France
J. Attali, à droite (déjà), conseiller du Prince
Le
cru Attali 2010: insipide
Jean-Marie
Harribey
Jacques
Attali, ex-conseiller de François Mitterrand et ex-directeur de la
Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)
– qu’il fut contraint de quitter, début des années 1990, entre
autres, car il aimait trop les bureaux en marbre et autres dépenses
de confort – vient de commettre un nouveau rapport.
Comme
l’écrit le quotidien français Le
Parisien,
du samedi 16 octobre:
«C’est en toute discrétion que Jacques Attali a remis hier soir à
Nicolas Sarkozy – vendredi 15 octobre – son nouveau rapport,
rédigé par 43 experts, visant «à sortir de la crise».
On est loin de l’emballement médiatique qui avait entouré en 2008
la sortie de son précédent rapport avec ses 316 proposition pour
«libérer la croissance française».
Et de continuer: «Difficile
en effet, alors que la contestation contre la réforme des retraites
gagne du terrain de «vendre» auprès de l’opinion le
traitement de choc prôné par l’ancien conseiller de François
Mitterrand.»
Le
seul traitement qui intéresse Jacques Attali – adepte pas trop
habile du plagiat – est celui qu’il touche. Lui, directeur d’une
prétendue ONG, «PlaNet
finance. Votre argent peut changer le monde» (sic),
peut toutefois faire la une sur radio de Suisse française, Espace
deux,
auprès d’une journaliste qui vient de terminer l’apprentissage
de l’alphabet. (Réd). *****
Jacques
Attali remet aujourd’hui, le vendredi 15 octobre, au président de
la République française, Nicolas Sarkozy, un nouveau rapport de la
«Commission pour la libération de la croissance» qu’il
préside. Ce rapport contient 25 propositions pour enfin réformer le
pays dans les dix prochaines années. Sans doute, les 316
propositions que la commission avait émises en janvier 2008
avaient-elles fait long feu. Ou bien la commission est devenue plus
modeste. Plus modeste ou plus brutale ?
La
maîtrise des dépenses publiques est son premier cheval de bataille: 50 milliards d’euros en moins sur trois ans. Parmi eux,
10 milliards d’économies en gelant le point d’indice [c’est
un indice de salaire à structure de qualifications annuelle
constante ; il vise à apprécier les évolutions du traitement brut
des agents de la fonction publique de l’État]
des fonctionnaires.
La
règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à
la retraite serait étendue aux collectivités locales et à la
Sécurité sociale.
La
fin de la prise en charge à 100 % des maladies graves de longue
durée (cancer, diabète…), quelles que soient les ressources des
malades, et le déremboursement de certains médicaments participent
à la «modernisation» de la Sécurité sociale pour
laisser plus de place aux assurances complémentaires privées. C’est
une «modernisation» qui fleure bon le démantèlement.
En
pleine bataille sur les retraites, la Commission de Jacques Attali
apporte sa pierre à l’édifice en confortant le projet du
gouvernement, allant même plus loin pour la période post-2020.
Reporter l’âge de la retraite est la bonne mesure pour le court
terme et, pour le long terme, il faut allonger la durée de
cotisation: «Augmenter
la durée de vie professionnelle permet de concilier amélioration
des finances publiques et stimulation de la croissance.» L’individualisation du système de retraites est recherchée avec
la proposition de mettre en place des comptes notionnels. [1]
L’autre
volet du nouveau rapport de la Commission Attali concerne les
recettes fiscales. Au diapason du rabotage des niches fiscales,
25 milliards de réduction sont envisagés. Mais le point le
plus important porte sur l’introduction d’une TVA sociale à la
place des cotisations sociales. Cette proposition controversée a été
récemment reprise par une partie de la droite sous l’appellation
«TVA anti-délocalisations». Or elle se heurte à de
multiples objections dont l’association Attac avait fait
l’inventaire en 2007 [2], notamment: la TVA dite sociale
signifierait une politique non coopérative au niveau européen;
jamais elle ne résorberait l’écart des coûts de production dans
le monde, elle n’éviterait donc aucune délocalisation; elle
provoquerait une nouvelle baisse de la contribution des entreprises
aux financements sociaux, sans aucune contrepartie de leur part en
termes de baisse des prix et de création d’emplois
et
enfin, en tant que taxe sur la consommation, elle aggraverait encore
le caractère non redistributif de notre fiscalité.
Enfin,
ce dernier rapport de la Commission Attali adopte des propositions
qui, au regard de sa propre problématique – promouvoir la
croissance –, s’inscrivent pleinement dans la logique
néo-libérale: la rigueur budgétaire et l’austérité pour
les pauvres sont censées nous sortir de la récession.
On
connaît ce programme: il a échoué depuis plus de trente ans.
Demain encore, il échouera et, de plus, il nous engouffrera dans une
voie sans issue, car il sera incapable de concevoir un avenir non
productiviste.
Le
cru Attali 2008 et celui de 2010, c’est double zéro pointé [3].
1.
Un régime de retraite en «comptes notionnels» permet
de cumuler un «capital virtuel». Il correspond à la
somme de ses cotisations et est revalorisé chaque année en fonction
du PIB ou de la masse salariale. Lors du départ en retraite, un
coefficient est appliqué pour le convertir en pension en reprenant
l'espérance de vie de la génération à laquelle appartient
l'assuré. Ce système est utilisé en Suède par exemple. Il
nécessite un débat que nous ne pouvons mener ici (Red.).
2.
Voir www.france.attac.org/spip.php?article7316
3.
«Rapporteur Attali, zéro pointé par Jean-Marie Harribey» (30
janvier 2008). « Le Premier ministre, François Fillon, veut noter
les membres de son gouvernement à l’aune du rendement des mesures
mises en œuvre dans le cadre du programme de Nicolas Sarkozy. Et
comme ce dernier a promis de réaliser tout ce que proposerait la
commission pour «libérer la croissance» présidée par
Jacques Attali, prenons-le au mot et notons les propositions de cette
commission qui vient de rendre public son rapport, d’autant qu’elle
invite à faire évaluer les enseignements par les usagers. Ça tombe
bien pour une notation sur 20, car, sur un total de 316 mesures, elle
a fait vingt propositions de «décisions fondamentales»
encadrées par huit «ambitions» dans un rapport «ni
partisan, ni bipartisan, mais non partisan». Commençons par
la vingtième car elle conditionne les dix-neuf autres. Baisser d’un
point de PIB par an et pendant cinq ans les dépenses publiques. Non
partisan ? C’est le programme néolibéral depuis 25 ans. Note pour
la copie d’Attali: zéro sur un. Propositions 1, 3, 5 et 6:
développer l’enseignement (français, lecture, écriture, calcul,
anglais, travail de groupe, informatique maîtrisés en 6e ;
remarquez l’absence des arts), la recherche et les secteurs
d’avenir (numérique, santé, écologie, tourisme, solaire, pile à
combustible, biotechnologie, nanotechnologies, neurosciences), le
très haut débit (notamment dans l’administration), les
infrastructures (ports, aéroports et places financières ; remarquez
la confusion entre le réel et le fictif), et le logement social.
Objectifs incompatibles avec la proposition 20, sauf à supposer que
leur financement viendra du privé. Note: zéro à chacune de ces
propositions. Propositions 2 et 18: constituer dix grands pôles
d’enseignement et de recherche d’excellence et créer des agences
pour les principaux services au public et faire évaluer tout service
public (école, université, hôpital, administration) par des
organes indépendants. La voie est donc ouverte pour réaliser ce que
prévoit la loi Pécresse [alors ministre de l’Education supérieure
et de la Recherche de 2002 à 2007] sur l’université: faire
entrer le privé dans l’enseignement et la recherche. Et la notion
de service public est dénaturée en «service au public»,
à l’instar des directives européennes, tandis qu’on évaluera
ce qu’il en restera avec des critères de rentabilité. Notes:
zéro et zéro. Proposition 4: mettre en chantier dix «Ecopolis»
intégrant technologies vertes et technologies de communication.
Toute l’urgence écologique consignée dans une incidente. Note:
zéro. Propositions 7, 8, 13, 14: accorder des facilités aux
entreprises sur la fiscalité, les démarches administratives,
liberté des prix et d’installation dans la distribution,
l’hôtellerie et le cinéma, ouverture des professions
réglementées. Il s’agit de favoriser les PME, donc par rapport
aux grandes entreprises. Incohérent avec la concurrence non faussée
prônée par ailleurs. Notes: zéro partout. Propositions 9, 10, 11,
15, 16, 17: elles concernent toutes le marché du travail. Renvoyer
l’essentiel des décisions sociales à la négociation (exit le
droit du travail), obliger les entreprises et les administrations à
présenter un bilan de la diversité de l’emploi (comme l’actuel
bilan social, ça ne coûte pas cher), réduire le coût du travail
par le transfert des cotisations sociales vers la CSG et la TVA (donc
sans tenir compte de l’augmentation des besoins et de l’iniquité
des impôts proportionnels), favoriser la mobilité des travailleurs
(que deviennent les sans papiers ?), rémunérer les chercheurs
d’emploi en formation (incompatible avec la réduction des dépenses
publiques), et sécuriser la rupture amiable du contrat de travail
(pourquoi sécuriser: entre amis, n’est-ce pas sûr ?). Notes:
zéro partout. Proposition 12: allonger la durée d’activité sans
limite d’âge, qui résonne comme en écho à la possibilité
donnée aux entreprises de déroger à la durée légale du travail.
Pour avoir sonné le glas de la RTT, note: zéro. Proposition 19:
supprimer les départements. A-t-on demandé leur avis aux citoyens ?
Par exemple, par référendum, avant qu’il ne tombe en désuétude…
Note: zéro. Total des points obtenus par le rapporteur Attali: zéro. Mais l’orientation ultra libérale ne se niche pas
seulement à l’intérieur de chacune de ces propositions qualifiées
de «fondamentales». Elle inspire la totalité des
ambitions affichées par la commission Attali dont la philosophie est
résolument productiviste, sans que soit esquissée la moindre
interrogation sur le bien-fondé d’une croissance économique
espérée à hauteur de 5% par an, comme dans l’après-guerre ou
comme dans les pays émergents aujourd’hui. «Même si chaque
Français produit 5% de plus par heure travaillée que chaque
Américain, il produit 35% de moins que lui au cours de sa vie
active», écrit Attali. Confondre, en terme d’objectif,
l’efficacité, mesurée par la productivité horaire, et le
productivisme, défini par la recherche d’une productivité
individuelle toujours plus grande, vaut au rapporteur Attali un zéro
pointé. Sur fond de crise financière, on est partagé entre un
éclat de rire et l’abattement en voyant loué le «rôle
important des fonds de pension et des marchés financiers»
dans la réussite de l’économie américaine. Zéro doublement
pointé.»
(18 octobre 2010)
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