Le système des patentes condamne à la cécité
30 millions de personnes dans les pays appauvris
Canal Solidario-OneWorld 2007 *
Saviez-vous que le 90% des personnes affectées de cécité vit dans les pays pauvres? Et qu'il existe au monde quelque 37 millions de personnes [certaines études en compte 45 millions, avec une concentration particulière en Afrique: au moins 12 millions] complètement aveugles, et approximativement le même nombre de porteurs du virus VIH/SIDA?
Cela vous surprendra peut-être encore davantage d'apprendre que le système des patentes, qui donne aux entreprises la possibilité d'augmenter le prix des médicaments, fait que 30 millions de personnes dans les pays pauvres ne peuvent accéder à un traitement, et sont condamnées à la cécité.
Intermon, Oxfam et Vision Mundi dénoncent cette réalité dans le rapport «Vision marchande: pourquoi les règles de la propriété intellectuelle empêchent de prévenir et de guérir la cécité dans les pays pauvres».
Le rapport, élaboré avec la collaboration de la Fondation ONCE pour la solidarité avec les personnes aveugles d'Amérique Latine (FOAL), affirme que, dans beaucoup de régions, il existe un lien direct entre les taux de cécité et ceux de l'espérance de vie, et que «la cécité est évitable dans trois sur quatre cas, et que d'ailleurs il suffirait d'un petit effort pour les éviter».
De fait, les traitements pour la prévention et le traitement de la cécité comptent parmi les interventions sanitaires qui ont le plus de succès et qui sont efficaces quant au rapport coût et bénéfice. L'organisation Mondiale de la Santé (OMS) calcule que si l'on inversait la tendance et que, dans le monde entier, on donnait la priorité à l'amélioration des services ophtalmologiques, on pourrait atteindre l’année 2020 avec moins de 25 millions d'aveugles au lieu des 75 millions prévus.
Des médicaments plus chers dans les pays pauvres
Le manque d'accès à des médicaments à des «prix abordables» condamne 30 millions de personnes à vivre «dans l'obscurité», dont la majorité, soit les deux tiers, est constituée de femmes. Dans la majorité des pays sous-développés (de la périphérie et dominés par l’impérialisme) les patients doivent payer de leur poche le prix des médicaments.
Selon le rapport cité, la seule manière de réduire ce coût de manière substantielle serait de garantir l'accès aux médicaments génériques, puisque dans ces pays, les compagnies pharmaceutiques imposent des prix pour les médicaments de marque qui sont inaccessibles pour la majorité de la population. Il arrive même fréquemment que les médicaments y soient vendus plus cher que dans les pays développés.
Pour élaborer le rapport, Intermon, Oxfam et la Fondation Vision Mundi ont étudié l'effet de l'accès aux médicaments dans la prévention et le traitement de la cécité en comparant la situation en Bolivie et en Inde.
En Bolivie, le pays le plus pauvre de l'Amérique Latine, les règles de propriété intellectuelle font obstacle à la vente de génériques et permettent la commercialisation de médicaments de marque à des prix plus élevés qu'en Espagne, où le revenu par tête d'habitant est dix fois plus élevé. L'Inde, au contraire, a favorisé la production et la vente de médicaments génériques, ce qui a abaissé les prix et facilité l'accès des plus pauvres au traitement.
Ce n'est pas un marché
Par ailleurs, l'OMS estime la perte de capacité productive associée à la cécité à quelque 75'000 millions (75 milliards) de dollars par an, ce qui est l'équivalent de 90% de l'aide officielle au développement mondial en 2004. Selon le rapport. «cela revient plus cher de ne rien faire pour la prévention et le traitement de la cécité que de la combattre»1.
Dans le rapport, on démonte également l'argumentation des compagnies pharmaceutiques contre la commercialisation des génériques dans les pays pauvres. Elles prétendent que l'attaque contre la propriété intellectuelle éliminera les stimulants à la recherche. Mais en réalité seules 21 sur les 1556 nouvelles substances (molécules) commercialisées entre 1975 et 2004 visaient des maladies affectant exclusivement les pays pauvres, comme le paludisme. (trad. A l’encontre)
* Pour plus d’information voir le rapport, en langue espagnol: Visión de negocio, Informe de Intermón Oxfam y Visión Mundi. Febrero 2007
1.Cela renvoie à un problème central: pour quelles raisons, dans un système capitaliste, des besoins sociaux qui devraient donner lieu à l’instauration de droits – être soigné pour éviter la cécité, par exemple – ne sont pas satisfaits ?
Pourtant, en Bolivie, la firme Nissan (la filiale japonaise de Renault) «inonde» le marché de pick-up…pour ceux qui ont un pouvoir d’achat ou qui achète ce véhicule afin d’effectuer des transports privés, comme gagne-pain ; quand ce n’est pas pour mettre sur pieds une petite «flotte rentable» de transports. (NdR)
(5 mars 2007)
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