La politique de "budget participatif "mis en place par le gouvernement de Rio Grande do Sul et par la municipalité de Porto Alegre dirigés par le Parti des travailleurs (PT) a fait l'objet de commentaires dithyrambiques. Une discussion mérite d'être ouverte. Première contribution.

"Budget participatif ": réalités et théorisations d'une expérience réformiste

Jean-Philippe Divès

La "démocratie participative "est devenue, après le premier Forum Social Mondial tenu l'an dernier à Porto Alegre, un nouveau paradigme pour de nombreux secteurs de gauche et même d'extrême-gauche. Paradigme et aussi tarte à la crème, tant cette notion fait l'objet d'utilisations et revendications étendues, au-delà même du camp ouvrier et populaire.

Elle a été élaborée à partir de "l'expérience du budget participatif de Porto Alegre ", que le directeur du Monde Diplomatiquecommentait, il y a un an, dans les termes suivants: "Tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, contestent ou critiquent la mondialisation néolibérale vont se réunir, en effet, du 25 au 30 janvier 2001, dans cette ville du sud du Brésil où se tient le 1er Forum social mondial (") Pourquoi précisément là ? Parce que Porto Alegre est devenue, depuis quelques années, une cité emblématique. Capitale de l'Etat de Rio Grande do Sul, le plus méridional du Brésil, à la frontière de l'Argentine et de l'Uruguay, Porto Alegre est une sorte de laboratoire social que des observateurs internationaux regardent avec une certaine fascination.

"Gouvernée de manière originale, depuis douze ans, par une coalition de gauche conduite par le Parti des travailleurs (PT), cette ville a connu dans maints domaines (habitat, transports en commun, voirie, ramassage des ordures, dispensaires, hôpitaux, égouts, environnement, logement social, alphabétisation, écoles, culture, sécurité, etc.) un développement spectaculaire. Le secret d'une telle réussite ? Le budget participatif (‘o orçamento participativo"), soit la possibilité pour les habitants des différents quartiers de définir très concrètement et très démocratiquement l'affectation des fonds municipaux. C'est-à-dire décider quelle type d'infrastructures ils souhaitent créer ou améliorer, et la possibilité de suivre à la trace l'évolution des travaux et le parcours des engagements financiers. Aucun détournement de fonds, aucun abus n'est ainsi possible, et les investissements correspondent exactement aux souhaits majoritaires de la population des quartiers. " 1

Le fonctionnement des assemblées qui associent des milliers d'habitants, les formes de mandat et délégation mises en place, le système qui permet effectivement une certaine dose de contrôle et une meilleure efficacité de certaines dépenses publiques, ont été suffisamment décrits, dans d'autres publications, pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir ici. En revanche, les limites ne sont jamais signalées, ce qui donne lieu à des phénomènes d'idéalisation et à des confusions.

Des réalités moins enchanteresses

Bien peu d'articles et de textes publiés en France pour encenser le budget participatif mentionnent qu'il ne concerne qu'entre 10 % et au maximum 20 % 2 des seules dépensesbudgétaires de la ville de Porto Alegre ou de l'Etat de Rio Grande do Sul (c'est-à-dire les sommes qui y sont affectées aux investissements nouveaux). On oublie encore plus souvent de dire que les décisions populaires portant sur cette fraction des dépenses ne sont que des recommandations, de caractère indicatif, le dernier mot restant aux autorités élues selon les mécanismes étatiques traditionnels de la démocratie représentative: maire, adjoints et conseil municipal ; gouverneur, gouvernement et parlement d'Etat 3. Et l'on évite surtout de souligner que la gestion des 80 ou 90 % restants des dépenses, de même que celle de la totalité du volet des recettes, demeurent du ressort exclusifde ces mêmes autorités.

L'argument selon lequel la démocratie participative rapproche le citoyen du processus de décision, en permettant d'éviter ou limiter les processus de bureaucratisation, doit donc être replacé et "proportionné "dans le cadre de cette réalité: tout au plus, 10 % du total des lignes budgétaires (produits et charges), et à titre indicatif. Cela signifie que les grandes décisions politiques, qui se traduisent dans les choix généraux de l'orientation budgétaire, échappent à toute forme d'intervention citoyenne directe. Une démocratie parlementaire dans le cadre de laquelle les députés ne pourraient décider que de l'affectation d'une enveloppe, déterminée à l'avance, représentant 10 % du budget, serait certainement considérée à juste titre comme une caricature de démocratie représentative. Pour les mêmes raisons, parler de "la démocratie directe de Porto Alegre "constitue pour le moins une exagération grossière.

Lorsqu'ils sont interpellés sur ces limites, les administrateurs du budget participatif répondent en général deux choses. Premièrement, qu'ils sont eux-mêmes limités dans leurs ambitions par les impositions de la légalité bourgeoise. C'est en partie (non totalement) exact, étant donné qu'ils respectent cette légalité de façon absolue. Deuxièmement, que l'on ne peut pas augmenter à l'infini la part des investissements, puisque cela signifierait diminuer celle des dépenses de fonctionnement, dont le poste principal est constitué par les salaires des travailleurs des services publics ; ou alors, cela impliquerait d'augmenter les impôts, qui représentent déjà une lourde charge pour la population...

Ce qui est certain en tous cas, c'est que le budget participatif n'inclue pas le moindre mécanisme de codécision ni même de consultation des syndicats des employés de l'Etat ou de la municipalité, en ce qui concerne la détermination de leur salaire. Le rapport salarial en tant qu'expression et base du rapport d'exploitation demeure ainsi totalement intact, cela dans une situation où les cadres du gouvernement (parmi eux ceux du budget participatif) touchent des traitements qui sont de 10 à 20 fois plus élevés que ceux des travailleurs du rang"Et ne parlons pas des chômeurs auxquels pourrait venir l'idée saugrenue de demander un revenu décent pour tous: cette question est complètement hors sujet.

En ce qui concerne la politique d'imposition, le gouvernement de Rio Grande do Sul et la municipalité de Porto Alegre dirigés par le Parti des travailleurs (PT) sont plus sélectifs que ne le sont la plupart des autres autorités étatiques territoriales dans la détermination des exemptions fiscales en faveur des entreprises, comme moyen de "favoriser l'emploi ". Ils favorisent les capitalistes locaux (les "gauchos ") plutôt que les très grandes entreprises multinationales que courtisent les autres gouvernements territoriaux.  Ainsi le groupe automobile General Motors s'est-il vu refuser les subventions pharaoniques qu'il demandait pour investir et a-t-il choisi de s'installer dans l'Etat de Bahia, où toutes ses conditions étaient acceptées par l'oligarchie locale. Mais la municipalité et le gouvernement de Rio Grande do Sur se gardent bien d'appeler à la collaboration et mobilisation des travailleurs et de leurs organisations syndicales pour lutter contre l'évasion fiscale que tout le patronat pratique à grande échelle. En revanche, le gouvernement PT a décrété, comme l'une de ses premières mesures, une augmentation sensible des cotisations de sécurité sociale des employés du secteur public. Ces réalités ont été mise en évidence par les travailleurs de l'enseignement lorsqu'en mars-avril 2000, avec leur syndicat CPERS (86.000 adhérents, le plus important de l'Etat, affilié à la CUT), ils ont mené pendant 32 jours la plus grande grève de ces dernières années dans l'Etat de Rio Grande do Sul, contre la politique salariale du gouvernement d'Olivio Dutra 4. Parmi les principaux slogans de leurs manifestations figuraient ceux de "Olivio, attaque les fraudeurs, pas les travailleurs ", et "Olivio, l'éducation a besoin de l'argent de l'exemption ".

Il n'y a pas non plus de "démocratie participative "qui vaille pour tout ce qui concerne le paiement rubis sur l'ongle des intérêts de la dette (paiement assuré par le gouvernement fédéral après reversement des quote-part dues par chaque Etat), poste représentant quelque 15 % du budget du Rio Grande do Sul. Ainsi, non seulement la politique du budget participatif n'a rien d'anticapitaliste, mais elle n'est même pas franchement "anti-néolibérale ". Dire cela équivaut moins à faire une critique qu'un constat, lequel représente en revanche une invitation pressante à certains de ne pas raconter n'importe quoi et à d'autres de ne pas prendre des vessies pour des lanternes.  Le Rio Grande do Sul n'est pas extérieur aux rapports de classe sociaux et politiques du Brésil industrialisé dans son ensemble. C'est ainsi que la situation générale dans le sud brésilien est bien différente de l'image d'Epinal d'un paradis rouge gaucho. Les travailleurs et la population du Rio Grande do Sul connaissent les mêmes difficultés que ceux du reste du pays: salaires de misère, précarité, chômage (d'un taux de 17 %), manque de terres pour les agriculteurs. Dans le texte par lequel il expliquait sa démission en novembre 2000 du gouvernement d'Olivio Dutra, et sa rupture avec l'orientation que ce dernier maintient, un responsable du PT dénonçait entres autres la politique fiscale et sociale des autorités de l'Etat, le combat qu'elles avaient mené contre les revendications des enseignants et la grève du CPERS, mais aussi leur appel aux forces de police pour réprimer l'occupation par le MST (Mouvement des paysans sans terre) du siège de l'INCRA (Institut national de colonisation et réforme agraire) situé à Porto Alegre 5.

Rationalisation capitaliste et répartition de la pénurie

Non seulement le budget participatif ne met nullement en cause la domination du capital, mais il aide dans un certaine mesure à huiler, mieux "réguler "son fonctionnement économique, en lui permettant de mieux adapter ses objectifs, ses projets d'investissement, à la demande solvable. Un autre militant brésilien signale ainsi que "les entreprises elles-mêmes s'intègrent au projet de ‘budget participatif", en démontrant que tous ‘participent". Dans l'Etat de Rio Grande do Sul et sa capitale, Porto Alegre, l'importante entreprise de télécommunications CRT (Compagnie du Rio Grande de Télécommunication) a décidé qu'à partir de cette année, elle participerait aux réunions des instances de cette ‘démocratie participative". Ses dirigeants affirment ainsi que ‘la CRT a bien compris que ces réunions constituent l'espace le plus adéquat afin d'ajuster les plans d'expansion de l'entreprise (") C'est une initiative simple et de faible coût. Un bon exemple à suivre par les entreprises et les gouvernements""6.

D'ailleurs, il n'est pas vrai non plus que ce mode de gestion soit l'apanage exclusif du PT ou de secteurs de sa gauche. "Le Parti des travailleurs (PT) veut présenter cette idée comme une innovation, mais en réalité elle n'est pas neuve au Brésil. Les municipalités de Lajes, dans l'Etat de Santa Catarina, et de Boa Esparança, dans l'Etat de Espiritu Santo, alors entre les mains du PMDB, avait appliqué cette initiative, pas avec ce nom mais avec exactement le même contenu, à l'époque de la dictature militaire[le Parti du mouvement démocratique du Brésil était alors la principale formation bourgeoise d'opposition, NdlR]. Peu après sont apparus les cas de la ville de Diadema, dans l'Etat de Sao Paulo, en 1983 sous direction PT, et de Vila Velha (Espiritu Santo).

"(") Lorsque l'on considère les divers gouvernements municipaux en exercice de 1997 aux dernières élections municipales de 2000, on s'aperçoit que le modèle du "budget participatif "a été adopté par 140 municipalités, dont 34 étaient dirigées par les partis de droite ou de centre-droit PFL, PPB, PMDB et PSDB (") On s'attend à ce que ce nombre augmente, non seulement du fait des gains municipaux du PT (qui gère désormais 187 villes) dans les dernières élections, mais aussi parce que d'autres partis, de droite et de centre-droit, ont d'ores et déjà affirmé qu'ils appliqueraient ce système, indépendamment du fait que dans certains cas sa dénomination soit différente. Dans son programme de gouvernement, Marta Suplicy, la nouvelle mairesse de Sao Paulo, ville la plus riche du pays, introduit le ‘budget participatif"(") Mais que personne ne s'en étonne, puisque la politique du dit ‘budget participatif"est appliquée jusque dans des villes des Etats-Unis telles que Phoenix, Arizona "7.

Il n'y a effectivement pas lieu de s'étonner, puisque le PT est un parti réformiste dont le programme de gouvernement ne va guère plus loin que l'anti-libéralisme prudent affiché par Jospin dans sa campagne électorale de 1997. Certes, c'est un parti réformiste particulier, conservant des traits "travaillistes "et autorisant la présence en son sein de tendances qui se réclament du socialisme et éventuellement de la révolution. C'est justement pour cette raison que de telles tendances peuvent se retrouver, dans une situation non révolutionnaire, non caractérisée par une forte offensive des travailleurs et du mouvement de masse, en charge d'importantes responsabilités étatiques. Dans un tel cadre, les contradictions et dangers sont évidemment considérables…

On a vu que le type de coparticipation populaire prévu par le budget participatif peut parfaitement s'avérer fonctionnel à l'activité économique des "entreprises ", c'est-à-dire, pour parler un peu crûment, aux profits patronaux. De même sur un plan politique, il peut parfaitement servir comme outil de répartition de la pénurie que le capital organise au niveau des services publics. Et il y sert. Le gouvernement de Rio Grande do Sul avait expliqué aux enseignants, comme l'aurait fait n'importe quel gouvernement bourgeois, qu'il ne pouvait pas les augmenter parce qu'il n'avait pas les fonds pour cela. Eh bien, c'est exactement la même logique qui est à l"œuvre en ce qui concerne la politique d'investissements. Faut-il goudronner telle route ou telle autre ? Rénover telle école dont le toit fuit ou agrandir tel groupe scolaire qui implose sous la progression des effectifs ? Construire un dispensaire ici ou réparer les canalisations là-bas ? A travers les organes territoriaux et thématiques du budget participatif, les habitants se trouvent ainsi "mis en concurrence "et opposés les uns aux autres. Il sont invités à élaborer et présenter (avec le soutien des techniciens de l'Etat ou de la municipalité, qu'ils ont donc intérêt à bien traiter") les "meilleurs projets possibles ", afin de l'emporter "démocratiquement ""sur leurs compagnons d'infortune.

La perversité d'un tel retournement d'une idée paraissant a priori progressiste tient évidemment aux limites imposées par la domination du capital et de l'Etat"mais surtout à l'impossibilité et/ou au refus de les transgresser. Une assemblée générale de travailleurs cesse d'être un cadre d'autodétermination progressiste si elle vote l'acceptation des licenciements imposés par les actionnaires. De même, "l'intervention citoyenne "ne peut prendre de contenu progressiste, donc révolutionnaire, que dans la dynamique d'une mobilisation anticapitaliste.

L'essentiel n'est pas de "participer"

Si par extraordinaire des militants révolutionnaires se retrouvaient aujourd'hui en France (ou ailleurs) à la tête d'une municipalité de quelque importance (ce qui dans la situation actuelle, sans que se produisent de grands changements dans la lutte de classes, apparaît tout de même peu probable), sans doute appliqueraient-ils certaines des idées qui sont avancées pour justifier le "budget participatif ". Mais, c'est en tout cas à espérer, ils le feraient très différemment. Pas en restreignant l'intervention des masses à la sphère de la répartition des dépenses d'investissement, mais en les invitant à s'approprier la globalitéde la politique municipale, comme à contrôler les personnes chargées de sa mise en application. C'est-à-dire non à "participer " à la marge, mais à déciderréellement et effectivement, donc politiquement.

C'est seulement dans ces conditions que les formes démocratiques, en s'étendant et en devenant ainsi effectives, peuvent servir à la subversion de l'ordre du capital et préfigurer, aider à préparer un processus socialiste. Mais cela signifie abandonner le terrain de la "participation "pour entrer sur celui de la "décision ", passer de la démocratie "participative "à une démocratie authentique, combinant d'ailleurs des expressions "directes "comme "représentatives "(avec contrôle et révocabilité des représentants).

Admettons cependant, de façon très hypothétique, que des révolutionnaires socialistes gagnent les élections municipales dans des villes grandes ou moyennes alors même que les contraintes extérieures resteraient telles qu'il s'avèrerait impossible d'aller au-delà du type de participation mis en œuvre à Porto Alegre. Au minimum, une municipalité "rouge "expliquerait clairement aux travailleurs et à la population quelles sont les limites imposées à son action par le système capitaliste et le fonctionnement général de l'Etat bourgeois, et elle les appellerait à se mobiliser à ses côtés pour tenter de les transgresser. En aucun cas elle n'affirmerait que le "budget participatif "représente sous quelque forme que ce soit une expérience dont la généralisation pourrait mener au socialisme.

C'est-à-dire qu'elle ne ferait pas ce que fait la tendance du PT Démocratie socialiste, affiliée à la Quatrième Internationale (Secrétariat unifié) et très influente dans les institutions du budget participatif de Porto Alegre et du Rio Grande do Sul 8. Certains articles politiques rédigés à l'occasion de tel ou tel événement sont plus significatifs, mais il vaut mieux se référer, pour étayer cette affirmation, à un document "officiel "et de caractère programmatique, tel que les Thèses pour une actualisation du programme du Parti des Travailleurs, adoptées par la 5° conférence nationale de Démocratie socialiste tenue en juin 1999.

Les problèmes de la rupture révolutionnaire, de l'affrontement à l'Etat bourgeois et de sa destruction, de l'abolition du capital et du salariat, y sont totalement évacués, voire parfois directement niés, au profit d'une démarche graduelle centrée sur "la création d'institutions qui prennent la place du marché capitaliste et de l'Etat bourgeois, institutions basées la ‘libre association des travailleurs", sur l'activité autonome, démocratique et souveraine de la population, institutions qui interviennent dans la gestion de la chose publique "; autrement dit, le socialisme est la généralisation de la démocratie participative grignotant progressivement des parcelles de pouvoir. Très progressivement, puisque c'est seulement "à très long terme "que "reste valable la formulation de Marx selon laquelle une société réellement libre aura éliminé la production de marchandises, et donc le marché et toutes les catégories marchandes ", et qu'elle "aura réussi à faire disparaître l'Etat comme appareil politique autonomisé ". Logiquement, ce texte revisite la vieille division entre programme minimum (ce qui est aujourd'hui "possible ") et programme maximum (le socialisme pour un avenir indéterminé):  "comme perspective pour l'époque actuelle, comme axe d'un programme démocratique et populaire, notre proposition doit être bien plus limitée: développer toute les formes d'auto-organisation populaire et de contrôle social sur l'Etat et le marché ". D'ailleurs "nous ne défendons comme perspective immédiate ni la disparition de l'Etat "c'est évident "ni sa réduction. Ce que nous défendons, c'est sa transformation"".

Ce qui est posé est donc une transformation graduelle de l'Etat bourgeois, toujours au moyen de la démocratie participative improprement caractérisée "auto-organisation "ou "contrôle social ".  Quant aux "axes d'un programme démocratique et populaire ", programme de gouvernement du PT en cas de victoire dans les élections fédérales de 2002, les plus audacieux avancés pour impulser une "réorientation de l'économie " sont "l'étatisation avec contrôle social du système bancaire et financier "et la "ré-étatisation des entreprises stratégiques privatisées ".  Très loin de la répudiation de la dette publique illégitime, ce même programme se borne à préconiser une "suspension du paiement de la dette extérieure et (un) audit ". En quoi cela se distingue-t-il des programmes les plus traditionnels du réformisme historique ? Encore une fois, en rien, sauf par la démocratie participative (principal levier d'une "démocratisation radicale de la société ") et l'utilisation de la phraséologie "citoyenne ", faussement anti-autoritaire, qui distingue le néoréformisme post-chute du Mur de Berlin.

"Budget participatif "et perspectives internationales

Un auteur influent, déjà cité, qui pensait il y a un an que "le nouveau siècle commence à Porto Alegre ", vient de découvrir qu'en fait, il n'aurait débuté qu'à Manhattan lors de l'effondrement des tours du World Trade Center: "après les événements du 11 septembre (") succédant au cycle entamé le 9 novembre, lors de la chute du mur de Berlin, une nouvelle période historique vient indiscutablement de démarrer "9. Il est vrai que la situation internationale est complexe et que des tendances contraires y agissent, dans un cadre général restant caractérisé principalement par l'offensive capitaliste-impérialiste. Cependant, face à ces interprétations changeantes, on se sent d'autant plus en droit de soumettre une autre hypothèse: et si le 21° siècle avait commencé le 20 décembre à Buenos Aires ? Autrement dit, si la perspective ouverte pour ce siècle était celle d'une barbarie et d'un chaos grandissants, de grandes actions directes des masses en dehors des institutions et contre elles, de l'impossibilité d'alternatives viables dans le cadre du système capitaliste, et de la nécessité immédiate de bâtir une issue socialiste ?

En mai 2001, les maires de Porto Alegre, Sao Paulo, Belo Horizonte (Brésil), Montevideo (Uruguay) et Rosario (Argentine) s'étaient réunis à Buenos Aires à l'invitation de son premier magistrat, le politicien de "centre-gauche "Anibal Ibarra (devenu en fin d'année l'un des principaux soutiens du gouvernement d'union nationale de Duhalde), dans un "Sommet des maires des grandes villes du cône sud ". A son ordre du jour, un point: la mise en œuvre du budget participatif 10. Depuis cette date, hélas, le projet n'a pas vraiment avancé en Argentine. C'est que dans ce pays, il n'y a même plus de pénurie à partager. En revanche, les piqueteroset motoquerosy donnent l'exemple d'un autre type de participation démocratique. Il n'y a aucun doute que ce sont eux qui symbolisent l'avenir.

Notes

1. "Porto Alegre ", éditorial du Monde Diplomatique, janvier 2001.

2. Selon une conférence donnée le 14 juillet 1999 par Raul Pont, alors maire de Porto Alegre, et publiée sous le titre "Démocratisation de l'Etat: l'expérience de Porto Alegre ", les investissements de la ville approchaient cette année les 20 %. Texte disponible sur le site Internet de la revue catalane Espai Marx(Espace Marx), www.espaimarx.org.

3. Le Brésil est une république fédérale dans laquelle les 23 Etats et 3 territoires disposent de larges pouvoirs étatiques autonomes. Y compris d'ailleurs de pouvoirs de répression, à travers les polices "militarisées "qui sont équipées d'armes de guerre et de tanks.

4. Les travailleurs exigeaient que le salaire de base des enseignants passe de 129 à 377 réais, et celui des personnels administratifs de 121 à 353 réais. Le gouvernement Dutra, qui proposait un réajustement de 10 % échelonné sur 6 mois, s'est opposé à la grève en dénonçant son caractère "corporatiste "de concert avec les principaux médias de l'Etat. Le mouvement s'est conclu par une semi-défaite, les travailleurs n'obtenant qu'une augmentation de 14 %. Les cadres de l'administration gouvernementale touchent jusqu'à 4.500 réais. Le réal (pluriel, réais) vaut à peu près, sur le marché des changes, un demi-euro.

5. "Pourquoi j'ai quitté le gouvernement Olivio ", par Jorge Santos Buchabqui, avocat et militant pétiste, ex-Secrétaire à l'Administration du gouvernement Olivio Dutra. Publié dans le journal Esquerda Socialista, n° 1 de janvier 2001.

6. Basilio Abramo, La gauche en débat, 9 juin 2001, www.clasecontraclase.cl. Les propos cités de la direction de la CRT ont été reproduits dans un article, titré "Téléparticipation ", publié le 23 décembre 2000 par le grand quotidien Folha de Sao Paulo.

7. Texte cité ci-dessus. On doit également mentionner, comme l'une des études critiques les plus sérieuses et équilibrées ayant été utiles à la rédaction de cet article, le texte de Mariucha Fontana et Julio Flores, deux responsables du PSTU du Brésil, titré Budget participatif: dans les limites de l'ordre bourgeois(revue Marxismo Vivon° 3, mai 2001 ; www.marxismalive.org). Et remercier plusieurs membres du courant Cours Nouveau (notamment Dalmo au Brésil, Nora et Roberto en Argentine, Chepa en Espagne) qui nous ont transmis sur ce sujet de fort nombreux textes et documents.

8. Ainsi que l'exprime une somme d'articles, textes et documents publiés régulièrement par la revue Inprecor dans sa rubrique Brésil (www.inprecor.org). Les thèses de DS citées juste après sont parues dans le numéro 443/444 de janvier 2000.

9. Ignacio Ramonet, éditoriaux duMonde Diplomatique, respectivement de janvier et décembre 2001.

10. Voir le dossier publié le 14 mai 2001 par le principal quotidien argentin, Clarin, sous le titre "Ils gouvernent de grandes villes et veulent que les gens participent ". Son article principal commence par la phrase: "Le concept est ancien, il s'en va et il revient selon les époques politiques. C'est la démocratie participative, qui séduit du centre à la gauche et effraie du centre à la droite"". L'éditorial de cette même édition, "Les défis des gouvernements locaux ", apportait un franc soutien à cette initiative.

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