Guadeloupe

Jean-Marie Nomertin

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«Il y aura la Guadeloupe avant le 20 janvier 2009,
et la Guadeloupe après le 20 janvier»

Jean-Marie Nomertin *

Messieurs Mesdames les journalistes,
Monsieur le Maire,
Chers Camarades des organisations invitées,
Chers Camarades de la CGTG,

Je souhaite la bienvenue à tous nos invités, à tous ceux qui sont présents dans cette salle, à tous nos camarades….

Tous les présents à ce congrès de la CGTG s’attendent évidemment à ce que nos débats soient profondément marqués par l’événement exceptionnel que nous venons de vivre [les 44 jours de grève générale]

Il y a à peine quelques semaines, peut être deux ou trois mois, nous nous posions le problème de savoir comment passer des grèves sectorielles, des grèves dans des entreprises isolées, à une véritable grève mobilisant l’ensemble des salariés.

Nous avons eu la réponse à cette question. Il ne s’agissait pas de chercher la bonne recette, la bonne formule chimique ou magique !

La réponse, elle était dans les masses laborieuses. Elle était dans la profondeur de leur mécontentement, elle était dans la montée d’un profond sentiment d’injustice !

Car c’est ce mécontentement, ces sentiments qui ont explosé dès lors qu’ils ont eu la possibilité de le faire.

Les raisons de ce mécontentement nous les connaissons tous. C’est à partir de là que nous avons dressé le programme de revendications de LKP [Collectif contre l’exploitation outrancière]. Les raisons du mécontentement et même de la colère ce sont les bas salaires, les emplois précaires, l’insuffisance des minimas sociaux, les licenciements abusifs, le coût de la vie insupportable, l’arbitraire dans la fixation des prix des services publics, des loyers, les abus et trafics en tout genre, notamment de la Sara [Société Antillaise de Raffinerie des Antilles]!

C’est tout cela ce que nous avons appelé la pwofitasyon contre l’ensemble de la population !

Et tout cela se retrouve dans quelques chiffres: nous avons près de 30 % de chômeurs, trois fois plus que le taux de la France;  nous avons plus de 24’000 Rmistes; le taux de la Guadeloupe est à 7, 5%, là aussi c’est 5 fois le taux de France;  notre Produit intérieur brut et notre Produit national brut sont largement inférieurs à ceux de France;  nous avons une personne sur six de notre population qui vivent avec un revenu les plaçant sous le seuil de pauvreté.

Concernant la situation de l’économie, un chiffre global montre la gravité de notre situation: les exportations de Guadeloupe ne représentent que 7 à 8 % des importations. Autrement dit, nous sommes complètement dépendants des importations pour tous les aspects de notre vie, y compris pour notre alimentation.

L’essentiel de l’activité économique de la Guadeloupe c’est la commercialisation de tout ce qui est importé et très peu de production pour satisfaire les besoins de la population!

Et pendant la grève générale nous avons pu vivre quotidiennement ce problème. Certes les petits producteurs locaux ont fourni quelques fruits et légumes, un peu de féculents (ignames, patates, etc.), et les pêcheurs ont fourni du poisson ! Mais globalement, nous avons constaté l’insuffisance grave de l’alimentation produite localement. Nous ne produisons plus de lait, par exemple, et pas assez des autres éléments de l’alimentation, ou rien du tout !

Si je vous parle de ce problème, c’est pour mettre en évidence le rôle du groupe de capitalistes qui contrôlent la vie économique de ce pays et qui s’opposent à toute forme de développement local.

Ce groupe de capitalistes est composé du groupe des békés capitalistes; il comprend aussi des représentants des grandes sociétés françaises ou européennes présentes ici [Nestlé s’est installé, dès 1968, en Guadeloupe, Martinique et en Guyanne]

Le groupe capitaliste qui pille la Guadeloupe est à la fois importateur, distributeur et propriétaire de toute la grande distribution, et d’une partie de la petite et moyenne distribution, et en tant que grands planteurs et exportateurs de banane, de rhum et d’alcool, ils possèdent la majorité des terres agricoles !

Ce groupe capitaliste contrôle encore les quelques secteurs productifs qui existent en dehors de l’agriculture, notamment l’hôtellerie !

Camarades ! Nous le voyons bien ce groupe de capitalistes imposent à toute la population de ce pays leurs règles et la rendent complètement dépendante de ce qu’il décide ! Ils sont nos maîtres absolus ! Et cela doit cesser !

Lors de la grève générale nous avons vu quel rôle nuisible, quel rôle de blocage a joué ce groupe de gros capitalistes ! Et là je vous dis que le comportement de ces gens-là doit être qualifié de criminel ! Oui ! Camarades, leur comportement dans la grève générale peut être qualifié de criminel ! Et je peux le démontrer simplement !

Rappelez-vous ! Dès le 8 Février 2009, l’accord sur les 200 euros était prêt. Nous devions le signer à quatre heures de l’après midi. Et la signature a capoté. Monsieur Jégo [secrétaire d’Etat français chargé de l’Outre-Mer] qui avait participé activement à la mise sur pied de l’accord, qui était en relation avec son gouvernement, qui était d’accord pour signer jusqu’au petit matin, a changé d’opinion en cours de journée ….ou plutôt son gouvernement a changé d’opinion.

Et pourquoi ? Que s’est-il passé entre-temps ?

Tout simplement les représentants des gros capitalistes et en particulier le groupe Bernard Hayot [présent aux Antilles, en République Dominicaine, en Algérie, au Maroc,en Chine…] – sans doute avec du MEDEF de France - sont intervenus au niveau du gouvernement pour s’opposer à cet accord sur les 200 euros. Alors Fillon [le Premier ministre] a déclaré: «Ce n’est pas possible, l’Etat ne peut pas intervenir» . Or tous ces temps-ci l’Etat n’arrête pas «d’intervenir», distribuant des milliards aux banques, rachetant ceux qui coulaient, subventionnant tous les canards boiteux. Fillon a menti et a trahi l’accord qu’il avait accepté avec Jégo dans la nuit du 8 février 2009.

Alors pourquoi peut-on dire qu’il y a eu «agissements criminels» de la part de ces gros capitalistes ? L’explication est simple.

Rappelez-vous encore camarades ! Nous avons signé l’accord final sur les salaires, l’accord Bino, le jeudi 26 Février. Cet accord c’est celui-là même qui a été rejeté par le gouvernement sous la pression des capitalistes locaux le 8 février. Entre le préaccord du 8 février et l’accord final du 26 Février il s’est écoulé 18 jours. Et que s’est-il passé pendant ces 18 jours ? Devant la menace que patrons et gouvernement faisaient peser sur notre grève générale, sur notre lutte, devant leur volonté évidente de nous faire mordre la poussière nous avons réagi ! Car ces gens-là voulaient conduire le LKP et toute la masse des travailleurs et du peuple vers un échec retentissant.

Nos adversaires pensaient qu’un tel échec aurait servi à nous donner une leçon inoubliable et cela nous aurait fait regretter, nous les petits nègres, d’avoir osé nous dresser face à nos exploiteurs, face à tous ces gens qui nous pillent, nous oppriment et nous méprisent en plus.

Alors, le LKP s’est redressé sous l’injure de Jégo et du gouvernement français. Toute la masse du peuple en lutte a relevé le défi ! Et nous nous sommes battus pendant 18 jours farouchement pour les obliger à revenir et à signer l’accord qu’ils avaient trahi le 8 février.

Alors, camarades, vous vous demandez où est le crime ? C’est que le cynisme et la méchanceté de ces gens là qui nous ont contraints à une lutte dure, à dresser des barrages dans toute la Guadeloupe ! Et nous nous sommes battus jour et nuit, pendant plusieurs jours ! Et il y a eu des drames. Et cela aurait pu être encore plus grave !

Et face à nous, sur les barrages, près des entreprises, ces gens-là ont lancé contre nous leurs chiens de garde; les mamblos [gendarmes anti-émeutes] nous ont réprimés, grenadés, battus, arrêtés, et ont aussi tiré sur des jeunes ! Car des jeunes se sont battus la nuit, à leur façon !

Il y a eu des victimes dans cette période de lutte que les gros capitalistes nous ont contraints à mener ! Ils en sont les responsables ! Et c’est au cours de toute cette lutte que notre camarade JACQUES BINO a trouvé la mort, dans des circonstances que nous estimons, encore aujourd’hui, troubles et qu’il faudra éclaircir un jour ! Un autre jeune homme a perdu la vie en percutant un barrage, un troisième a été gravement blessé et un quatrième jeune a reçu des balles dans la jambe, ce qui lui a causé une grave blessure.

Oui, le refus de signer l’accord le 8 Février a eu des conséquences dramatiques et cela à cause de la voracité, de la soif de profits de ce groupe de capitalistes qui dominent la Guadeloupe, la Martinique et même au-delà.

Oui, les agissements de ce groupe de capitalistes ont été criminels parce qu’il a cherché par tous les moyens à amener la situation au pourrissement.

Oui, leurs agissements ont été criminels parce qu’ils ont cherché à amener la grève à l’exaspération et au désespoir qui auraient poussé les grévistes et le mouvement populaire, particulièrement les jeunes, à se lancer dans des opérations désespérées. Ce qui aurait permis alors aux mamblos de faire leur travail, c’est-à-dire de réprimer brutalement, de réprimer dans le sang et de refaire un mai 67 en Guadeloupe [le nombre de morts en mai 1967 n’a jamais été établi par les «autorités» françaises; il est fort élevé – voir à ce propos Luttes syndicales et politique en Guadeloupe, Paul Tomiche, Tome 2, Mai 1967. La répression, Ed. L’Harmattan, janvier 2009]

Mais ce groupe de capitalistes n’a pas obtenu satisfaction, car les travailleurs mobilisés, entourés de tout le peuple des démunis, des humiliés, des pauvres de ce pays, ont fait preuve d’une grande lucidité et d’une grande capacité d’organisation. Cette simple constatation, le Préfet l’a faite lors des journées de barrages. Il a compris qu’il ne pouvait pas se lancer dans une répression brutale ! Car cela aurait été une opération aventureuse dont il ne connaissait pas la fin ! Ni lui, ni son gouvernement !

Nous ne sommes plus en Mai 1967

La répression n’aurait pas pu frapper dans un quartier de Pointe-à-Pitre et entraîner la peur et la panique dans tout le reste du pays ! C’est le contraire qui se serait produit. Beaucoup de gens en Guadeloupe étaient sérieusement décidés à ne pas reculer devant la répression ! C’est une donnée que nos adversaires doivent faire entrer dans leurs calculs.

Non cela n’est plus possible aujourd’hui ! Nous n’accepterons plus un Mai 67, les bras croisés ! ELIE Domota l’a dit à plusieurs reprises et comme il disait pendant la grève: «nou ka di zot sa jantiman» ! Pendant les journées de barrages c’est toute la population qui était debout et organisée. Car les barrages représentaient l’organisation des travailleurs et du peuple de ce pays pour imposer à nos adversaires le retour à la signature du 8 Février; et aussi pour répondre à toute tentative de répression contre les travailleurs et le peuple de Guadeloupe.

Nous avons réussi à déjouer leurs plans criminels et nous avons remporté la victoire que nous voulions: signer sur la base du 8 février et c’est ce que nous avons fait! C’est une victoire de la détermination, une victoire de l’unité, une victoire de notre haut niveau de conscience pendant toute cette lutte. Et je vous le dis ce n’est que le début; notre lutte ira encore plus loin, préparons-nous encore plus sérieusement dès maintenant !

Quels sont donc les acquis du mouvement lancé le 20 janvier, à l’heure ou nous réunissons notre congrès ?

Donc, malgré les manœuvres des patrons et du gouvernement notre lutte a remporté la victoire. Je ne vais pas entrer dans les détails des accords que nous avons signés; mais je peux affirmer que ce que nous avons gagné avec la grève générale n’aurait jamais été possible avec de simples grèves sectorielles ou dans des entreprises isolées. Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps lorsque nous rencontrions les patrons dans une NAO [Négociations Annuelles Obligatoires], ils nous offraient généreusement 1 % ou 1,5 %, et encore. Parfois, les patrons disaient: «Applicable en deux fois» !

Avec les 200 euros, c’est évidemment beaucoup plus. Nous sommes passés de ces 1 ou 2% à plus de 15 % d’augmentation. Et, de fait, nous avons établi le SMIC à plus de 1500 euros ! 

Il y a aussi les augmentations pour les autres catégories; il y a le gel des loyers; il y a la baisse des carburants; il y a la baisse des prix de la grande distribution (qu’il faudra surveiller de près !); il y a la baisse des services divers. Et ajoutons que toute une série d’abus et de magouilles ont été dénoncés, mis en évidence devant la population. Ce qui fait qu’aujourd’hui, dans tous les domaines, nous avons une population qui a les yeux ouverts et qui a compris qu’il ne faut pas se laisser faire, qu’il faut tout surveiller, qu’il faut demander des comptes à tout ceux qui disposent du pouvoir économique, administratif, réglementaire, etc.

Oui, camarades, nous avons arraché pas mal de choses sur le plan matériel, sur le plan des revendications pour améliorer nos conditions de travail et de vie. Je vous invite à lire attentivement la plate-forme de LKP et l’accord final signé entre LKP et ceux qui nous faisaient face.

Cela permet de voir l’ampleur des problèmes que la grève générale du 20 Janvier a soulevés.

Ces problèmes touchent tout le fonctionnement de la société guadeloupéenne et il faudra encore d’autres luttes pour changer tout cela. Quelqu’un a dit: «Tous les biens ne sont pas matériels» ! Et nous avons aussi acquis dans cette grève générale des biens qui ne sont pas matériels, mais qui sont déterminants pour l’avenir de nos luttes.

Que s’est-il passé à partir du 20 Janvier 2009 ?

Nous les travailleurs, avec nos organisations syndicales, tous unis dans le LKP, soutenus par toutes les organisations politiques, culturelles, associatives qui sont liées à la vie et au combat des travailleurs et du peuple de Guadeloupe, nous avons déclenché une grève générale. Très rapidement, toutes les couches pauvres de notre peuple, les chômeurs, les Rmistes, les retraités, les handicapés, tous ceux qui sont démunis, écrasés, humiliés dans cette société dominée par les exploiteurs et les profiteurs, tous ceux-là ont senti que notre grève générale était puissante, qu’elle était déterminée à aller jusqu’au bout du combat.

Alors ils ont eu confiance dans ce combat. Ils ont senti que ce combat était sérieux. Alors eux aussi, ils ont repris confiance en eux-mêmes ! Et on les a vus débouler par dizaines de milliers pour apporter leur force et leur courage, afin que la grève générale remporte la victoire. Et c’est cela que nous avons gagné de plus important: nous avons fait l’expérience d’une grève tous ensemble.

Nous avons fait l’expérience de la puissance que représente notre classe quand elle se met en mouvement. L’action de notre classe est capable de paralyser l’économie, elle est capable d’entraîner dans la lutte toutes les masses populaires, elle est capable de poser une question fondamentale à ceux qui dominent la société: qui est le véritable maître de l’économie ?

Camarades, nous avons fait l’expérience de la grève générale et d’une grève générale de 44 jours qui a affronté toutes sortes d’obstacles, une grève générale qui s’est trouvée face aux manœuvres, aux magouilles, aux ruses du pouvoir et de certains politiciens. Une telle expérience va marquer notre conscience pour très longtemps. C’est comme pour le cyclone de 1928 [en septembre 1928, la Guadeloupe, où l’activité cyclonique est forte et répétée, a été touchée par un cyclone qui a marqué les mémoires: il a fait entre 1500 et 2000 morts]. Il y aura la Guadeloupe avant la grève générale du 20 Janvier 2009 et la Guadeloupe après le 20 Janvier 2009.

Oui, nous avons gagné de réelles améliorations matérielles au niveau des salaires, au niveau du coût de la vie, mais l’acquis moral est notre bien le plus précieux.

Il y a un proverbe chinois qui dit: «Tu peux donner un poisson à un homme qui a faim, mais le meilleur moyen de l’aider c’est de lui apprendre à pêcher». Avec la grève générale, nous avons appris à pêcher.

Nous savons aujourd’hui comment nous devons faire pour contraindre nos exploiteurs à lâcher ce que nous exigeons. Et il ne faudra pas relâcher notre pression. Il ne faudra pas oublier quelle méthode nous avons utilisée à partir du 20 Janvier 2009.

Camarades ! Nous devrons garder dans notre conscience quelles méthodes nous avons utilisées pour mener ce combat-là, quels moyens nous avons mis en œuvre, quelle fraternité de combat nous avons créée entre tous les travailleurs quelle que soit leur entreprise, quelle unité de lutte nous avons créée dans le LKP.

Dans la grève générale, il n’y avait pas des employés de commerce, des ouvriers du bâtiment, des employés d’EDF, des employés municipaux, des enseignants, etc., il y avait un grand mouvement de masse et de classe tous unis, tous ensemble dans un même combat. Nous avons souvent crié notre mot d’ordre: «Ansanm nou ké lité, ansanm nou ké gannyé». Et bien, c’était une réalité pendant ces 44 jours !

Notre classe de travailleurs salariés a démontré qu’elle pouvait se battre sur ses propres revendications, et qu’elle pouvait offrir des solutions pour améliorer la situation de tout le peuple laborieux, de tout le peuple opprimé.

Durant ces 44 jours, nous, travailleurs, nous avons été dignes du rôle que nous jouons dans l’économie et dans la société. C’est nous qui bâtissons, c’est nous qui créons, c’est nous qui éduquons, c’est nous qui faisons la richesse des profiteurs qui pillent la Guadeloupe. Et bien c’est nous qui apportons la solution aux problèmes de la société.

Camarades, nous devons avoir la fierté d’être membres de cette classe des travailleurs, des producteurs, des bâtisseurs ! A partir d’aujourd’hui, nous devons prendre à bras-le-corps tous les problèmes qui paralysent l’évolution et le développement de la Guadeloupe et de son peuple. Et il faut que notre syndicat, la CGTG se mette rapidement à la hauteur de cette ambition. Après ce mouvement de grève générale, beaucoup de travailleurs, jeunes et moins jeunes regardent vers nous, mettent en nous leur espoir.

Ils ont compris que pour se battre, pour changer les choses il faut être ORGANISÉ, un salarié doit nécessairement entrer dans un syndicat quel qu’il soit.

Quand on est un salarié, on est automatiquement un exploité. Et le devoir d’un exploité est de se battre contre l’exploitation ! Et pour cela il faut être ensemble avec les autres exploités, il faut être organisé.

La grève générale a été suspendue le 4 Mars

Mais que voyons-nous aujourd’hui, en ce moment même et depuis le 4 Mars ? Les travailleurs ont tiré la leçon du grand mouvement qu’ils ont accompli. Ils savent que pour changer les choses il faut se battre collectivement et farouchement. Alors depuis le 4 Mars nous assistons à une vague de grèves qui balaye sur son passage toutes les résistances des patrons du MEDEF qui refusaient de signer l’accord Jacques Bino. Au fur et à mesure que la vague avance, nous arrachons leur signature. Mais la vague est loin d’être terminée. Beaucoup de combats sont menés en ce moment même. Un journaliste faisant le point sur RFO (Radio Française d’Outre-Mer) disait: «il y a plus d’une quinzaine de conflits en cours».

Mais il y a tous ceux qui sont en préparation car partout où il y a un salarié dans le privé, l’accord Bino doit être appliqué.

Les précaires n’ont pas encore gagné leur combat. Les salariés des entreprises dites EPIC n’ont pas encore gagné non plus, les employés de pharmacie ont commencé à s’organiser. Il faut que les patrons comprennent partout en Guadeloupe que la situation des salariés ne peut plus rester comme avant. Il faut que le salarié puisse avoir une vie décente avec son travail. Il doit gagner un salaire suffisant pour cela.

En ce qui concerne les travailleurs qui sont dispersés dans une quantité de petites entreprises ou isolés, comme dans les pharmacies par exemple, eh bien leur lutte ne consistera pas à être chacun seul face à son patron. Nous appliquerons le principe du soutien massif, comme on l’a fait avec le LKP. Ce que les anciens appelaient la grève marchante. Partout où les travailleurs auront besoin de soutien nous devrons y aller par cinquante, par cent, par cinq cent si nécessaire.

Je le dis avec force en pesant bien mes mots, aucun travailleur ne doit se battre tout seul. Ils doivent trouver à leurs côtés la CGTG, ou d’autres syndicats et LKP pour soutenir leurs luttes face à leurs patrons. Et je le dis aux militants et aux membres de la CGTG, nous avons une tâche nouvelle, inscrite dans notre calendrier d’activités: la solidarité active avec tout salarié qui entre en conflit avec son patron. Et il faudra nous organiser sérieusement pour être efficace sur ce plan-là. Désormais à la CGTG, il ne doit plus y avoir des cégétistes de telle ou telle entreprise, de telle ou telle fédération, de tel ou tel syndicat de base, la CGTG doit constituer une seule grande unité combattante ! Nous devons appliquer le principe de UN POUR TOUS ! TOUS POUR UN !

Quelle que soit l’entreprise où vous êtes, cégétistes vous devez être mobilisables à tout instant pour aller soutenir des travailleurs en lutte, n’importe où, face à leur patron. Je sais en disant cela, quel effort et quel sacrifice cela demande à chacun. Mais je sais aussi et vous le savez tous, que si nous agissons ainsi nous deviendrons une force qui aura la capacité de faire respecter les salariés par les exploiteurs. Et nous aurons besoin d’une telle force.

Vous le savez, les patrons sont déjà en train de réfléchir sur comment nous faire perdre les fruits de la victoire. Ils savent que dans un an la part d’augmentation qui est payée par les collectivités locales passera à leur charge et dans trois ans la part de l’état sera aussi à leur charge. Ils vont encore pleurnicher ! Le patronat et particulièrement le gros patronat va essayer encore de faire croire qu’ils n’ont pas la capacité de supporter de telles augmentations.

Mais quand le camarade Elie Domota, au WTC [World Trade Center de Point Pointe-à-Pitre, plate-forme logistique et industrielle], a mis sous leur nez l’importance des subventions d’Etat et d’Europe qu’ils reçoivent chaque année, depuis vingt ou trente ans, nous les avons vus: ils ont baissé la tête et n’ont rien répondu.

Nous ne sommes pas assez bêtes pour croire ces gros patrons: nous voyons la liste des endroits où le groupe Bernard Hayot a investi dans le monde ! Il est en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, en Réunion, à Mayotte, etc. !

Pour qu’un patron puisse investir autant et dans tant d’endroits, il prend l’argent quelque part ! Personne ne le lui donne. C’est très simple, il le prend sur notre dos, sur notre exploitation.

Les 200 euros par travailleur représentent beaucoup moins pour le groupe Bernard Hayot que le montant des investissements dans une seule de ses nombreuses entreprises dispersées dans le monde.

Avec notre grève générale du 20 Janvier 2009, nous sommes passés de la défensive à l’offensive. Jusqu’ici les travailleurs se défendaient, se protégeaient contre les attaques du patronat et du gouvernement. Nous avons décidé d’attaquer. Nous avons exigé des revendications bien précises et nous avons remporté une importante victoire !

Alors camarades, ce que nous devons faire aujourd’hui, c’est conserver le cap, c’est rester sur cette ligne d’action. Ne nous mettons plus en position défensive. Camarades ! Nous devons placer notre congrès sur l’axe de la lutte et de la poursuit de l’offensive lancée le 20 janvier 2009 ! Vive la lutte des travailleurs ! Vive l’action menée avec LKP ! Vive la grève générale soutenue par le mouvement populaire !

* Jean-Marie Nomertin est le secrétaire général de la CGT de Guadeloupe. Ce discours a été tenu à l’occasion du tout récent Congrès de la CGTP qui s’est tenu le 27 mars 2009.

(30 mars 2009)

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