Egypte
L’armée égyptienne et les manifestations contre le pouvoir
Catherine Monnet
Dans les rues égyptiennes, la contestation continue malgré la répression du 26 janvier 2011 : 2 personnes tuées. Ce qui porte à 6 le nombre de morts depuis le début des manifestations, avec plusieurs dizaines de blessés.
Ce matin 27 janvier 2011, un responsable de la sécurité égyptienne a indiqué qu'au moins 1 000 personnes ont été arrêtées en deux jours. Ziad Abdel Tawab, responsable des plaidoiries au sein de l’Institut pour les droits humains au Caire affirme : «On pense que les gens qui ont été soumis à des interrogatoires vont être emprisonnés.»
Dans le centre du Caire, les forces de l'ordre sont déployées en masse, mais seule la police charge les manifestants. Pour l'instant, les militaires restent en retrait malgré le poids politique très important de l'armée en Egypte.
A la différence de la Tunisie, le régime égyptien est une créature de l'armée. C'est elle qui, en 1952, après un coup d'Etat a créé la République et a nommé les présidents. C'est l'armée égyptienne – dont est issu Hosni Moubarak – qui est aujourd'hui encore un véritable pilier politique du pouvoir. Dans ce pays qui vit depuis 3 décennies sous état d'urgence, l'armée est qualifiée par les diplomates américains, « de centre du pouvoir ».
Même si dans un télégramme américain daté de 2008 et publié par WikiLeaks, l’armée égyptienne est qualifiée «d’institution en déclin» elle n’en reste pas moins «puissante» à l’intérieur du pays. C'est elle qui garantit la stabilité du régime, car d’après les diplomates américains, elle opère à travers le pays «un vaste réseau d’entreprises commerciales particulièrement actives dans le secteur de l’eau, l’huile d’olive, le ciment, la construction, l’hôtellerie et les stations essence».
Un coup d’Etat militaire n’est pas à exclure
Les analystes s'accordent à dire que l'armée n'hésitera pas à prendre les devants si elle sent que le système politique est menacé. L’armée n’est pas descendue dans les rues du pays depuis janvier 1977, depuis les émeutes de la faim.
D'après un mémo confidentiel de l'ambassade américaine au Caire, publié également par WikiLeaks, les diplomates qui exploraient, dès 2007, les scénarios possibles en cas de décès du président Moubarak, n'excluaient pas un coup d'Etat des militaires, pour notamment empêcher l'arrivée au pouvoir du fils du président. Gamal Moubarak, poussé par son père pour prendre la relève, a davantage de soutiens dans le monde du business libéral que dans l'armée, qui lui reproche de ne «même pas avoir terminé son service militaire obligatoire».
Par ailleurs, anticipant sur la fin prochaine du régime Moubarak, l'un de ses plus farouches opposants, Mohamed el Baradei, célèbre dans le monde entier car il a été patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a annoncé qu'il rentrait au Caire et qu'il prendrait part dès demain aux manifestations contre le pouvoir actuel. Et l'opposant va plus, puisqu'il se propose déjà de mener la période de transition qui suivrait la chute du régime actuel.
Mohamed El Baradei se positionne comme «leader»
Quand il est rentré en Egypte il y a un an, Mohamad el Baradei a reçu un accueil triomphal de la part des opposants laïcs qui ne se retrouvaient pas dans l’opposition classique où islamiste.
Une Assemblée nationale pour le changement a été créée autour du prix Nobel de la paix et une campagne a été lancée pour rassembler un million de signatures en faveur d’une réforme démocratique. Mais au fil des mois l’enthousiasme a commencé à s’estomper. Il y a eu d’abord le discret rapprochement de Mohamad el Baradei avec les Frères musulmans. De nombreux militants ont ensuite été déçus par les absences répétées de Mohamad el Baradei, souvent à l’étranger. Des absences qui, selon eux, le coupaient de l’opinion publique. Lors de la journée de la colère de mardi 25 janvier, avec ses grandes manifestations, Mohamad el Baradei était absent et n’a pas participé à la préparation de l’événement.
Mais il reste que cette opposition qui a réussi à réaliser des protestations sans précédent depuis l’arrivée du président Moubarak au pouvoir n’a pas de vrai chef de file. Mohammad el Baradei réussira-t-il à s’imposer comme l’homme de la situation lors des manifestations prévues après la prière du vendredi ? (rfi)
(27 janvier 2011)
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