Palestine

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Une rencontre médiatisée, mais sans résultat

Entretien avec Kadoura Farhès *

Le lundi 19 février 2007, Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat [ministre des Affaires étrangères], a convoqué un sommet tripartite réunissant, sous son «patronage», le premier ministre israélien Ehoud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas. Comme le remarque le quotidien britannique «The Independent», cette réunion est appelée bien que «président Bush ait manifesté à nouveau des signes de réticence à accepter l’accord négocié par l’Arabie saoudite entre le Fatah et le Hamas» (19.2.2007).

Ehoud Olmert n’a pas manqué de souligner, le dimanche 18 février, qu’il avait une orientation «identique» à celle de Bush, avec qui il s’est entretenu le vendredi 16 février. Le prétexte: l’Autorité palestinienne «n’assumerait renonciation à la violence et l’acceptation des accords précédents.

Tout en convoquant ce sommet, les Etats-Unis maintiennent la politique de boycott des territoires palestiniens et leur opposition à un gouvernement «d’unité nationale» composée par le Hamas et le Fatah, gouvernement qui devrait sortir des accords conclus le 8 février 2007 lors de la réunion qui s’est tenue à La Mecque ; ce gouvernement doit être formé par Ismail Haynieh, un des dirigeants du Hamas.

La pression maximale est exercée sur Mahmoud Abbas afin qu’il recule, une fois de plus. D’autant plus que son pouvoir dans les territoires palestiniens est peut-être moins significatif (s’il s’appuie sur ses seules forces) que des représentants du Fatah le voudraient et veulent le faire croire.

Quant à Olmert, sa coalition est au bord de l’explosion. Il est donc difficile d’entrevoir les raisons pour lesquelles il engagerait une négociation suite à la décision de former un gouvernement «d’unité nationale» palestinien. Ni les frontières d’un futur Etat palestinien, ni le statut de Jérusalem et encore moins le droit au retour des réfugiés ne seront à l’ordre du jour. Qui peut le croire ? Personne. Tout au plus, il sera exigé du Hamas de reconnaître la «validité de la feuille de route» établie dans le cadre des dits accords d’Oslo.

Pour l’heure, les échanges entre les diverses composantes palestiniennes peuvent, peut-être, «limiter» les affrontements des semaines passées. Les grandes opérations diplomatiques internationales auront des résultats à l’inverse du poids médiatique qu’on leur attribue. Rien de concret ne sortira – et n’est sorti – de cette rencontre parrainée par Condy Rice.

Nous publions ci-dessous un entretien avec Kadoura Farhès, publié dans le quotidien belge Le Soir du 19 février 2007. Il traduit l’opinion du courant du Fatah proche de Marwan Barghouti, à ne pas confondre avec le médecin Mustapha Barghouti. (Réd.)

Kadoura Farhès est un homme de confiance de Marwan Barghouti, le dirigeant palestinien le plus populaire. Il a été condamné par les autorités israéliennes à cinq fois ( !) à la prison à vie sous l’accusation d’avoir organisé une série d’attentats. Au cours des semaines passées, Kadoura Farhès a conduit des négociations entre son parti et le Hamas, en vue de la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Cela s’inscrit dans la continuité des initiatives prises depuis la prison par Marwan Barghouti et des codétenus du Hamas. Il a été en contact avec des diplomates israéliens afin de préparer la «conférence de la paix» qui a commencé ce lundi 19 février.

Pensez-vous que le sommet débouchera sur la reprise du processus de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne ?

Kadoura Farhès: Je l’espère, mais j’ai peur de devoir donner une réponse négative. Nous demandons en effet à Israël de reprendre les négociations sur le fond, c’est-à-dire sur le retrait de la Cisjordanie, sur le futur statut de Jérusalem, sur la question des réfugiés. Or, Ehoud Olmert a déjà fait savoir qu’il ne veut pas entendre parler de tout cela. Comme d’habitude, il annoncera peut-être la levée de quelques barrages, mais ce n’est pas ce que nous voulons car le moment est venu de parler de paix.

Les Palestiniens en ont assez des rencontres creuses qui ne débouchent que des poignées de main factices. Il est temps qu’Israël cesse de se retrancher derrière une série de conditions préalables pour entamer un vrai dialogue constructif. Ses dirigeants affirment que seule la «feuille de route» (un plan américain endossé par la communauté internationale, ndlr) peut nous permettre de retrouver la voie du dialogue, mais ils savent bien que ce plan ne sera jamais appliqué, Il est obsolète et les diplomates occidentaux en poste dans la région le reconnaissent en privé.

Le Hamas ne reconnaît pas Israël mais sera majoritaire dans le gouvernement palestinien d’union nationale en cours de formation. Ehoud Olmert n’a-t-il pas raison de s’en méfier ?

K.F.: Durant les négociations préalables à l’accord de La Mecque qui a débouché sur l’union nationale, je me suis rendu à Damas où j’ai longuement discuté avec le leader de la branche politique du Hamas Khaled Meshaal. Contrairement à ce que l’on raconte à Jérusalem, cet homme a les pieds sur terre et il est intelligent. Il m’a affirmé à plusieurs reprises et devant témoins qu’il considère Israël comme une réalité même s’il combat l’occupation des territoires. Il m’a aussi dit que le Hamas accepterait toutes les résolutions des Nations unies, y compris celles reconnaissant l’Etat hébreu, à la condition que ce dernier applique celles qui l’obligent à évacuer les territoires occupés depuis 1967.

En tout cas, Meshaal n’a jamais parlé devant moi de détruire Israël. En revanche, il a clairement évoqué le retour de ce pays à ses frontières de 1967 et la création d’un Etat palestinien, dans les territoires évacués, comme solution possible du conflit.

Avez-vous tenu les décideurs israéliens informés des propos du leader du Hamas ?

K.F.: Bien sûr. Car je suis en rapport régulier avec les députés et même parfois des ministres israéliens. Que pensez-vous que je leur dise lorsque nous discutons ? Il y a dix jours, je me trouvais encore au Ministère des affaires étrangères israélien pour préparer le sommet tripartite de lundi 19 février. J’y ai rencontré de hauts fonctionnaires et nous avons parlé. Ils savent qu’une ouverture est possible.

Le Hamas soutient-il la rencontre tripartite de ce lundi 19 ?

K.F.: Mahmoud Abbas dispose du plein soutien de Meshaal pour rencontrer Olmert. A Damas, le leader du Hamas me l’avait déjà dit, et il l’a répété publiquement.

Votre président peut-il compter sur l’appui de toutes les fractions palestiniennes et de la population des territoires si un dialogue avec Israël s’engageait ?

K.F.: Je vous réponds «oui» sans hésiter car avant la conclusion de l’accord de La Mecque, de nombreux échanges ont eu lieu entre les différentes tendances de notre échiquier politique. Je peux par exemple révéler qu’à partir de sa cellule, Marwan Barghouti a joué un grand rôle dans ces discussions. Il a rapproché les points de vue. Mahmoud Abbas est aujourd’hui plus fort que jamais. Il peut négocier un accord important, et Olmert aurait tort de laisser passer une telle occasion.

* Kadoura Farhès est officiellement conseiller du président Mahmoud Abbas. Cet entretien a été publié dans le quotidien belge Le Soir.

(20 février 2007)

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