Lula, au centre, serrant la main à Renan Calheiros
Les Brésiliens n'ont confiance ni en leurs «représentants»,
ni dans le système politique
Juan Luis Berterretche *
La semaine dernière (27.09.2007), on a pu prendre connaissance d’un sondage réalisé par la Consultoria Opiniao à la demande de l'Associaçao de Magistrados Brasileiros (Association des Magistrats Brésiliens) pour évaluer le degré de confiance dont jouissent les institutions et les organismes publics.
On ne peut pas dire que les résultats sont surprenants, car plusieurs sondages similaires ont mis en évidence une crise de confiance dans les institutions, crise estimée plus ou moins importante selon la méthodologie utilisée.
Le manque de confiance le plus marqué était obtenu par la Camara de Diputados [Chambre des députés], avec 83,1% [des personnes interrogées] qui ont déclaré ne pas avoir confiance en cette institution. Le 80,7% n'a pas confiance dans le Sénat fédéral, mais comme l'enquête a été réalisée entre le 4 et le 20 août, c'est-à-dire avant la honteuse votation absolvant le président Renan Calheiros [1], il est très possible que les sénateurs aient maintenant battu, en termes de méfiance, les députés fédéraux. De toute manière, il est important de souligner que la confiance à l'égard du Sénat est plus proche de 14,6% que de 20% et la fiabilité des Députés de 12,5%, car les pourcentages restants appartiennent à ceux qui «ne se prononcent pas».
Le 75,9% n'a pas confiance dans les partis politiques, et le 81,9% n'a pas confiance dans les politiciens. Les conseillers municipaux sont ceux qui s'en sortent le mieux dans le sondage, puisqu'ils obtiennent un rejet ne s’élevant «qu’à» de 74,1%.
Aussi bien le gouvernement fédéral que les exécutifs des villes et les gouvernements des Etats ont obtenu une meilleure évaluation. «Seules» 54% [des personnes interrogées] se méfient d'eux.
En conclusion, nous pouvons dire que la majorité des Brésiliens ont perdu confiance en leurs «représentants» et dans les institutions politiques.
L'enquête portait également sur d'autres thèmes d'actualité: le 85% des personnes pensent que la corruption peut être combattue et que le Ministère Public et la Police Fédérale sont les organes les plus adaptés dans ce combat; 80% s'opposent aux forums privilégiés par les politiques; plus de 94% pensent qu'un politicien dont le procès est en voie d'instruction ne doit pas pouvoir participer aux élections, et plus de 95% considèrent que la Réforme Politique [2] est importante.
Le pourcentage élevé d'appui à la Réforme Politique est un symptôme de la méfiance à l'égard du système politique actuel. Cette donnée combinée avec la suspicion à l'égard du Congrès sont des indicateurs du fait que les Brésiliens considèrent cette Réforme comme étant nécessaire, mais qu'ils ne font pas confiance au Congrès pour la mener à bien. Avec son incapacité à faire des avancées positives sur ce thème, le Congrès lui-même corrobore la suspicion de la population.
Le pessimisme et le découragement suscités par les agissements de la «classe politique» et de ses institutions ont eu pour conséquence que la population tend à déplacer son acceptation vers les institutions répressives. L'enquête a révélé une confiance de 75% à l'égard des Forces Armées et de la Police Fédérale pour régler ces affaires.
Même si cela ne correspond pas forcément à un penchant vers l'autoritarisme, c'est tout de même un très mauvais signe que seuls les mouvements sociaux seraient à même de contrecarrer, en favorisant la voie de la mobilisation pour obtenir des solutions populaires et une autodétermination. (Trad. A l’encontre)
* Juan Luis Berterretche est un écrivain et analyste d’origine uruguayenne qui vit actuellement au Brésil.
1.- Renan Calheiros, président du Sénat, est membre du PMDB, un parti de la bourgeoise, étroitement lié au PT (Parti des travailleurs) de Lula. Renan Calheiros avait d’ailleurs tout fait pour que le PMDB ne fasse pas obstacle à la réélection de Lula.
Le président du Sénat (la chambre haute composé a reçu (indirectement) des fonds d’une entreprise privée de construction, à laquelle il est très liée, fonds servant à financer – à hauteur de 6000 dollars par mois – une de ses anciennes maîtresses (une journaliste vedette de la Red Globo TV) et le fils «illégitime», «fruit» de leurs relations. La dénonciation publique a été faite par la journaliste. Renan Calheiros a été «blanchi» par la commission du Sénat.
La place de président du Sénat de Renan Calheiros et l’initiative prise par la journaliste a donné un relief particulier à cette affaire de corruption, qui en termes financiers n’arrive pas à la hauteur des multiples scandales qui éclatent tous les mois. Certes, l’enrichissement personnel (déclaré) de Renan Calheiros a augmenté entre 2002 et 2006 de près d’un million de dollars.
La possibilité pour le président Lula de nommer à des postes importants, sans aucun contrôle, quelque 24'000 «fonctionnaires» en l’occurrence, et les pratiques identiques à l’échelle des Etats représente une autre dimension du système corrupteur en place au Brésil. La pratique du clientélisme touche toutes les formations politiques et le statut d’élu ouvre la voie à des «avantages» et à des
Distribution d’argent qui rongent les partis politiques, y compris ceux qui se veulent à la gauche du PT. (Réd.)
2.- La réforme politique (portant sur le système d’élection du sénat, sur les changements de partis d’un élu au cours d’une législature, etc. etc.) est un thème aussi vieux que la réforme agraire au Brésil. Mais elle a avancé encore moins vite que cette dernière. (Réd.)
(4 octobre 2007)
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