilité de se défaire à volonté de cette fraction de leur propriété qui a pris la forme des parts de telle ou telle entreprise. Les marchés boursiers sont passés en quelques années du statut de marchés où se négocient des titres à celui de marchés où les entreprises entières sont négociées, échangées, agglomérées ou démantelées. Il y a dix ans encore, il était de bon ton d'ironiser sur les «jeux de mécanos» des ministères de l'Industrie. Ils ont été dépassés – et de très loin - par les méga-fusions des marchés boursiers, aussi bien en dimensions et en pouvoir monopolistique qu'en gaspillages. La propriété des titres étant devenue liquide, les actionnaires estiment que le capital physique (les moyens de production) et surtout les salariés doivent avoir la même «liquidité», la même flexibilité, avec la possibilité d'être jetés au rebut. Et c'est ainsi que le conseil d'administration d'un fonds de pension, largement anonyme, peut décider du jour au lendemain de la restructuration ou de la fermeture de dizaines d'établissements industriels et, à travers eux, du licenciement de centaines de milliers de travailleurs, dans le seul but de «créer de la valeur» pour l'actionnaire.
Comme si cela n'était pas suffisant, le capital financier multiplie les pressions pour faire main basse sur les différentes formes socialisées du rapport salarial, les différents systèmes de protection sociale sur fonds publics, édifiés au cours de décennies passées, notamment en réponse aux luttes des travailleurs visant à s'assurer des protections collectives contre la propriété capitaliste. La transformation des régimes de retraite par répartition au profit de fonds de pension, tout comme les incitations fiscales à développer des formules d'épargne salariale, fournissent deux exemples parmi d'autres possibles de la tentative de s'approprier, sous forme de d'assurances privées, dont la maxime est «à chacun selon ses moyens (contributifs)», la part de la richesse sociale, produit du travail social, jusqu'à présent socialisée (redistribuée) sous formes de fonds publics fonctionnant selon le principe «à chacun selon ses besoins». Tandis que ce que vise l'Accord général sur le commerce des services (Agcs), dont la négociation est à l'ordre du jour à l'Omc, c'est, sous couvert de liberté de l'investissement et de l'offre marchande de services privés, la transformation des services publics (notamment d'enseignement et de santé) en marchés qui ne seront accessibles, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis, qu'à ceux qui ont les moyens monétaires de satisfaire des besoins considérés sous le seul angle de l'individualisme propriétaire.
Les brevets, appropriation privée du savoir socialisé et instruments de domination
Le terrain le plus récent de l'offensive – qui est aussi, faute de précédent pour s'en défendre, peut-être le plus gravement exposé – est celui de l'appropriation privée aussi bien des connaissances scientifiques que de cette forme particulière de patrimoine commun de l'humanité que sont les mécanismes de production et de reproduction biologique et la biodiversité. C'est sur l'ensemble des conditions tant matérielles qu'intellectuelles du procès de production, œuvre du travail historique-social de l'humanité, que le capital entend désormais faire main basse en les livrant à l'appropriation privative marchande. Cet objectif tient à la place prise par la science et la technologie (la connaissance comme «force productive directe») dans la concurrence capitaliste ; ainsi qu'à la quête permanente par le capital de nouveaux champs de valorisation afin de repousser le moment où les crises éclatent. Mais il correspond aussi à l'une des tendances les plus profondes du capitalisme, qui le distingue de toutes les formes d'organisation sociale qui l'ont précédé, à savoir le mouvement qui le pousse vers une appropriation «totale» de l'ensemble des conditions de la praxis sociale, pour faire de ceux-ci autant de médiations de sa propre reproduction[2] .
La «protection de la propriété industrielle» est de même au cœur de la question du prix que les grands groupes pharmaceutiques occidentaux ont voulu imposer aux pays pauvres, dont l'Afrique du Sud, pour l'accès aux thérapies contre le sida ; en même temps qu'ils engageaient des procédures pour à obtenir que l'Inde et le Brésil se voient interdire la production et la vente, même chez eux, des produits génériques combattant les effets de la pandémie. Une vaste campagne internationale a été menée, qui s'est ensuite prolongée dans la conférence de l'OMC à Doha. Les groupes pharmaceutiques ont fait de petites concessions, mais la «protection de la production industrielle» et le régime des brevets n'ont pas été mis en cause, pas plus que leur extension au vivant.
En fait, chaque fois qu'un groupe pharmaceutique appose son brevet sur un médicament, il s'approprie des connaissances scientifiques produites socialement et financées publiquement[3] . Car le produit breveté est toujours la conséquence à la fois d'une longue accumulation générale de savoirs faite indépendamment du groupe qui brevète ; et le résultat de travaux précis de chercheurs qui travaillent, sur financement étatique, dans les laboratoires publics et universitaires d'un ou souvent de plusieurs pays. Le brevet organise et défend juridiquement ce processus d'expropriation des chercheurs et des pays qui les financent – ou au mieux de paiement de leur contribution à vil prix, pour ceux qui sont prêts à se laisser acheter avec cette nouvelle monnaie de singe que sont souvent les stock options. Ce brevet permet ensuite aux groupes oligopolistiques de transformer le savoir social ainsi privatisé en mécanisme d'extraction de flux de rentes et en instrument de domination sociale et politique. En 1942, il n'existait ni aux Etats-Unis ni dans l'écrasante majorité des pays du globe, de brevetage des médicaments[4] . La production de la pénicilline inventée par Fleming a pu donc se diffuser très vite et à faible coût et sauver immédiatement des dizaines de milliers de vies humaines. Cinquante ans plus tard, en revanche, au moment de parachever le Traité de Marrakech, les Etats-Unis ont pris la tête du lobby des groupes pharmaceutiques pour imposer à l'ensemble des pays membres de l'OMC, quelles que soient leurs ressources ou leur niveau de développement, l'adoption dans des délais très courts du droit de la protection de la propriété intellectuelle auxquels même les pays de l'OCDE ne s'étaient ralliés qu'avec énormément de lenteur et de réticences.
Plus illégitime encore apparaît le brevetage systématique du vivant dans lequel se sont lancés les groupes agro-chimiques et pharmaceutiques. Car de quoi d'autre s'agit-il en l'occurrence si ce n'est d'une appropriation privative des mécanismes de production et de reproduction biologique qui sont le patrimoine de l'humanité? L'UNESCO protège à juste titre des villes et des sites des ravages de la privatisation. Le patrimoine biologique devrait-il être traité différemment ? Parallèlement le développement d'organismes génétiquement modifiés (OGM), leur substitution plus ou moins forcée aux plants traditionnels dans l'agriculture, traduit un processus analogue, parachevant l'expropriation des producteurs, ici les agriculteurs, à l'égard de la possession et de la maîtrise de leurs propres moyens de production et, partant, de leurs conditions d'existence[5] .
Arrêter une fuite en avant désastreuse
La propriété privée et les droits qu'elle confère sont enfin au cœur de la crise écologique. Celle-ci s'enracine dans le fait que la valeur d'usage, ici celle des ressources naturelles du globe et la biosphère, n'intéresse le capitalisme que pour autant qu'elle peut servir de support à la valorisation du capital, à la circulation marchande en vue du profit. Elle est de même la conséquence du productivisme aveugle ou pour le moins myope dont la recherche du profit est porteuse et que la domination des investisseurs financiers aggrave encore.
Ce sont pourtant des extensions ou des applications de l'appropriation privée qui sont prônées comme offrant la solution à la crise écologique. Ainsi la Convention de Rio (1992), généralement présentée comme une étape importante dans la protection de l'écologie planétaire, est en fait un vecteur du renforcement des droits du capital sur la nature. Elle reconnaît certes que les paysans et les communautés ont utilisé et conservé les ressources génétiques depuis des temps immémoriaux, mais elle ne leur accorde aucun droit de gestion ou de propriété sur ces ressources. Sous la pression des Etats-Unis, la Convention exclut une partie décisive de ces ressources localisées dans les banques nationales et internationales de gènes, source de profits pour les groupes alimentaires qui vendent les semences. La philosophie de cette approche a été donnée par l'OCDE:"La préservation des ressources de la biodiversité serait mieux assurée si elles étaient privatisées, plutôt que soumises à un régime de libre accès, dans lequel les utilisateurs pratiqueraient une exploitation à court terme selon le principe un ‘premier arrivé, premier servi'.»
Les derniers rapports de la commission scientifique des Nations unies établissent que la dégradation de la biosphère a atteint un point tel qu'il est devenu prévisible que pour certaines régions et communautés qui y vivent, situées dans des pays du «Sud» ou de l'ancien «Est», les conditions physiques de la reproduction de la vie en société sont désormais menacées à court terme (entre une et trois générations). Les gouvernements des pays capitalistes développés et les institutions internationales n'en considèrent pas moins que c'est toujours en termes de droits de propriété et de marchés, où ces «droits» se négocieraient, qu'il faut raisonner. C'est à cela qu'ont abouti en effet les négociations tenues en Allemagne puis aux Pays-Bas consécutives à l'accord de Kyoto (1997). L'émission et la négociation marchande de «droits à polluer», qui ouvriront un nouveau champ à la spéculation financière, ne traduisent pas simplement le choix des Etats-Unis. Le choix de cet «outil technique» vient réaffirmer le caractère intangible de la propriété privée ainsi que des droits qu'elle confère de destruction des conditions sociales de reproduction de certaines parties du monde, afin de défendre les privilèges des autres et de faire perdurer un mode de développement dont la filière pétro-automobile est la cheville ouvrière.
Quelques fils conducteurs pour orienter la discussion
Dans de très nombreux domaines vitaux, l'institution de la propriété privée, dont le néo-libéralisme a accru et continue à étendre l'emprise, aiguise la contradiction entre le caractère social des moyens de production et des ressources naturelles et leur appropriation privative et en aggrave les effets. Cela ne fait pas que stériliser le développement des capacités productives des femmes et des hommes qui composent la société – au plan matériel, politique et psychique – mais conduit à l'involution de ces capacités en autant de forces destructrices. Ainsi une part très importante de la recherche scientifique et technologique est-elle orientée vers des objectifs militaires ou dirigée vers l'expropriation privative du vivant et sa subordination au profit et à la spéculation. Compte tenu des multiples facettes de la question de la propriété, le mouvement contre la mondialisation libérale pourrait, comme premier pas, lancer dans le respect de ses nombreuses composantes et sensibilités, une discussion collective, pour laquelle nous avançons les quelques propositions suivantes.
La Terre et l'ensemble de ses richesses, qu'elles soient minérales, végétales ou animales, doivent être considérées comme le patrimoine commun et indivise de l'humanité tout entière, présente et à venir. Toute appropriation privative de ces richesses, en tout ou seulement en partie, est fondamentalement illégitime. Il ne peut être reconnu tout au plus à toute partie de l'humanité (individu ou collectivité) qu'un droit d'usage sur une partie de ces richesses ; droit assorti de l'expresse condition que cet usage ne soit pas préjudiciable au restant de l'humanité, présente ou future. Il faut donc dénoncer l'illégitimité de la grande propriété privée foncière, dont l'effet est soit de stériliser les terres en interdisant leur occupation (c'est le cas de grandes parties du Brésil), soit d'en détruire à vive allure les ressources (c'est le cas de la forêt amazonienne). Il faut donc aussi appuyer les luttes paysannes visant à se réapproprier la terre. A fortiori faut-il continuer, plus que jamais, à s'opposer à toute tentative d'appropriation privative des mécanismes de reproduction biologique, à travers le brevetage de séquences du génome des organismes vivants ou la production d'OGM) ; de même qu'à l'établissement d'un marché des droits à polluer.
En second lieu, la propriété privée (l'appropriation privative) de moyens sociaux de production (moyens produits par un travail socialisé et ne pouvant être mis en œuvre que par un travail socialisé) doit être tenue pour fondamentalement illégitime. La propriété de pareils moyens appartient à la société (potentiellement l'humanité dans son ensemble), ceux qui les mettent en œuvre n'ayant pour leur part qu'un droit d'usage subordonné à cette propriété sociale. Un premier pas consiste à affirmer la supériorité du droit des travailleurs sur celui des propriétaires-actionnaires et des managers, notamment pour tout ce qui concerne les décisions affectant directement leurs conditions de travail et d'existence. Mais il faut aussi défendre le principe que les questions relatives à la production et à l'usage de ces moyens – les lieux de leur implantation, les choix technologiques pour leur développement – relèvent d'abord de la décision de la société tout entière, et ensuite de celle du travailleur collectif qui en a l'usage productif. La prise des décisions doit emprunter des formes démocratiques renouvelées.
A fortiori, l'appropriation privée de moyens sociaux (publics ou socialisés) de consommation – les équipements collectifs, les services publics, les fonds socialisés de protection sociale – doit être tenue pour fondamentalement illégitime. La propriété de pareils biens et services est l'œuvre inaliénable des communautés socio-politiques (communes, régions, nations, groupes de nations) qui les ont historiquement constitués et auxquelles seules, sous la forme de la délibération et de la décision démocratiques[6] , doit revenir le pouvoir de les diriger et de les administrer.
Deux idées encore pour conclure. La richesse produite aujourd'hui est le résultat non seulement d'un travail vivant largement socialisé, mais encore d'un travail antérieur accumulé sous forme de connaissances scientifiques et de moyens de production qui sont le produit de l'humanité passée tout entière. A ce titre, tout individu a droit à une part de cette richesse. La concrétisation de cette idée peut prendre des formes multiples, dont celui d'un revenu d'existence, permettant de réaliser le vieil adage, «de chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses besoins». Enfin, la totalité du savoir humain, comme plus largement du patrimoine culturel de l'humanité, doit être considérée comme la propriété commune et indivisible de l'humanité. Tout homme et femme doit donc jouir du droit inaliénable à l'usage de ce savoir et de cette culture. Aucun obstacle économique ou politique, ne saurait être dressé sur la voie de cet usage, à l'expresse condition qu'il ne nuise pas au restant de l'humanité. Il importe au contraire que tout le savoir humain et ses instruments de production et de diffusion (y compris électroniques) soient versés dans le domaine public et mises gratuitement à la portée de tous. C'est ce qui fonde l'opposition à tous les projets de privatisation du savoir ou de ses modes de diffusion du type qui est en discussion à l'OMC, ainsi que l'exigence de repenser les conditions de la démocratisation de l'enseignement.
*Respectivement Université de Haute Alsace et Université de Paris-XIII-Villetaneuse.
[1] Voir avec des approches différentes quant au contenu exact de ces termes, Yves Salesse, Réformes et révolution: propositions pour une gauche de gauche, Contre-feux, Agone, Marseille, 2001 ; et Robert Castel dans son dialogue avec Claudine Haroche Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi, Fayard, Paris, 2001.
[2] Voir Alain Bihr, La reproduction du capital: prolégomènes à une théorie générale du capitalisme, Cahiers libres, Editions Page deux, Lausanne, 2001.
[3] Voir François Chesnais, La mondialisation du capital, Coll. Alternatives économiques, Syros, Paris, 1997.
[4] Voir Mohamed Larbi Bouguerra, «Dans la jungle pharmaceutique», Le Monde Diplomatique, mars 2001.
[5] Voir le livre coordonné par Jean-Pierre Berlan et son chapitre sur la brevabilité du vivant en particulier, La guerre au vivant: OGM et mystifications scientifiques, Contre-feux, Agone, Marseille, 2000.
[6] Voir sur ce point les propositions de la Fondation Copernic, L'appropriation sociale, Editions Syllepse, 2002.
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