Etats-Unis
Parlons un peu des Clinton
Entretien d’Alan Maass avec Jeffrey St. Clair *
Le «débat» présidentiel a déjà commencé aux Etats-Unis. Autrement dit, le cirque médiatique – comme on le voit en France, au-delà de quelques traits particuliers propres à l’histoire et à la formation sociale comme politique de la France – donne ses premières représentations.
Et comme l’écrit Pablo Pardo dans le quotidien espagnol El Mundo du 26 février 2007 (page 32): «L’ex-président des Etats-Unis se fait de l’or grâce aux conférences qu’il donne et aux baisses d’impôts décidées par w. Bush.» Il ajoute: «En un seul jour au Canada, il gagne le double de ce qui touchait en un an comme chef d’Etat.»
Ou encore, pour établir une comparaison tout à fait adéquate dans cette société du spectacle – si appréciée, y compris par la dite «gauche radicale» – «L’ex-chef de la Maison Blanche dispose de plus revenus que Madonna, Brad Pitt, Tom Cruise ou Elton John».
Pablo Pardo rappelle à la fin de son article une formule qui suffit à caractériser le «clan» Clinton. Elle fut lancée dans le Kentucky durant l’automne 2006: «Aujourd’hui, je suis un millionnaire et la personne la plus favorisée par les républicains de Washington. Chaque année il abaissent mes impôts.»
On peut sourire, de manière anticipée, à la lecture de la presse qui nous présentera un combat de la «droite» (républicain) contre la «gauche» (Hillary Clinton)… Pour autant que son métier médiatique lui permette de gagner les primaires dans le parti démocrate. Il est vrai qu’elle déjà amassé un trésor de guerre. Et Al Gore va-t-il sortir du bois ?
Pour l’heure, au moment de la dernière ligne droite (qui peut encore réserver quelques «surprises» tragiques) de doubleyou Bush, il n’est pas inutile, déjà, de replacer dans les mémoires un souvenir effectif de la politique des Clinton. C’est que Jeffrey St. Clair fait ici.
**********
Alan Maass: La présidence de Bush est un tel désastre dans tous les sens du terme que beaucoup de gens semblent maintenant tentés de porter un regard nostalgique vers les années Clinton. Est-ce que les Clinton méritent cela?
Jeffrey St. Clair: Cela dépend de quel côté on était. Ceux qui à cette époque gagnaient beaucoup d'argent à la Bourse peuvent éventuellement ressentir de la nostalgie. Mais la plupart d'entre nous, nous ne revenons à cette scène de huit ans de crimes que si nous y sommes obligés.
L'administration Clinton a ouvert les portes pour Bush Junior bien plus que celle du père de Junior G. W. Si l'on laisse de côté les aspects œdipiens évidents des agissements de Bush Junior, on constate que son père – contrairement à Clinton – ne lui a jamais été d'un grand secours. Lorsque Bush parle de son «autre père», on suppose généralement qu'il fait allusion à la divinité suprême, mais je suspecte que c'est peut-être Clinton qu'il évoque.
En effet, par beaucoup d'aspects, c'est Clinton qui a assuré la transition finale de l'ancien style de libéralisme décadent au nouveau libéralisme et néo-conservatisme – ces cousins germains incestueux.
Cela est vrai en ce qui concerne la politique commerciale, avec la dérégulation des principales industries, du secteur des services (assurances, banques), en passant par les entreprises de communication, jusqu'à la poursuite de la guerre en Irak. Il s'agit dans tous les cas de produits vivants de l'Ere Clinton.
Cela s'applique également au Patriot Act [législation hyper-sécuritaire aux Etats-Unis]. On croit généralement que le Patriot Act, ce projet de loi d'un millier de pages, a été introduit de manière tellement précipitée que l'auteur n'a pas eu l'occasion de relire son texte. En réalité, le Patriot Act a attendu sur le bureau du Département de Justice pendant les deux dernières années de l'Ere Clinton. Ils étaient tout prêts à mettre à jour leur effroyable Antiterrorism and Effective Death Penalty Act, qui avait été adopté en 1996, après le bombardement de l'Oklahoma City [en avril 1995,168 morts]
Sur la plupart de ces dossiers, la «gauche» – pour le dire le plus gentiment possible – souffre d'un Alzheimer politique. Sinon, comment expliquer qu'elle ait pu immédiatement effacer de sa mémoire toutes les trahisons de l'Ere Clinton, pour les mettre sur le compte de ce pauvre Bush?
Je considère que les huit ans d'administration Clinton ont transformé de manière fondamentale la direction du pays en faveur des grosses entreprises et des attaques presque frontales contre les membres les moins privilégiés de la société.
Il ne s'est en effet pas contenté de couper le filet de sécurité sociale. Il a ensuite agressé les couches les plus «basses» de notre société à un point que même Bush, malgré ses torts évidents, n'a jamais égalé.
Par exemple lorsqu'il s'agit de blâmer la victime. Explorer la psyché de Clinton, c'est comme faire de la spéléologie politique. C'est un type qui se considérait toujours comme une victime, le petit garçon président blessé.
Mais tout à coup, il serait le premier à condamner la victime, que ce soit Ricky Ray Rector [un criminel, attardé mental, condamné à mort en 1997] qui a été exécuté pour améliorer sa position dans les sondages durant la campagne pour la nomination à la candidature démocrate, ou le traitement réservé à Lani Guinier, nommé par Clinton comme assistante du ministre de la Justice pour les droits civiques, et dont il a ensuite retiré le nom. [En1993. le Président Clinton a nommé Lani Guinier en tant que première femme noire à la tête du Civil Rights Division of the Department of Justice]
La loyauté, qu'elle soit d'ordre personnel ou politique, n'a jamais eu une grande place pour les Clinton. Jim McDougal [ce personnage – et aussi sa femme – a été très mêlé à l’histoire des Clinton, depuis des achats de terrain en Arkansas jusqu’à des questions liées à la collecte de fonds; il est mort en 1998], qui était jadis le plus proche ami, conseiller et financier de Clinton, a dit plus tard que Clinton traversait la vie des gens comme une tornade, ne laissant derrière lui que des débris.
Et les McDougals n'étaient pas seuls dans ce cas. Beaucoup d'autres proches amis et alliés ont été jetés pas dessus bord lorsqu'ils sont devenus inopportuns: Lani Guinier, Peter Edelman [juriste réputé d’extraction sociale modeste, président du New Israel Fund; il a eu des différents avec Bill Clinton sur des lois ayant trait au welfare] Ils ont tous été écrasés sur la route des Clinton vers le pouvoir. Les Clinton ont perfectionné l'art de la politique sans conscience.
Maass: Le grand slogan de la campagne présidentielle de Bill Clinton en 2000 était «Donner la priorité à la population», mais à cette époque les Clinton avaient déjà constitué un réseau incroyable de liens avec le grand business?
St. Clair: Bill est un maître politicien. Dans un sens, on peut dire que son but n'a jamais étéson propre enrichissement - il était intéressé à la puissance et à sa promotion personnelle. Mais pour Hillary, c'est l'enrichissement qui avait une place prépondérante. Je crois qu'elle avait vraiment le sentiment d'avoir le droit à l'argent, au pouvoir, au prestige.
Elle était l'une des jeunes figures brillantes de la fin des années 1960 et début des années 1970, une étudiante vedette qui a participé à l'équipe nommée par le Congrès pour enquêter sur «l'affaire du Watergate» [scandale d’espionnage des locaux des démocrates sous Nixon, en 1972; Nixon démissionnera en août 1974]. Son étoile montait très rapidement. Et puis elle s'est liée à Clinton et est partie dans l'Arkansas.
Je n'ai pas l'impression que cela faisait vraiment partie de ses projets. Elle avait commencé comme une croisée, et je suis sûr qu'elle imaginait devenir l'avocate d'un groupe comme la Fonds de Défense des Enfants (Childrens Defense Fund). Mais les choses se sont passées autrement.
Revenons à sa carrière d'avocate au cabinet d'avocats Rose Law Firm. Cette entreprise ressemblait vraiment à quelque chose sorti d'un roman de Grisham [1] - un de ces cabinets d'avocats du Sud véreux. Hillary y était engagée à fond, avec beaucoup de clients répugnants. Cela allait de Tyson Foods (très grande firme de l’alimentation, spécialisée dans la viande] à Lafarge Coppée [leader du ciment, avant Holcim], une compagnie d'incinération vraiment répugnante, en passant par une entreprise de maison de repos, les Beverly Entreprises, où, pour réduire les coûts, ils mettaient des grands-pères et grands-mères octogénaires à la rue.
Elle était avocate d'affaires dans une partie du pays où le droit commercial n'était pas pratiqué avec le même style impassible propre aux Wasps {protestants blancs de la côte est] qui a cours à Washington ou à New York. On exigeait des avocats qu'ils s'en donnent et qu'ils plongent les mains dans le sang, et c'est ce qu'elle l'a fait. Elle a fait une carrière d'avocate d'affaires véreuse.
Maass: Et pendant ce temps, Bill se forgeait une réputation comme Démocrate proche des milieux d'affaires?
St. Clair: C'est une des choses qu'on a tendance à oublier au sujet de Clinton. Beaucoup de gens ont l'impression qu'il a subi une transformation après la saisie par les Républicains de la majorité au Congrès en 1994.
Mais il s'agit-là d'une version totalement révisée de l'histoire politique de Clinton. Il a été un des membres fondateurs du Democratic Leadership Council (DLC -courant d’activistes conservateurs au sein du parti démocrate), avec Joe Liebermann [ une démocrate de droite dure, élu comme sénateur ans le Connecticut; hyper pro-sioniste] et sur le plan philosophique leurs conceptions étaient presque identiques. Cela est vrai depuis ses premières années en tant que gouverneur [de l’Arkansas] jusqu'à ce discours interminable lors de la Convention Démocratique de 1988.
A la gauche on semble penser que la destruction de la protection sociale a été quelque chose que Clinton a fait à son corps défendant, alors qu'en réalité c'était son idée. Cela faisait partie de l'ensemble des projets de l'DLC, au même titre qu'une attitude inflexible par rapport à la politique militaire, aux pauvres, aux Noirs, et y avait même une place assez prioritaire.
C'est une leçon qu'il a apprise tôt dans sa carrière politique. Il voulait être une sorte de populiste, Il avait les capacités oratoires d'un Huey Long [2], davantage que John Fitzgerald Kennedy, même s'il aspirait du même style de coiffure que ce dernier.
Mais Clinton était aussi une mauviette, et cela transparaît déjà lors de son premier mandat comme gouverneur, en 1979.
Weyerhaeuser était le plus grand propriétaire foncier de l'Etat d'Arkansas – une immense entreprise de forestière, qui abattait les forêts de l'Arkansas encore plus vite qu'il ne coupait son chemin à travers l'Etat de Washington. Cette entreprise coupait des arbres sans restrictions à travers ses zones d'exploitation dans les Ozarks – 2000 à 5000 acres de coupes sombres, avant de saturer toutes ces terres de pesticides et de planter des arbres clonés.
Cela suscitait une certaine révolte à niveau local, car il s'agissait de régions de chasse, de cueillette de champignons, de petites plantations de cannabis. La pêche est devenue impossible à cause de la pollution des cours d'eau.
Bill Clinton a donc voulu imposer quelques timides restrictions aux saccages de Weyerhaeuser. Il comptait, à propos de cette question, sur un soutien populaire. Weyerhaeuser, lui, a alors fait savoir qu'il le ferait tomber. Et c'est ce qui s'est passé – il a perdu la campagne pour sa réélection en 1980. Il y avait d'autres problèmes, mais au fond c'est Weyerhaeuser qui l'a fait chuter.
Quelle a été la réaction de Clinton lorsqu'il a perdu cette campagne? Il s'est tout de suite rendu dans le bureau du vice-président de Weyerhaeuser et lui a dit «Bon, je suis désolé, que puis-je faire pour me rattraper?».
C'était là sa manière d'opérer sur le plan politique. Très tôt, Clinton a fait ses compromissions avec les géants de l'état de l’Arkansas - Weyerhaeuser et Don Tyson de Tyson Foods.
Tyson gère une de ces énormes entreprises d'abattage de poulets, et l'effluent qui en provient se déverse directement dans le White River et d'autres grandes rivières du Nord de l'Arkansas. Lorsque, au cours de son premier mandat, Clinton a tenté d'appliquer le Clean Water Act à certaines de ces opérations, Tyson s'est allié avec Weyerhaeuser pour cette deuxième campagne d'élections pour le poste de gouverneur en 1980.
Je pense que Tyson était représenté par la Rose Law Firm. Il est possible que Hillary ait été l'une des personnes qui a fait les premières offres de paix à Don Tyson, l'un des êtres les plus infâmes du Sud. Ensuite, lorsqu'il est réélu gouverneur, Clinton est devenu leur boy pour les 10 prochaines années.
L'autre personnage majeur qui rôde à cette époque dans l'Arkansas est Jackson Stephens (Banque privée d’investissement en Arkansas]. En tout cas jusqu'à l'explosion des dot-com [allusion à la chute de la bourse dès mars 2001], il a été l'un des Américains les plus riches, et il se cachait dans l'Arkansas, une sorte de Warren Buffet [du fonds d’investissement Berkshire Hathaway. Inc.], milliardaire et géant de l'investissement financier.
Lors de la campagne présidentielle de Clinton dans les années 1990, les fonds de ses partisans avaient été dépensés et il leur fallait obtenir un prêt important. Devinez à qui ils se sont adressés ? A Jackson Stephens. Il a financé, presque à lui tout seul, la campagne de Clinton à l'investiture Démocrate en 1992.
Il n'est donc pas surprenant si six mois après son mandat Bill Clinton oriente sa politique économique vers la Bourse et se met à recruter Robert Rubin et d'autres gens de Wall Street.
Dans le livre de Bob Woodward The Agenda [3] il y a une scène où Bill se tourne vers Rubin [4] et lui dit «Vous voulez dire que le succès du programme et ma réélection dépendent de la Réserve fédérale [banque centrale] et d'un tas de sacrés bond traders [qui vendent des obligations d’Etat]»? Rubin répond que oui, et en gros, Clinton dit OK, si c'est ainsi que ça doit être. Dans ce sens, je ne pense pas que Clinton croyait réellement au programme DLC. Il savait juste qu'il fallait passer par là pour accéder au pouvoir.
On aurait pu penser que c'est Hillary, en tant que bonne méthodiste, féministe et croisée contre la corruption politique, qui aurait une conscience politique. Mais apparemment ce n'est pas le cas. Pour elle, il s'agit uniquement d'un sentiment de supériorité et un goût du pouvoir.
Maass: Pouvez-vous évoquer la tentative désastreuse de l'administration Clinton d'introduire une réforme au système de santé, et le rôle qu'a joué Hillary Rodham Clinton lorsqu'elle était à la tête du groupe d'études et d’intervention du système de santé?
St. Clair: Ces épisodes entrent tout à fait dans ce modèle. Quelles ont été les erreurs commises? D'une part, je ne pense pas qu'ils (les Clinton) croyaient réellement à la réforme du système de santé. D'autre part, je ne pense pas que Hillary connaissait bien le sujet. Enfin, ils ont choisi depuis le début une politique de compromis.
Ils auraient dû opter pour un système de santé à un seul payeur [caisse unique] et se battre pour atteindre cet objectif. Mais voilà, ces gens ne sont pas combatifs, parce qu'ils n'ont pas vraiment des principes. Pensaient-ils réellement qu'ils allaient faire passer cette transformation très importante du système de soins en six mois ou une année en passant par-dessus un Congrès endurci et corrompu?
Ensuite, ils se sont entourés de gens comme Ira Magaziner [homme d’affaires et politicien; il est maintenant dans la Fondation Clinton], qui était dans la poche des compagnies d'assurance.
Il ne s'agissait pas d'un programme de réforme du système de santé que la gauche aurait dû soutenir, mais plutôt quelque chose contre laquelle ils auraient dû se battre, cela ressemblait en effet à ces réformes du système de santé que nous voyons maintenant, et qui sont surtout un renflouage pour les compagnies d'assurance.
C'est ce que Sharon Smith [membre de la direction de l’ISO et écrivant souvent dans Counterpunch] a souligné très clairement dans un récent article au sujet du projet concernant le Massachussets. La réforme signifie, en fait, que les gens doivent payer pour une assurance médicale. Les assurances encaissent leur argent, mais cela ne veut pas dire que les gens seront effectivement soignés quand ils en auront besoin, ni, s'ils sont soignés, qu'ils ne se retrouveront pas ruinés.
Il s'agit évidemment d'une histoire longue et compliquée. Mais je crois que le fait que les Clinton ont non seulement été touchés mais massacrés à cette occasion est un des facteurs qui a vraiment aidé l'aile droite à se remettre sur pied après leur échec en 1992. Le fait qu'il ait été si facile de surprendre, d'intimider et de vaincre ces gens, a contribué à donner du pouvoir aux partisans ultras de Gringrich.
Maass: Maintenant qu'elle a annoncé qu'elle se présentait pour la campagne pour l'investiture Démocrate de 2008, Clinton est continuellement en train d'essayer d'expliquer son vote au Congrès en faveur de la guerre d'Irak, tout en essayant de passer pour une critique anti-guerre.
St. Clair: Souvenez-vous comment Bush refusait de répondre lorsqu'on lui posait la question «pouvez-vous nommer une erreur que vous avez faite en tant que président?». On peut se demander ce que sont devenus les conseillers politiques de ce pays. Tout ce qu'il a trouvé à répondre c'était que bien sûr il avait fait quelques erreurs qu'il pourrait énumérer. Mais, il a appris de ses erreurs et les choses vont changer.
Hillary se plaint que Bush ne peut même pas admettre qu'il a fait une erreur en Irak. Mais quand on lui demande, à elle, si elle a commis une erreur, non seulement en votant pour l'intervention en Irak, mais en votant chaque crédit, elle répond:«Non, elle n'appellerait pas cela une erreur».
Maass: Est-ce que la Sénatrice Clinton ou d'autres candidats de la majorité présentent une véritable politique étrangère alternative par rapport à celle menée sous Clinton?
St. Clair: Je pense qu'ils veulent surtout une gestion plus efficiente de l'empire [des Etats-Unis]. Autrement dit, ce sont des impérialistes. Maintenant, est-ce que leur approche sera différente? Je pense qu'ils vont à nouveau chercher des intermédiaires pour gérer l'empire, plutôt que d'engager des troupes étatsuniennes. Ils vont faire des campagnes de bombardements, et ils vont utiliser l'OTAN ou les Nations Unies pour la gestion impériale sur le terrain. Il s'agirait là d'un changement majeur, qui renvoie à l'ère Clinton.
Cette manière de procéder leur a parfaitement réussi. En effet, quel pourcentage de la population de ce pays comprend que l'Irak a été affamé à mort pendant les huit ans de la présidence de Clinton [embargo], ou que l'Irak était bombardé tous les jours à cette époque? Les gens ne le savent pas. Leur guerre en Serbie a été menée d'une manière analogue. Il s'agissait d'une guerre aérienne. Ils n'allaient pas engager des troupes sur le terrain, même lorsqu'ils pouvaient prévenir des massacres ethniques au Kossovo.
Donc leur stratégie va consister à retirer les troupes et les remplacer par des troupes des Nations Unies et de l'OTAN. Par beaucoup d'aspects, c'était déjà la stratégie durant les années Reagan. On crée des armées de contras [exemple qui a commencé sous Carter contre le Nicaragua] on finance des mujahedins, et ils feront le sale boulot à la place (des troupes étatsuniennes), il suffit de minimiser les retombées.
Maas: Le point où il n'y a aucune différence entre les partis, c'est le soutien à Israël, n'est-ce pas?
St. Clair: Existe-t-il un seul défenseur du Peuple Palestinien au Congrès des Etats-Unis (les deux chambres}? Pas à ma connaissance, Il y a peut-être un défenseur, porte-parole, secret, Jim Moran ou Ron Paul, ou une autre voix isolée.
Il n'est pas surprenant que Hillary soit totalement dévouée à l'Etat israélien. Lors de sa première année en tant que sénatrice, elle a dû, à un moment, se prononcer et s’engager pour la possibilité d'un état Palestinien… d'ici quelques milliers d'années. Immédiatement, le New York Daily News , la Ligue contre la diffamation et le American Israel Public Affairs Committee ont tous fait des déclarations condamnant cela. Et la réaction de Hillary a été de dire: non, pas d'Etat palestinien, ce n'est pas ce que je voulais dire. Elle a appris sa leçon, et elle ne refera plus jamais cette «erreur».
Voilà l'état de la politique étatsunienne. C'est une situation dégoûtante. C'est la raison pour laquelle le seul des candidats présidentiels potentiels que je trouverais un peu intéressant ce serait Chuck Hagel du Nebraska [issu du monde des affaires], qui a été le premier politicien élu à se lever pour dire que l'invasion du Liban par Israël était (wrong), et qu'ils devraient partir tout de suite. Je ne me souviens pas d'avoir entendu un seul Démocrate dire cela !
Je ne pense pas que, fondamentalement, ce soit parce que Hillary Clinton est indifférente à la question des droits humains dans les Territoires Occupés, mais plutôt parce que, à nouveau, c'est le chemin vers le pouvoir. Elle veut devenir présidente, et elle emprunte donc la voie vers le pouvoir qui existe dans le système politique américain (traduction A l’encontre).
* Jeffrey St Clair est un des deux animateurs de la revue Counterpunch. A. Maass est rédacteur de l’hebdomadaire Socialist Worker des Etats-Unis (International Socialist Organization - ISO) Jeffrey St. Clair est l’auteur de nombreux ouvrage, parmi lesquels Imperial Crusades. Irak, Afghanistan &Yougoslavia .
1. John Grisham, né en 1955, a fait des études de droits (droit pénal et civil). Ses romans sont marqués par cette formation (NdR)
2. Huey Pierce Long (1893-1935) était un démocrate populiste du sud. Démocrate, il fut gouverneur de Louisane de 1928 à 1932 et sénateur de cet état de 1932 à 1935. Une fois installé au sénat, il avait mis un homme de «confiance» à la tête de la Louisiane. Il prétendait au poste présidentiel. Le cercle autour de Roosevelt s’en méfiait. Il fut assassiné en prononçant, selon «l’histoire» , la phrase. «Mon Dieu, il me reste tant à faire». (NdR)
3. Bob Woodward, journaliste, qui a fait ses «preuves» lors du Watergate, a écrit The Agenda: Inside the Clinton White House, Simon and Schuster, New York, 1994. A la direction du Washington Post, il a publié en 2002 Bush at War, chez le même éditeur, 372 pages. (NdR)
4. Robert ER. Rubin (né en 1938) a écrit en 2003 des mémoires intitulées In an Uncertain World. Rough Choice from Wallstreet to Washington, Ed. Random House, 427 pages. Après sa place comme ministre de finances, il est revenu aux affaires…bancaires de la Citigroup Inc. (NdR)
(27 février 2007)
Haut de page
Retour
case postale 120, 1000 Lausanne 20
Pour commander des exemplaires d'archive:
Soutien: ccp 10-25669-5
Si vous avez des commentaires, des réactions,
des sujets ou des articles à proposer:
|