Brésil

 

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L’agrobusiness, l’appropriation privée de la terre
et de la nourriture

Via Campesina

Les travailleurs urbains participant à l’Assemblée Populaire de Via Campesina, dans le cadre de la campagne lancée dès le 10 juin 2008, ont élaboré un communiqué qui condamne les politiques néolibérales appliquées au secteur agricole.A l’occasion de la journée de lutte déclarée dans treize Etats du Brésil, l’organisation qui coordonne les mouvements paysans au niveau international s’est prononcée « contre l’agronégoce et en défense de l’agriculture paysanne ».

Dans un communiqué diffusé par le Mouvement Sans Terre du Brésil (MST), Via Campesina explique que « le modèle économique actuel, basé sur l’agrobusiness et le capital financier, veut transformer les aliments, les semences et toutes les ressources naturelles en marchandises ».

L’association prétend que de cette manière on cherche à « satisfaire les intérêts des grandes compagnies transnationales en garantissant leurs bénéfices et en satisfaisant leur cupidité». Le document soutient également que « ces groupes économiques s’approprient la terre, l’eau, les minéraux et la biodiversité, livrant ainsi aux firmes  privées ce qui appartient à tous ». Elle affirme aussi qu’ « ils promeuvent la dévastation des forêts et la détérioration du sol par la monoculture ». Elle ajoute encore que le modèle de l’agrobusiness « augmente l’exploitation des travailleurs en les précarisant, en ne respectant  pas leurs droits, en générant chômage, pauvreté et violence ». Pour finir, l’association condamne « la concentration de la richesse aux mains des plus riches, spécialement des banquiers et des entreprises transnationales, alors que l’inégalité et la pauvreté s’accroissent».

Communiqué: «Nous voulons produire des aliments»

Le modèle économique actuel, basé sur l’agrobusiness et le capital financier, veut transformer les aliments, les semences et toutes les ressources naturelles en marchandises afin de satisfaire les intérêts des grandes compagnies transnationales et garantir leurs bénéfices.Ces groupes économiques s’approprient la terre, l’eau, les minéraux et la biodiversité, transformant ainsi en bien privé ce qui appartient à tous. De plus, ils promeuvent la dévastation des forêts et la détérioration des sols par la monoculture. Ils augmentent également l’exploitation des travailleurs, les précarisent, méprisent voire suppriment leurs droits, provoquant ainsi chômage, pauvreté et violence.Ainsi l’agrobusiness promeut la concentration de la richesse aux mains des plus riches, spécialement des banquiers et des entreprises transnationales, alors qu’il augmente l’inégalité et la pauvreté de la population. Il est nécessaire et urgent de combattre la logique oppressive et destructive qui se manifeste dans les termes suivants:

I – Nous dénonçons

Nous dénonçons le modèle agricole actuel parce que:

1. Il favorise les intérêts des compagnies transnationales qui font alliance avec les latifundistes pour contrôler notre agriculture et tirer ainsi de grands bénéfices de la production et du commerce des aliments ainsi que de la vente de semences et d’engrais.

2. Il priorise la monoculture sur des grandes surfaces de terre, ce qui affecte l’environnement, détériore la terre et nécessite l’utilisation de grandes quantités de pesticides.

3. Il stimule la monoculture de l’eucalyptus et du pin, deux espèces qui détruisent la biodiversité et contaminent l’environnement, provoquant chômage et désagrégation sociale des communautés paysannes et indigènes, notamment des Quilombolas [terres occupées historiquement par des esclaves qui avaient échappé à la servitude].

4. Il encourage la production d’éthanol pour l’exportation, ce qui promeut l’augmentation de la monoculture de la canne à sucre et, en conséquence, cause l’augmentation du prix des aliments et la concentration de la propriété de la terre en mains étrangères.

5. Il répand l’usage de semences transgéniques qui détruisent la biodiversité, éliminent nos semences natives, peuvent causer des dommages à la santé des paysans et de ceux qui consomment les aliments et transfère aux transnationales le contrôle politique et économique des semences

6. Il promeut la ruine de notre biomasse, spécialement de la forêt amazonienne et du Cerrado [savane], et la destruction des champs de palmeraies de coco, à travers l’expansion de l’élevage et la culture de soja, d’eucalyptus et de canne à sucre, de même qu’à travers l’exportation de bois et de minéraux.

II. Nous sommes contre:

Les transnationales, les latifundistes et un groupe de politiciens, partis et parlementaires qui défendent les intérêts économiques et veulent approuver des lois qui péjorent la situation. Pour cette raison:

1. Nous sommes contre la loi de concession des forêts publiques, qui va signifier la privatisation de la biodiversité, et le projet de loi 6.424/05 (du sénateur Flexa Ribeiro – Parti de la Social-démocratie Brésilienne/Paraná) qui réduit la surface de réserve légale en Amazonie de 80% à 50%.

2. Nous sommes contre la Mesure Provisoire 422/08 qui légalise en Amazonie l’invasion de terres par les latifundistes jusqu’à un maximum de 1.500 hectares, alors que la Constitution fixe un maximum de 50 hectares.

3. Nous sommes contre la Mesure Provisoire qui déroge à l’obligation du contractant d’enregistrer les travailleurs dans un délai de trois mois. Nous condamnons l’existence impunie du travail esclavagiste, le recours au travail des enfants et le fait que ne sont pas garantis aux travailleurs de la terre les droits du travailleur et la sécurité sociale.

4. Nous sommes contre le Projet de Changement Constitutionnel 49/06 (du sénateur Sérgio Zambiasi – Parti Travailliste du Brésil/Rio Grande do Sul), qui propose la diminution de la zone de frontière spéciale au bénéfice des compagnies transnationales et des groupes économiques internationaux.

5. Nous sommes contre le projet de détournement du fleuve São Francisco dont l’objectif est de bénéficier seulement à l’hydrobusiness et à une production tournée vers l’exportation. Le projet ne répond pas aux nécessités des populations qui vivent dans la région du Nordeste semi-aride.

6. Nous sommes contre la privatisation de l’eau qui peu à peu est monopolisée par des compagnies transnationales telles que Nestlé, Coca-Cola et Suez.

7. Nous sommes contre le modèle énergétique actuel, basé sur la construction de grandes centrales hydroélectriques – principalement en Amazonie –  ce qui met dans les mains des grandes firmes multinationales le contrôle de l’énergie et favorise les grandes entreprises qui consomment le plus d’énergie.

III. Nous défendons

Nous sommes mobilisés et nous sommes prêts à lutter pour changer cette réalité. Pour cela, nous aimerions:

1. Construire un nouveau modèle agricole, basé sur l’agriculture paysanne, sur la Réforme Agraire, sur la redistribution des revenus et le maintien des personnes dans le milieu rural.

2. Combattre la concentration de la propriété de la terre et des ressources naturelles, en procédant à une large distribution des latifundios [grandes propriétés terriennes] et en définissant une grandeur maximale pour la propriété de la terre.

3. Garantir que l’agriculture nationale sera contrôlée par le peuple brésilien, en faisant de la production d’aliment une question de souveraineté populaire et nationale et en soutenant les coopératives d’agro-industries et la culture d’aliments bons pour la santé.

4. Diversifier la production agricole, en encourageant les polycultures, en respectant l’environnement et en utilisant des techniques de production agro-écologiques.

5. Préserver l’environnement, la biodiversité et toutes les sources d’eau, avec une attention particulière portée à l’Aquifère Guarani [nappe d’eau faisant partie des plus grandes réserves du monde. Elle est divisée entre le Brésil pour 70%, l’Argentine pour 19%, le Paraguay pour 6% et l’Uruguay pour 5%], en combattant les causes du réchauffement climatique.

6. Empêcher que l’on déboise l’Amazonie et détruise la biomasse  brésilienne, en préservant les richesses naturelles et en utilisant les ressources naturelles de manière adéquate et soutenable, au bénéfice du peuple. Nous défendons le droit collectif d’exploitation des plantations de palmeraies de coco.

7. Préserver, diffuser, multiplier et améliorer les semences natives des différentes biomasses, de manière à garantir leur accès à tous les agriculteurs.

8. Lutter pour l’approbation immédiate de la loi qui autorise l’expropriation de toutes les propriétés où il y aurait du travail d’esclave et pour l’instauration de fortes amendes pour tous les latifundistes qui ne respecteraient pas la législation sur  le travail et la sécurité sociale.

9. Exiger la mise en œuvre de la proposition de l’Agence Nationale de l’Eau qui prévoit des travaux et des investissements dans toutes les municipalités des régions semi-arides, investissements nécessaires pour résoudre le problème d’approvisionnement d’eau de la population locale.

10. Empêcher que l’eau ne soit transformée en marchandise et garantir sa gestion comme un bien public, accessible à toute la population locale.

11. Assurer un nouveau modèle énergétique qui garantisse la souveraineté énergétique et donne la priorité au développement pour tous, en utilisant rationnellement l’énergie hydraulique produite dans de petites plantations et en encourageant la production d’agrodiesel et d’éthanol par les petits agriculteurs et leurs coopératives.

12. Le gouvernement fédéral doit autoriser l’INCRA (Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire) à reprendre et à accélérer la régularisation de toutes les terres appartenant aux communautés « quilombolas ».

13. Encourager la démarcation immédiate de toutes les réserves indigènes et procéder à l’expulsion de toutes les personnes y vivant illégalement, spécialement celles qui se trouvent à l’intérieur du périmètre de la réserve Raposa Serra do Sol [Etat de Roraima, au Nord du Brésil] et sur les terres du peuple Guaraní dans l’Etat du Mato Grosso do Sul.

Le gouvernement de Lula doit honorer les engagements signés en juillet 2002 sur la réalisation de la réforme agraire et appliquer ainsi son programme politique. Pour cela, il doit régulariser immédiatement l’installation de toutes les familles se trouvant dans des campements et construire au moins cent mille logements par année à la campagne pour éviter l’exode rural.

Notre lutte est une lutte pour la construction d’une société plus juste, égalitaire et démocratique, où la richesse sera répartie entre toutes et tous.

Via Campesina Brésil – Assemblée Populaire (12 juin 2008)

(Traduction – A l’Encontre)

(20 juin 2008)

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