France-Algérie

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Scène du massacre de Sétif, le 8 mai 1945

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Sarkozy: le «hasard» d’une date et l’histoire de l’Algérie

Hassan Moali *

On peut certes discuter la conclusion de cet article de El Watan (daté du 8 mai 2007). Y compris, peut être débattue la formule: «la guerre des mémoires entre la France et l’Algérie.»

Les travaux d’historiens critiques en France sont nombreux sur la colonisation par la France de l’Algérie et sur les pratiques colonisatrices exercées, à chaque époque, par le pouvoir colonial comme par les colons (qui formait une population socialement différenciée).

Les travaux de Benjamin Stora, entre autres, ont ouvert la voie à de nombreuses recherches en France (voir à ce propos, sur ce site, les larges extraits d’une intervention de Benjamin Stora, mis en ligne le 10 novembre 2004).

Les travaux de Mohammed Harbi représentent une référence incontournable du côté des historiens algériens.

Et, l’ouvrage collectif, sous la direction conjointe de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie (1954-2004), marque aussi un moment important de l’élaboration d’une mémoire critique conjointe.

La mémoire est l’enjeu de batailles de classes et de fractions de classe. Elle ne peut être récupérée, du point de vue des «classes subalternes», sans que les conflits sociaux, politiques, idéologiques traversant les formations sociales, hier et aujourd’hui, ne soient mis en lumière.

Toutefois cet article, dans le cadre du grand silence d’aujourd’hui, rappelle quelques faits qui méritent absolument de l’être. Ne serait-ce que pour cela, nous devions le publier (cau).

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Le hasard du calendrier mais aussi celui de l’histoire a fait coïncider la commémoration du massacre du 8 mai 1945, commis par l’armée coloniale française à Sétif, Guelma et Kherrata avec l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française.

Le parallèle aurait pu être anodin, n’était que ce personnage fait décidément peur à de larges secteurs de l’opinion, en France comme en Algérie.

Il est certain que les Algériens ne commémoreront pas aujourd’hui le triste souvenir de cette tragédie avec un froid et un recul qui sied à ce genre de repères historiques.

Ceci, bien que la scélérate loi du 23 février 2003 [1] votée puis supprimée par l’assemblée UMP, a ravivé les rancœurs et les rancunes entre l’Algérie et la France.

Aujourd’hui, les Algériens mettront sans doute une sacrée dose de patriotisme et éprouveront un peu plus de haine à l’égard de la France coloniale. Et la France sarkozienne surtout.

C’est, indubitablement, un regard pessimiste et chagriné que poseront aujourd’hui les Algériens sur ce massacre contre l’humanité. Plus chagrinés qu’ils ne l’ont été depuis longtemps. En propulsant un homme pour qui ces tragiques événements devraient être effacés des mémoires sanguinolentes des Algériens au panthéon de la République, les Français auront voté le déni de la mémoire en lieu et place du devoir de mémoire.

Désormais, les Algériens savent à quoi ils devraient s’attendre avec un homme qui, par son insondable arrogance, refuse d’avoir le courage d’un grand homme politique de reconnaître les méfaits de ses aïeuls, bien qu’il ne soit pas «un Français de souche».

Et c’est peut-être justement sa condition de fils d’immigré hongrois qui fait de lui un homme incassable, intraitable dès qu’il s’agit de reconnaître les torts de la France, histoire de montrer patte blanche. Ce n’est pas par hasard qu’il compte parmi le petit carré d’hommes politiques français à rester réfractaire à toute idée de repentance vis-à-vis des crimes coloniaux en Algérie. C’est le prix à payer pour un homme qui traîne comme un boulet ses origines hongroises.

Il lui fallait donc, autant que faire se peut, être plus français que les Français eux-mêmes. En se faisant élire à l’Elysée, Nicolas Sarkozy aura réussi son examen. «Dès mon jeune âge, j’ai aimé la France …», a-t-il lâché à juste titre, au soir de sa victoire. Voilà qu’il est enfin reconnu en tant que tel, devait-il se dire, ce dimanche béni, place de la Concorde.

 À n’en point douter, Nicolas Sarkozy va renvoyer rapidement l’ascenseur à ceux qui l’ont décomplexé. Il sera ce président qui aura la réponse scellée et non négociable sur la question du devoir de mémoire et de la repentance. Il sera le gardien du temple de la bien «pensance française». Il se fera un plaisir d’asséner aux Algériens un jour de 8 Mai, de 1er Novembre [date du début de «l’insurrection» en Algérie, sous le drapeau du FLN) ou de 5 Juillet [2], qu’il n’est pas question que la France, sa France, se prosterne à la mémoire des 45’000 Algériens tués en 1945.

Sétif et l’Arménie...

Il ne faudrait pas s’attendre à ce qu’il soit capable de prononcer un «Je vous ai compris» du légendaire De Gaulle, avec l’héritage duquel il veut opérer une rupture. «Nous ne pouvons pas nous repentir des erreurs de nos parents.» Voilà donc le leitmotiv de Sarkozy à chaque fois qu’il est interpellé sur le devoir de mémoire vis-à-vis de l’Algérie. Sur ce plan, il a le mérite d’être clair même si cela fait mal chez nous.

Or, ce principe est à géométrie variable dans son discours et celui des autres hommes politiques français, selon qu’il soit question de repentance à l’égard des Juifs, ou encore de l’Allemagne hitlérienne. Il n’y a pas si longtemps, ce même Sarkozy et tout l’establishment français ont fait un chantage incroyable à la Turquie de laquelle ils exigent la reconnaissance d’avoir commis un massacre en Arménie, moyennant son admission à l’Union européenne !

Pourquoi donc Sarkozy brandit-il son veto contre la Turquie sous prétexte qu’elle ne veut pas reconnaître son devoir de mémoire et s’entête dans le même temps à refuser de libérer la conscience française des crimes contre l’humanité commis en Algérie ?

Il est vrai que «vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà», pour reprendre la géniale formule du philosophe français, Pascal. C’est dire que le profil et le caractère du président Sarkozy n’incitent pas à l’optimisme s’agissant de la guerre des mémoires entre la France et l’Algérie.

Sauf si la fonction présidentielle qu’il va occuper désormais lui procure le détachement, la grandeur et le sens du devoir nécessaire pour un homme qui veut tout changer. A ce moment-là, il ira sans doute plus loin que la refondation des relations, le traité d’amitié et le partenariat d’exception chers à Chirac. Et le président Sarkozy aurait ainsi bien compris les Algériens qui le lui rendraient bien. En aurait-il le courage et la sagesse ?

* Journaliste auprès du quotidien El Watan (Alger)

1. En 2003, un certain nombre de députés UMP, et parmi eux Philippe Douste-Blazy, déposaient un projet de loi qui soulignait notamment que «l’oeuvre positive de l’ensemble de nos concitoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période de la présence française est publiquement reconnue.» Voir à ce sujet l’ouvrage Une drôle de justice, Ed. La Découverte, 2006, sur «Le système de répression élaboré après le 1er novembre 1954, date du début de la guerre d’Algérie», ainsi que La colonisation, la loi et l'histoire, par G. Manceron et C. Liauzu, Ed. Syllepse 2006. (Réd.)

2. Le 5 juillet 1830 est la date «anniversaire du débarquement des Français en Algérie. En 1962, l’OAS, organe militaire des tenants de «l’Algérie française», commence proche de cette date symbolique une campagne de terreur. Début juin 1962, les commandos Delta incendient la bibliothèque d'Alger et ses 60’000 volumes, puis font de même avec la mairie d'Oran, la bibliothèque municipale et 4 écoles. (Réd.)

(8 mai 2007)

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