Palestine

 

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Gaza: une économie sous perfusion

Maude Girard *

Alors que le 2 mars 2009 se réunissaient, en Egypte, les représentants de ladite communauté internationale afin de discuter d’une «aide massive» à délivrer à Gaza, le gouvernement israélien multipliait les entraves à l’entrée à Gaza, entre autres de produits alimentaires (les macaronis, par exemple) fournis par divers programmes d’aide. Cela sous prétexte de «sécurité». Mesures qui ont suscité la colère ouverte du responsable suisse de la DDC (Développement et coopération) pour Gaza et la Cisjordanie, Mario Carrera.

De plus, le 2 mars 2009, la presse israélienne dévoilait l’existence d’un rapport envisageant de doubler les implantations de colons en Cisjordanie…

Afin de remettre en perspective de Xième opération «d’aide internationale» aux Palestiniens, nous publions ci-dessous un article qui fait fonction de «piqûre de rappel». De plus, il faut rappeler la prise de position de diverses ONG palestiniennes qui exigent un contrôle par la population de l’utilisation de cette aide. (Red.)

La conférence des donateurs [du 2 mars 2009 à  Charrm El-Cheikh] a des airs de déjà-vu. Et pour cause, en décembre 2007 déjà, les principaux pays donateurs s’étaient longuement concertés quant aux aides financières à réunir pour Gaza. Cette rencontre faisait suite au blocus de Gaza qui avait commencé en juin. De fil en aiguille, la communauté internationale était parvenue à réunir des fonds importants. En effet, les pays donateurs avaient promis 7,4 milliards de dollars aux Palestiniens, lors de la conférence internationale à Paris. Une promesse de dons bien supérieure aux requêtes palestiniennes. L’Arabie saoudite avait alors rejoint le trio de tête, constitué de l’Union Européenne (UE) et des Etats-Unis, pour devenir le premier bailleur de fonds arabe des Palestiniens avec une promesse de dons de 500 millions de dollars. La Commission européenne, premier donateur, avait promis 650 millions de dollars sur 3 ans. Suivie par les Etats-Unis avec 555 millions de dollars, la Grande-Bretagne (490 millions de dollars), l’Espagne (360 millions de dollars), ou encore la France et l’Allemagne. Quelque 90 délégations avaient participé à la Conférence des donateurs chargés de mobiliser les fonds pour remettre à flot l’économie palestinienne et ouvrir la voie à la création d’un Etat viable espéré pour la fin de 2008.

Avant 2007, les territoires palestiniens bénéficiaient déjà d’une aide internationale importante. En effet, l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) a quatre sources majeures de recettes, la plus importante étant les fonds provenant de l’étranger par le biais des mécanismes d’aide.

Bien que le montant précis de ces fonds alloués à l’Autorité par les gouvernements étrangers et/ou par les agences d’aide internationale soit difficile à établir, toutes les sources s’accordent pour suggérer que le montant total reçu ces dix dernières années a été assez élevé.

D’après les estimations de la PASSIA (Société académique palestinienne pour l’étude des Affaires internationales), les engagements des donateurs depuis l’établissement de l’Autorité en 1994 jusqu’en octobre 2005 se sont élevés au total à environ 6 milliards de dollars tandis que le montant effectivement déboursé pendant la même période serait d’environ 5 milliards de dollars.

Le gros de ces fonds est venu des Etats-Unis, de l’UE, de divers pays de l’UE (parmi lesquels la Suède, le Royaume-Uni l’Allemagne et la France sont les plus importants), du Japon, de la Banque mondiale et des pays arabes. Les analyses montrent qu’environ 90 % du montant total déboursé ces dix dernières années aurait été reçu par l’Autorité palestinienne au cours des 5 dernières années. Selon M. Nigel Roberts, ancien représentant de la Banque mondiale dans les territoires palestiniens, les Palestiniens ont reçu un total de 5 milliards de dollars en 5 ans, soit un montant annuel de 300 dollars par tête. Au mois d’août 2008, pour soutenir le gouvernement, la communauté internationale lui avait versé une aide budgétaire d’environ 1,2 milliard de dollars.

Des mécanismes d’aide différents

Il est particulièrement difficile de vérifier quels montants d’aide étrangère ont été effectivement versés à l’Autorité palestinienne sur ces années, parce que les donateurs étrangers ont tendance à allouer des fonds aux Palestiniens par des mécanismes différents.

Il existe deux formes d’aide principales: d’un côté, un soutien financier direct à l’Autorité (dans les années récentes, un soutien direct pour maîtriser les déficits croissants du budget) et, de l’autre côté, une aide humanitaire de lutte contre la pauvreté, de soutien à des institutions et de projets d’infrastructures.

Le pourcentage des sommes allouées directement à l’Autorité n’apparaît pas clairement par rapport aux sommes allouées à des ONG et des institutions internationales. Il semblerait néanmoins qu’au moins 20 % du montant versé annuellement par les donateurs étrangers est alloué directement aux ONG locales et non directement à l’Autorité. En ce qui concerne les territoires palestiniens, ce problème de chiffrage est plus diificle qu’on ne l’imagine généralement: entre aide directe (fonds à l’Autorité) et aide indirecte (fonds aux ONG locales et aux institutions internationales), la ligne est très floue.

La question du financement par l’aide internationale de l’Autorité palestinienne est aussi importante et controversée que les questions qui entourent l’utilisation de cette aide. Il est impossible d’établir avec exactitude à qui elle profite. De même que la nature des dons, ces aides récurrentes posent une autre question. En vue du contexte économique actuel de crise mondiale et de récession, les aides pourraient se tarir à long terme et rien ne laisse penser que l’Autorité nationale palestinienne aurait les moyens de colmater, seule, la brèche devenue fossé.

* Cet article a été publié dans l’hebdoimadaire égyptien Al-Ahram.

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