Gaza
Hossam Fawzi Manna
«Les pays arabes ne participent
qu’à 2% du financement»
Entretien avec Hossam Fawzi Manna *
Hossam
Fawzi Manna est chef
du programme de secours et des services sociaux de l’UNRWA à Gaza.
Il évoque les difficultés de travailler sous le blocus et les
dernières attaques contre les camps d’été des enfants. Cet
entretien a été conduit par Doaa Khalifa et Nader Taman.
Al-Ahram Hebdo:
Les camps d’été
des enfants créés par l’UNRWA ont été la cible d’attaques
successives en deux mois. En quoi consiste exactement leur mission et
pourquoi ont-ils été attaqués ?
Hossam Manna: Les
camps d’été des enfants constituent un projet qui a été créé
par l’UNRWA (Agence de l’Onu pour le secours des réfugiés
palestiniens) après le blocus et face aux conditions de vie
difficiles dont souffrent les enfants, surtout après les derniers
raids israéliens contre la bande de Gaza. L’UNRWA a pensé à
alléger les problèmes économiques, sociaux et psychologiques de
250'000 enfants entre 7 et 15 ans en leur permettant l’accès à
des différentes activités artistiques, sportives et culturelles
dans des camps d’été qui se tiennent dans les écoles ou au bord
de la mer, pour les plus âgés. Un projet qui a porté ses fruits et
qui attire de plus en plus d’enfants qui recherchent une
distraction sous ce blocus. Cela permet aussi aux jeunes en chômage
de travailler pendant l’été.
Cependant, le projet
a été
critiqué pour plusieurs raisons. Premièrement, la mixité dans les
camps a été refusée. On a créé des camps pour les filles,
interdits aux hommes, et où tous les surveillants et le personnel
sont des filles. D’autres sont réservés aux garçons. Nous tenons
à respecter les traditions et à tout faire pour permettre aux
enfants d’avoir accès aux activités et aux divertissements dans
ces camps. Certains disent que les activités de l’UNRWA privent
les enfants d’autres genres d’activités et que le financement
des camps d’été influe sur le budget des autres programmes
d’aides de l’UNRWA. Je leur réponds que l’UNRWA n’est en
compétition avec personne.
Elle accomplit une
mission: offrir des services aux réfugiés
depuis 60 ans sans entrer en compétition avec quiconque. En ce qui
concerne le programme, ces camps offrent des activités aux enfants,
4 heures par jour pendant 12 jours seulement, afin de permettre
à tous d’avoir accès aux divertissements, ce qui leur permet de
faire d’autres activités. Et pour ceux qui disent que le
financement du projet de camps d’été absorbe celui d’autres
projets importants, j’assure que c’est un projet indépendant
avec son budget et ses outils. Cependant, des hommes masqués ont
incendié les installations de deux camps d’été en mai et juin
derniers.
Quelle a été
la réaction de l’UNRWA face à ces attaques ?
Nous ne connaissons
toujours pas les coupables. La police poursuit son enquête. De telles attaques n’affecteront pas notre
mission qui vise à apporter un peu de joie dans le quotidien des
enfants qui ont tant souffert et qui mènent toujours une vie
précaire et étouffante sous le blocus. Les camps détruits ont été
rapidement réparés et ont repris leur travail le lendemain de
l’attaque.
Cette année,
la quatrième depuis le lancement du projet, enregistre le plus grand
taux de présence. Ce qui assure que les attaques n’ont pas réussi
à nuire au projet. Nous continuerons à offrir ces services avec une
qualité meilleure, surtout que ce projet offre des opportunités de
travail à environ 7 000 jeunes chômeurs à Gaza, et participe à
faire bouger le mouvement commercial en achetant la plupart du
matériel et des outils nécessaires au projet sur le marché local.
Ici, Nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Nous sommes là
pour traiter et défier les sentiments négatifs chez les Gazaouis
face à leur détresse.
Après
quatre ans de blocus, comment évaluez-vous la situation humanitaire
à Gaza ?
Le blocus a paralysé
les différents aspects de la vie à Gaza. Les queues devant les
boulangeries, les coupures de l’électricité, la stagnation
économique, la fermeture des usines et les interdictions de la pêche
ont eu des conséquences néfastes sur le quotidien des gens et leur
santé psychique.
Le taux de pauvreté
a augmenté. En plus de 20’000 familles déjà considérées comme
menant des conditions de vie difficiles et méritant des aides
urgentes, 36’000 autres familles ont été classées en dessous du
seuil de pauvreté (1,23 dollar par jour, selon l’UNRWA et moins de
deux dollars, selon le Centre palestinien des statistiques). Des
familles vivent toujours avec leurs enfants sous les tentes par
manque de matériaux de construction.
En ce qui
concerne la santé, la situation est déplorable, à cause du manque
du matériel médical et de l’état lamentable des hôpitaux. Ces
circonstances entraînent des problèmes sociaux et psychiques très
compliqués chez les Gazaouis, notamment les enfants pour qui nous
essayons d’élaborer des programmes de réhabilitation et des
séances psychologiques dans les écoles. Et ce, pour leur garantir
un développement humain et une éducation normale.
Quelle est votre
contribution dans l’allégement
des impacts du blocus ?
Outre les aides
alimentaires que nous offrons à
70 % des réfugiés de Gaza, nous avons doublé nos aides pour
environ 180 personnes dans le cadre du programme d’urgence. 8000
personnes sont aussi recrutées pour lutter contre le chômage, pour
une durée de six mois ou un an.
Nous avons lancé
aussi des initiatives pour améliorer le système éducatif et la
capacité des enfants à poursuivre leurs études dans des conditions
compliquées.
Nous offrons aussi
les premiers soins médicaux,
y compris la vaccination des enfants et le traitement de quelques
maladies chroniques. Nous essayons aussi de faire des pressions pour
permettre l’accès du matériel médical.
Quels sont les
problèmes
qui entravent votre travail à Gaza sous le blocus ?
L’interdiction
du passage des matériaux de construction est un vrai problème. Des
milliers de familles de réfugiés ont besoin de maisons. Nous avons
passé des mois à coordonner avec la partie israélienne pour nous
permettre d’accéder aux matériaux de construction. Après de
longues négociations, on nous a permis d’avoir les matières pour
construire 151 unités à Khan Younès. Nous attendons toujours
d’autres quantités pour le reste du projet.
L’entrée
et la sortie des employés de l’UNRWA sont aussi soumises à
plusieurs restrictions. Les Israéliens compliquent leurs mouvements
et nous essayons de faire des accords avec le gouvernement égyptien
pour permettre à nos employés de voyager à travers le terminal de
Rafah. Nous avons aussi un grand problème qui concerne notre
financement. Il y a un grand déficit dans le budget de l’UNRWA à
Gaza. Parfois, nous ne pouvons pas couvrir les salaires des employés.
Nous recherchons toujours des ressources supplémentaires pour
couvrir les dépenses et les besoins de nos projets.
Cependant, les pays
arabes ne participent
au financement qu’à la hauteur de 2 % et dans quelques projets
seulement. Ce qui rend notre mission très difficile. Nous appelons
les pays arabes à réagir et à offrir plus d’aides, afin de
relancer et d’encourager les projets humanitaires de l’Onu à
Gaza.
Les Israéliens
ont annoncé dernièrement des mesures pour alléger le blocus. Qu’en
pensez-vous ?
Je ne vois pas de
vrai changement. Ils ont permis l’entrée
de quelques produits alimentaires seulement. Les habitants de Gaza ne
réclament pas cela, ils veulent qu’on mette fin à ce blocus. Les
gens ont besoin d’avoir de matériaux de construction, de relancer
ce genre de projets, de rouvrir les usines et de créer un mouvement
économique, afin de limiter le chômage qui règne dans la bande. Il
n’y a pas de changement réel, et la situation ne s’améliorera
pas si on ne met pas de terme à ce blocus.
* Il a
été publié dans l’hebdomadaire egyptien Al-Ahram.
(7 juillet 2010)
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